Rapport mission à Genève des Organisations de la société civile membres du Groupe de Travail des Organisations Mauritaniennes des Droits Humains à l’examen de la Mauritanie à la 25ème Session du Comité des Disparitions Forcées.

I. Généralités

Une mission des membres des organisations de la société civile actives sur la thématique du Génocide dit « Passif humanitaire » s’est rendue à Genève à l’occasion de l’examen de la Mauritanie, les 11 et 12 septembre 2023, à la vingt-cinquième session du comité chargé de la mise en œuvre de la Convention Internationale de Protection de toutes les Personnes contre les Disparitions Forcées, tenue du 11 au 29 septembre 2023.
Cette mission est composée de :

1. Venant de la Mauritanie :

- Collectif des Veuves :
- Fatimata Sall : Vice-Présidente
- Maimouna Alpha Sy : Secrétaire Générale
- Orpheline :
- Aissata Tambadou

2. Venant de la France :

- VOIX des martyrs :
- Diariyata Toumbou : Présidente
- Kadiata Ba : membre
- Kadiata Sall : membre
- Organisation pour le Développement International Social Solidaire Intégrée (ODISSI) :
- KANE Haby Zakaria KONTE : Présidente
- Association Aides aux Veuves et Orphelins des Militaires Mauritaniens(AVOMM)
- Ousmane Abdoul Sarr : Président
- Demba Niang : Secrétaire Général
- Amadou Bathily : ancien Président
- Mamadou Elhousseine KANE : Conseiller

3. Venant des USA :
- Représentant Muritani Min Njejjittaa

Les déléguées venant de la Mauritanie ont été prises en charges par MENA RIGHTS GROUP une organisation non gouvernementale basée à Genève, grâce au concours du Centre d'Accueil de la Genève Internationale et le Secrétariat de la Délégation Genève Ville Solidaire.

Les délégué.e.s venant de la France et des USA ont assuré individuellement leurs prises en charges, pour ceux de l’AVOMM avec un appui de leur organisation et l’aide des volontaires Genevoises, par le truchement de notre ami Demba Niang, qui ont gracieusement contribué à l’hébergement et la restauration, à l’endroit desquelles nous adressons nos vifs et chaleureux remerciements.

II. Travaux Préparatoires de la 25ème Session du Comité des Disparitions Forcées des Nations Unies

1. Rapport du Groupe de Travail des Organisations Mauritaniennes des Droits Humains :

Depuis 2013, s’est constituée une coalition des organisations des droits humains actives sur le terrain qui ont en commun une indépendance de vision et d’action sur l’analyse des problématiques de défense et de promotion des questions des droits de l’homme en Mauritanie. Cette coalition se mobilise à chaque examen de la Mauritanie sur les thématiques pour lesquelles les organisations de la société civile membres sont spécialisées ou intéressées. A cet effet pour chaque thématique en jeu, les osc les plus actives sur celle-ci constituent le point focal.

Ainsi lorsque l’information est reçue de la part du secrétariat du comité de la convention sur les disparitions forcées, le Groupe de Travail des Organisations Mauritaniennes des Droits Humains s’est activé pour se réunir, et mettre en place un plan d’actions pour l’élaboration d’une contribution en vue de l’examen de l’Etat partie à cette convention. Un secrétariat est désigné pour recueillir et mettre en forme les contributions des différentes osc. Le deadline de soumission du rapport alternatif pour le 11 aout 2023 a été respecté. Le rapport est consultable sur le lien suivant :

https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=INT%2FCED%2FNGO%2FMRT%2F55711&Lang=en

2. Journée internationale des disparitions forcées et déclarations orales devant le comité:

Le 30 aout est dédiée journée internationale des disparitions forcées. Cette année-ci pour célébrer cette journée un appel à contribution est lancé en vue de publier une déclaration commune sur la notion de « disparition forcée de courte durée ». Les délégué.e.s du collectif des veuves de Mauritanie, de l’association des Veuves et des Orphelins contre l’Impunité et la Xénophobie (VOIX des martyrs) et de Muritani Min Njejjittaa des USA ont élaboré des communications adressées conjointement au comité des disparitions forcées et au Groupe de Travail pour les Disparitions Forcées ou Involontaires à l’occasion de cette journée du 30 aout. Ces contributions ont fait ressortir les répressions contre les activistes de défense des droits des disparus du génocide en Mauritanie lors des manifestations de commémoration de la journée du 28 novembre de l’indépendance de la Mauritanie souillée par la pendaison à la garnison d’INAL de 28 militaires afro-mauritaniens, mais aussi aux voyages pèlerinage pour identifier les sépultures des martyrs de la période du génocide. Ce travail doit constituer la base pour la soumission des plaintes individuelles au GTDFI et au comité des disparitions forcées.

Parallèlement à ces communications énumérées ci-dessus, les organisations membres du GTOMDH devant participer à 25ème la session en présentiel ont élaboré des déclarations orales à lire devant le comité des disparitions forcées lors de l’examen de la Mauritanie mettant en exergue des points importants pour renforcer le rapport alternatif.

3. Accompagnement pour le voyage des déléguées venant de Mauritanie :

A la soumission du rapport du GTOMDH, le 11 aout 2023, MENA RIGHTS GROUP a sollicité la collaboration du GTOMDH pour la participation des veuves et orphelins à la 25ème session du comité des disparitions forcées. Le collectif des veuves, signataire du rapport alternatif du GTOMDH, représentait une entité organisée avec laquelle les échanges sont menés pour désigner leurs représentantes devant effectuer cette mission. Ainsi, le choix s’est porté sur la vice-présidente Fatimata SALL et la Secrétaire Générale Maimouna Alpha Sy .

Concernant l’orpheline, par l’entremise des veuves, les responsables du Cadre de Concertation des Rescapés Mauritaniens en Europe et aux USA (CCRM-E/USA) ont sollicité les coordonnées de l’orpheline Aissata Tambadou pour participer à la mission de Genève. Celle-ci est fille du feu Lieutenant Abdoulaye Tambadou exécuté à INAL dont la responsabilité est attribuée à l’actuel Président de l’Assemblée Nationale le Gal/er Mohamed ould Meguett.

Devant les difficultés techniques d’obtenir un rendez-vous à l’ambassade de France à Nouakchott, qui représente celle de la Suisse en Mauritanie, pour le dépôt de la demande de visa dans un délai qui permet d’organiser le voyage comme prévu, le choix s’est porté à effectuer les formalités directement à l’ambassade de Suisse à Dakar. Ainsi le secrétariat chargé du rapport du GTOMDH a coordonné avec le MENA RIGHTS GROUP toutes les procédures techniques pour les demandes de visa et le voyage à Genève.

III. Déroulement à Genève de la 25ème session du Comité des Disparitions forcées

1. L’ouverture de la 25ème Session du CED et la réunion privée avec la Société Civile

Le 11 septembre 2023 à 10 heures, la Présidente du Comité des disparitions forcées Madame Villa Quintana, a ouvert la réunion accompagnée du secrétariat du comité Madame Albane Prophette et des experts membres du comité. Elle a lu le programme de la 25ème session qui est passé au vote pour valider, puis a procédé à la prestation de serment d’un nouveau membre du comité. Puis une pause de dix minutes est accordée.

A 11 heures la Présidente du comité a débuté la réunion privée avec la société civile mauritanienne. Le secrétariat du comité a accordé la parole à sept intervenants :

(i) - MENA RIGHTS GROUP : Alexis Thiry a fait une déclaration orale
(ii) - ODISSI : Mamadou KANE a lu la déclaration à la place de la Présidente KANE

Haby Zakaria KONTE désignée au service de la traduction en pulaar des différentes allocutions par le secrétariat du comité des disparitions forcées. Le texte a porté sur le concept de disparitions forcées de courte durée dont est victime les ayants droit des martyrs et les activistes suite aux répressions perpétrées consécutives aux manifestations de dénonciation qui font face au refus de la Mauritanie d’un règlement juste du génocide et de la déclaration des articles 31 et 32 pour les communications individuelles de la convention des disparitions forcées L’autre aspect de la déclaration orale est relatif à l’argumentaire pour la mutation de l’appellation du « Passif humanitaire » en Génocide conformément à la définition du génocide à article 2 de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 09 décembre 1948 et aux dispositions de la convention sur d’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité du 26 novembre 1968.

(iii) - Collectif des Veuves -Maimouna Alpha Sy : sa déclaration orale est axée sur le processus de dialogue à l’intérieur du pays entre CCRM-M (dont elle présidait) /CCRM-E-USA/CCVE avec l’Etat. Le blocage de ces concertations survenu à la déclaration des représentants du Président Ghazouani , de l’incapacité du pouvoir d’aborder les devoirs de vérité et de justice.

(iv) - VOIX des martyrs- Kadiata SALL : déclaration orale a pris en charge l’épuisement des
recours internes, les communications déposées à la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la résolution d’Alger 2000, les recommandations des instruments juridiques des Nations Unies, la saisine du Tribunal fédéral de la Belgique et de la Cour Pénale Internationale, le plaidoyer pour la ratification du statut de ROME et du deuxième protocole additionnel du Pacte International pour les Droits Civils et Politiques.

(v) - Muritani min Njejjittaa- Orphelin venant des USA : déclaration fournissant des informations sur les arrestations des disparus et les témoignages des rescapés sur les tueries extrajudiciaires.

(vi) - CCRM-E-USA - Me Abou Kalidou NDiaye : déclaration relative situation d’exclusion des afro-mauritaniens
(vii) AVOMM-Ousmane Abdoul SARR : déclaration qui a examiné l’incompatibilité de la loi d’amnistie 93-23 avec l’art 13 révisé en 2012 de la constitution qui hisse la torture et l’esclavage en crimes contre l’humanité, l’irrecevabilité de cette loi d’amnistie pour le droit pénal international, les dispositions de l’art 80 de la constitution sur la hiérarchie des actes juridiques et qui formule la supériorité des instruments internationaux sur le droit interne.

A l’issue de ces déclarations orales, les membres du comité ont posé des questions /réponses aux membres des organisations de la société civile. Maimouna Alpha Sy, Mamadou Ehousseine KANE, Alexis Thiry et Ousmane Abdoul SARR ont apporté des réponses aux questions posées.

A la fin de la réunion briefing entre les membres du comité des disparitions forcées et les participant.e.s des osc, un lobbying est effectué qui a amené le comité à accorder une trentaine de minutes d’échanges entre les deux parties. A cette occasion Fatimata Sall vice-présidente du collectif des veuves a apporté son témoignage en pulaar. A la suite les membres du comité ont posé des questions relatives à l’appui de la CNDH pour le règlement de la question du Génocide et l’information des osc par l’Etat partie à la préparation de son rapport. Mamadou Elhousseine KANE a eu à répondre à ces questions pour souligner que cette INDH est très limitée en proposition sur le génocide « Passif humanitaire ». Ce qui l’étaye, en 2017 la CNDH avait déclaré irrecevable les plaintes sur le génocide suite à la loi d’amnistie 93-23. Et qu’aucune information n’a été partagée avec l’Etat partie pour la préparation de son rapport.



2. Le dialogue interactif entre les experts du Comité et l’Etat partie

Le dialogue avec la délégation de la Mauritanie a démarré le 11 septembre 2023 à 15 heures. Mme Villa Quintana Présidente du comité a ouvert la réunion et donné la parole à S.E.M Cheikh Ahmedou Sidi, Commissaire aux Droits de l’Homme à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile. Le commissaire chef de la délégation mauritanienne, sur invitation de la Présidente du comité des disparitions, a présenté le rapport initial de l’Etat partie. Il a abordé la situation des droits de l’homme qu’il a considéré en rapport avec la mise en œuvre des dispositions de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

A la fin de l’exposé du commissaire, la Présidente du comité a donné la parole aux deux experts du comité MM. Matar Diop et Olivier de FROUVILLE rapporteurs sur la Mauritanie. Ces deux experts rapporteurs du pays ont posé la première série de questions. La délégation mauritanienne s’est retirée pour préparer les réponses. Ce rituel a ponctué les échanges entre la délégation de la Mauritanie le 11 septembre de 15 heures à 17 heures 50 et le 12 septembre de 10 heures à 13 heures 05. La quintessence de ces débats est reprise dans les deux documents joints (G2318426_F 1ère P et G2318470_F 2ème P).

Le débat interactif entre l’Etat partie et les experts du comité a soulevé des questions pertinentes sur le génocide de la période dite du « Passif humanitaire » relatives au principe de continuité des crimes de disparitions forcées tant que les faits ne sont pas élucidés, la demande à l’Etat partie de fournir la liste des personnes disparues, d’identifier les sépultures, de rendre aux ayants droit les restants de leurs martyrs et la mise en œuvre des principes de vérité et de justice, etc. Pour les disparitions forcées de citoyens mauritaniens survenus à l’étranger d’impliquer les familles dans la recherche de leurs parents….

La délégation mauritanienne a esquivé beaucoup de questions. Néanmoins elle a mis en exergue les mesures exécutées pour le retour des déportés depuis le Programme Spécial d’Insertion Rapide clôturé en 2000, passant par le retour organisé des déportés sous l’égide de l’accord-cadre entre Mauritanie-Sénégal avec le HCR et les « indemnisations » en faveur des ayants droit des martyrs, des rescapés civils et des forces armées et de sécurité. Pour se défendre la délégation mauritanienne a cité les dispositions de l’article 35 de la convention sur les disparitions forcées qui stipule le non rétroactivité de l’application de cette convention. Au nom de la délégation, le CDHAHRSC a loué la convergence de vue entre l’Etat et les victimes, que, bien qu’il reste encore des choses à faire, des actions sont réalisées pour le règlement du dossier du « Passif humanitaire ». Et que le Président actuel a déclaré être disposé à régler cette question et qu’une commission est mise en place composée de quatre représentants de chaque côté Etat/victimes pour réfléchir sur les perspectives de solution du génocide.

3. Wébinaire entre la Présidente GTDFI et les représentants des OSC

En marge de l’examen de la Mauritanie, le 12 septembre 2023 à 14 heures, les missionnaires de la société civile ont tenu une réunion de travail avec la rapporteuse spéciale du droit à la vérité, à la justice et aux garanties de non répétition et présidente du Groupe de Travail sur les Disparitions Forcées ou Involontaires (GTDFI). Lors de cet échange wébinaire, Madame Hawa Baldé Présidente du GTDFI a écouté les témoignages des veuves/orphelins sur le sort de leurs martyrs. A cette occasion ont pris la parole Maimouna Alpha Sy, Fatimata Sall, Aissata Tambadou, Diariyatou Toumbou, Kadiata Ba et Mamadou Elhousseine KANE pour témoigner sur les fosses communes.

La rapporteuse spéciale a formulé l’engagement de tout mettre en œuvre pour appuyer l’action de ces ayants droit des martyrs pour la quête de la vérité et de la justice.

4. Retour sur Paris et Mauritanie

Les déléguées venant de Mauritanie et les missionnaires de ODISSI /VOIX des martyrs et d’AVOMM ont regagné ensemble Paris où les veuves et l’orpheline de Mauritanie ont été hébergées chez Fatimata Diop Secrétaire Générale de VOIX des martyrs et fille de la vice-présidente du collectif des veuves Fatimata SALL.

Les déléguées de la Mauritanie se sont retrouvées avec des acteurs.trices de la diaspora mauritanienne la nuit du 14 au 15 septembre 2023 à Paris 12ème chez la Présidente de ODISSI pour tirer les conclusions de cette mission et organiser ensemble le retour par l’aéroport Charles de Gaulle vers la Mauritanie via Dakar.

Paris, le 28 septembre 2023

Le Rapporteur
Mamadou Elhousseine KANE
Conseiller AVOMM