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Le bureau exécutif de l'AVOMM

"L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait de nous." Jean-Paul Sartre

"L'Association d'aides aux veuves et aux orphelins de mauritanie (AVOMM) qui nous rassemble, a été créée le 25/12/95 à PARIS par d'ex-militaires mauritaniens ayant fui la terreur, l'oppression, la barbarie du colonel Mawiya o/ sid'ahmed Taya ......
Ces rescapés des geôles de ould Taya, et de l'arbitraire, décidèrent, pour ne jamais oublier ce qui leur est arrivé, pour garder aussi la mémoire des centaines de martyrs, de venir en aide aux veuves, aux orphelins mais aussi d'engager le combat contre l'impunité décrétée par le pouvoir de Mauritanie."
E-mail : avommavomm@yahoo.fr

Bureau exécutif

*Ousmane SARR, président
*Demba Niang, secrétaire général
*Secrétaire général Adjt; Demba Fall
*Alousseyni SY, Chargé des relations extérieures
*Mme Rougui Dia, trésorière
*Chargé de l’organisation Mariame Diop
*adjoint Ngolo Diarra
*Mme Mireille Hamelin, chargée de la communication
*Chargé de mission Bathily Amadou Birama
Conseillers:
*Kane Harouna
*Hamdou Rabby SY










AVOMM

Pourquoi il faut réformer le droit des réfugiés en Afrique


Parti pris - Que faire des réfugiés de longue date qui vivent dans leur pays d’asile depuis vingt ou trente ans, dont les enfants y sont nés, et qui risquent un jour de devenir apatrides ? Plutôt que de les pousser à retourner dans leur pays d’origine, les États du continent feraient œuvre de véritable panafricanisme en les aidant à s’intégrer et en leur permettant d’être naturalisés.

Une étude du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a récemment montré qu’une grande partie des réfugiés de longue durée (plus de vingt ans) installés au Rwanda, en République démocratique du Congo (RDC) et en Ouganda risquaient de devenir apatrides. L’étude indique qu’aussi longtemps que les réfugiés jouissent de leur statut, le risque d’apatridie ne se fait pas sentir, mais qu’il devient réel dès lors que leur pays d’asile décide de mettre fin à leur statut de réfugiés, alors que ces derniers ne veulent ou ne peuvent retourner dans leur pays d’origine, ou ne peuvent pas prouver leur nationalité. Le rapport démontre en outre que ce risque d’apatridie vient principalement du fait que les lois sur la nationalité des pays d’accueil ne donnent pas aux réfugiés la possibilité d’en acquérir la nationalité, même si, en théorie, cette possibilité existe dans les textes du droit international.

Le risque d’apatridie pour les réfugiés de longue durée ne concerne pas seulement ceux qui se trouvent dans l’Afrique des Grands Lacs. Partout sur le continent, cette menace plane comme une épée de Damoclès sur les exilés.

Nous avons analysé les lois portant statut des réfugiés dans quinze pays d’Afrique francophone, du Burundi au Bénin en passant par les deux Congos, le Cameroun, le Tchad, le Mali ou le Sénégal. Le constat est peu reluisant. Les pays comme le Gabon, la Guinée, le Mali, le Niger et la RDC n’ont dans leurs textes aucune disposition portant sur la naturalisation des réfugiés. Le Burkina Faso, le Rwanda, le Cameroun et le Tchad donnent la possibilité aux réfugiés d’acquérir la nationalité dans les mêmes conditions que tous les autres étrangers. Les lois du Burundi et du Togo, de leur côté, mentionnent que les autorités peuvent faciliter l’intégration et la naturalisation des réfugiés, sans donner trop de détails.

L’exception béninoise

Seul le Bénin précise, dans l’article 50 de sa loi de 2022 portant statut des réfugiés et des apatrides, que « les autorités habilitées facilitent, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation du réfugié, à sa demande y compris en réformant ou en suscitant la réforme des normes et procédures pertinentes dans le sens de ladite facilitation ». Ce même article ajoute que « la procédure est accélérée et les taxes et frais y relatifs sont réduits dans la mesure du possible ». L’article 51 ajoute que lorsqu’il est requis des étrangers une durée préalable de résidence sur le territoire national dans le cadre de la naturalisation, « celle-ci est réduite de moitié pour les réfugiés ayant montré un degré suffisant d’assimilation à la communauté béninoise, notamment par une connaissance suffisante d’une langue nationale ou de la langue officielle ». Enfin, l’article 52 souligne que « lorsqu’en raison de la situation particulière d’un réfugié, il n’est pas en mesure de fournir toutes les pièces requises pour la naturalisation, le ministre chargé de la justice peut le dispenser de la production de certaines pièces ».

Ainsi, le Bénin est l’un des rares pays en Afrique à envisager de faciliter réellement l’intégration et la naturalisation des réfugiés, conformément à l’article 34 de la Convention de Genève de 1951 portant statut des réfugiés, qui stipule que « les États Contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l’assimilation et la naturalisation des réfugiés », et qu’ils « s’efforceront notamment d’accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure ».

Pourtant, l’intégration fait partie des trois « solutions durables » proposées par le HCR aux problèmes des réfugiés, avec le rapatriement volontaire et la réinstallation dans un pays tiers. Or le même HCR souligne que moins de 1 % des 27,1 millions de réfugiés dans le monde bénéficient de la réinstallation, et que « durant la dernière décennie », seulement 1,1 million de réfugiés (à travers le monde) sont devenus citoyens de leur pays d’asile. Sur le continent africain, les chiffres des naturalisations sont difficiles à trouver, mais, en général, les naturalisations sont rares et, comme c’est le cas pour la Mauritanie, les quelques dossiers qui ont abouti concernent presque exclusivement des cadres de haut niveau. Dans un rapport du Centre Robert Schuman pour des études avancées, Ibrahima Kane souligne par exemple qu’« en soixante ans d’indépendance, le Sénégal n’a naturalisé qu’un peu plus de 14 000 étrangers, soit une moyenne de 200 par an ». Et pourtant, le Sénégal est réputé comme l’un des pays les plus progressistes de la région.

Un rapatriement volontaire, vraiment ?

De fait, pour la grande majorité des réfugiés, seul le rapatriement volontaire est considéré, par défaut, comme l’unique solution dite « durable ». Mais ce rapatriement est-il réellement « volontaire » ? La plupart des réfugiés retournent dans leur pays d’origine non pas parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils n’ont pas d’autre issue. La chercheuse Aurelia Wa Kabwe-Segatti a montré que le « rapatriement volontaire » des réfugiés mozambicains d’Afrique du Sud au début des années 1990 avait été en réalité un « refoulement dissimulé »1 . Et il n’est pas rare que les réfugiés qui sont rentrés dans leur pays « volontairement » reprennent le chemin de l’exil après seulement quelques années ou même quelques semaines.

Les réfugiés burundais en Tanzanie, par exemple, subissent toutes formes de pressions de la part des autorités, parmi lesquelles la destruction de leurs champs, la torture et les disparitions forcées. Toutes ces manœuvres ne visent qu’à rendre la vie des réfugiés impossible afin de les obliger à retourner au Burundi contre leur volonté, violant ainsi le principe de non-refoulement qui est incontournable aussi bien dans la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, que dans la Convention de l’Organisation de l’unité africaine (OUA, devenue l’Union africaine en 2002) de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.

La convention de 1951 stipule qu’une personne cesse de bénéficier du statut de réfugié « si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d’exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité ». C’est sur la base de cette clause que les pays, souvent en collaboration avec le HCR, décident de mettre fin au statut de réfugié des ressortissants d’un pays qui a retrouvé « la paix » après une guerre civile, un génocide ou une guerre « de libération ». Mais pour une partie importante des réfugiés qui ont survécu à des événements atroces, le pays d’origine est souvent synonyme de malheur, et beaucoup de réfugiés souhaiteraient acquérir la nationalité de leur pays d’asile et tenter d’oublier pour toujours les souffrances qu’ils ont vécues dans leur pays d’origine.

Prenons le cas des réfugiés mauritaniens au Mali. D’après une étude de Michael Offermann, un recensement du HCR de 2015 montre que 60 % des plus de 13 000 réfugiés mauritaniens qui se trouvent au Mali depuis 1989 – plus de trente ans ! – veulent rester au Mali et y être naturalisés 2.

Dans le cadre de sa campagne pour lutter contre l’apatridie, le HCR travaille avec le gouvernement malien pour que celui-ci accorde la nationalité malienne à ces réfugiés de longue durée. « De 2017 à 2020, environ 2 193 réfugiés mauritaniens nés au Mali ont eu la confirmation de la nationalité. En outre, plus de 7 000 réfugiés mauritaniens devraient rentrer dans le processus de naturalisation dès 2023 », précisait un agent du HCR au Mali en avril 2023. Mais de telles naturalisations restent une exception plutôt que la règle sur le continent.

La crainte du lendemain

Par ailleurs, dans beaucoup de pays africains, les crises qui sont à la base des déplacements de masse ont tendance à se répéter. C’est le cas de mon pays d’origine, le Burundi. Des massacres de grande ampleur y ont été perpétrés en 1972, puis en 1988, puis de 1993 à 2003, et enfin en 2015, chacun ayant entraîné son lot de réfugiés partis vers les pays voisins : le Rwanda, la Tanzanie, la RDC. Dans ce contexte, qui peut garantir aux plus de 250 000 réfugiés que le gouvernement burundais appelle à rentrer au pays qu’ils ne reprendront pas encore le chemin de l’exil dans cinq ou dix ans ? Au vu des difficultés que les réfugiés rencontrent quand ils commencent leur vie en exil, personne ne souhaite revivre cette expérience deux fois.

L’étude du HCR et du CIRGL citée plus haut recommande de revoir les lois de la nationalité afin que les réfugiés de longue date puissent y avoir accès plus facilement. Ce serait un bon début. Mais cette réforme serait plus efficace si elle était prise au sérieux au niveau continental, notamment par l’Union africaine (UA).

La Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés est saluée par les experts pour l’originalité de sa définition dite élargie du terme « réfugié ». Comme la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, la Convention de l’OUA reconnaît comme réfugié toute personne « craignant avec raison, d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social et de ses opinions politiques ». Mais elle ajoute qu’elle reconnaît également comme réfugié toute personne fuyant une agression, une occupation extérieure, une domination étrangère ou des événements troublant gravement l’ordre public dans son pays d’origine. Cette définition élargie a été adoptée par presque tous les pays africains dans leurs lois régissant les réfugiés, ce qui a permis à un grand nombre de personnes ayant fui leur pays de bénéficier du statut de réfugié. Une réforme adoptée au niveau de l’UA a donc plus de chances d’aboutir dans beaucoup de ses pays membres.

Faciliter les naturalisations

Il serait temps que l’UA, qui est l’héritière de l’OUA, adopte un protocole à la Convention de 1969 dans lequel les pays africains s’engageraient à intégrer et à naturaliser tous les réfugiés qui ont passé dix ans ou plus dans leur pays d’accueil, et qui désirent y rester. Il n’est pas normal qu’un réfugié qui a passé dix ans, vingt ans, trente ans et même plus en exil, et qui souvent a des enfants qui parlent la langue du pays d’accueil et qui ne connaissent aucun autre pays, ne bénéficie pas de la nationalité du pays qui est devenu de facto sa nouvelle patrie.

Naturaliser les réfugiés permettrait aussi de régler des problèmes d’ordre politique. Un certain nombre de guerres civiles en Afrique ont été en partie causées par des réfugiés de longue durée qui, fatigués d’être considérés comme des citoyens de seconde zone dans leur pays d’accueil, ont pris les armes pour pouvoir rentrer par la force et assurer leur sécurité dans leur pays d’origine. Les formations politiques au pouvoir aujourd’hui au Burundi, au Rwanda et en Ouganda ont été d’abord des groupes rebelles qui ont recruté une partie importante de leurs combattants dans les camps de réfugiés. Et l’histoire risque de se répéter puisque, parmi les groupes armés qui déstabilisent l’est de la RDC et presque toute l’Afrique centrale, il y a notamment des Rwandais et des Burundais qui craignent de ne pas être en sécurité dans leur pays d’origine.

C’est pour cette raison que des experts de l’université d’Oxford ont par exemple suggéré que, puisque la lutte armée contre le groupe des réfugiés rwandais FDLR avait échoué, « une solution politique demanderait l’élaboration de stratégies qui viseraient à faciliter l’intégration politique des FDLR dans l’est de la RDC et ailleurs tout en garantissant leur sécurité, ce qui les inciterait à déposer les armes ». La recherche de la paix en Afrique centrale passe donc aussi par l’intégration des réfugiés qui ne veulent ou ne peuvent plus retourner dans leur pays d’origine.

La grande majorité des réfugiés installés dans les pays africains vient des autres pays africains. Intégrer et naturaliser ces réfugiés, ce serait faire du fameux panafricanisme dont beaucoup d’Africains se réclament une réalité.



Jean-Marie Ntahimpera est journaliste et analyste politique


Source : Afrique XXI- (Le 22 novembre 2023
Jeudi 23 Novembre 2023 - 16:41
Jeudi 23 Novembre 2023 - 16:44
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