La France a mis en garde, samedi 23 février, contre des risques d'attentat ou d'enlèvement au Bénin, et demandé à ses ressortissants d'observer une "vigilance accrue" dans ce pays. L'engagement de la France au Mali ainsi que celui des pays membres de la Cédéao (Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest) dont fait partie le Bénin, "est susceptible d'avoir des répercussions sur la sécurité des Français résidents ou de passage" dans ce pays, selon les conseils aux voyageurs du ministère des affaires étrangères. "Le risque d'enlèvement ou d'attentat existe au Bénin", ajoute le ministère, en déconseillant formellement de se rendre dans la zone nord-est du pays, frontalière avec le Nigeria.
Sanctuaire des djihadistes et trafiquants en tout genre, le Sahel est devenu, au gré des interventions militaires en Afghanistan, en Libye et au Mali, le plus grand territoire frappé par des restrictions formelles de circulation émanant du Quai d'Orsay, comme le montre la carte du ministère ci-dessous. Signalée en rouge dans les "conseils aux voyageurs", la mention "formellement déconseillé" correspond au plus haut niveau de danger identifié par la diplomatie française. Elle signale les endroits du monde où la vie des Français, et plus généralement des Occidentaux, est "explicitement et directement menacée".
Pour impressionnante qu'elle soit, la carte "Sécurité au Sahel" proposée sur le site du Quai d'Orsay ne donne pas une image exhaustive de la zone à risque, qui s'étend sur plus de 7 millions de kilomètres carrés, soit dix fois la superficie de la France. En incorporant d'autres pays de la ceinture sahélienne frappés par des restrictions formelles, comme l'Algérie, le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud et le Nigeria, ou riverains, comme la Tunisie, la Libye, l'Egypte, le Cameroun et la République centrafricaine, on obtient la carte suivante :
L'incapacité des Etats de la région à contrôler ces immenses étendues désertiques aux frontières arbitraires et poreuses a transformé la région sahélo-saharienne en une vaste zone de non-droit, propice aux conflits armés, aux ambitions djihadistes et aux trafics en tout genre (drogue, armes, véhicules volés, faux médicaments, êtres humains...).
Une problématique qui concerne, dans une moindre mesure, un grand nombre de pays d'Afrique, de loin le continent le plus concerné par les restrictions du Quai d'Orsay. En tout, vingt-quatre pays africains sur un total de cinquante-quatre sont concernés par des restrictions formelles. Souvent sécurisés sur une grande partie de leur territoire, ils ont tous un talon d'Achille (une frontière perméable, un conflit armé, une zone de trafic...) qui motive une alerte maximum (en rouge sur la carte ci-dessous).
En considérant le niveau inférieur d'alerte ("déconseillé sauf raison impérative", en orange sur la carte), trente-six pays en tout sont concernés par une restriction de circulation. Seuls dix-huit Etats africains contrôlant intégralement leur territoire bénéficient de la mention "vigilance normale" sur l'ensemble de leur superficie (en vert). Les pays en jaune sont classés en "vigilance normale", mais accompagnés de la mention "vigilance accrue" en raison de l'intervention française au Mali.
Les conseils aux voyageurs du Quai d'Orsay oscillent entre deux impératifs : s'assurer de ne faire courir aucun risque aux citoyens français, tout en veillant à ne pas freiner déraisonnablement les échanges, humains et économiques, entre la France et les pays concernés. Parfois jugés exagérément prudents, ils s'appliquent à tout le monde : personnels d'ONG, familles de diplomates, entrepreneurs ou simples touristes, contraignant nombre d'acteurs à revoir leur façon de travailler avec l'Afrique.
"Le nombre de restrictions a explosé depuis quelques années, explique le professeur de géographie politique Christian Bouquet, ancien conseiller chargé de la coopération auprès des ambassades de France. Je gère la mobilité étudiante [à l'université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III], et on a quasiment fait une croix sur tous les déplacements en Afrique. On n'a aucune garantie qu'un étudiant envoyé au Burkina Faso restera à Ouagadougou... On ne peut plus prendre le risque."
LES ONG CONTINUENT DE TRAVAILLER
Face à la dégradation de la situation sécuritaire, les ONG qui continuent de travailler dans des zones à risques ont entièrement repensé leur mode opératoire. "Jusqu'en 2008-2009, le Sahel était relativement stable. La sécurité n'était pas au centre de nos préoccupations, explique Filipe Ribero, directeur général de Médecins Sans Frontières (MSF). Depuis cette période, nous avons reconsidéré la composition de nos équipes dans cette zone."
En clair, MSF a remplacé les expatriés occidentaux par des expatriés africains, ce qui lui a permis de continuer à opérer dans des zones à risque comme le nord du Mali jusqu'à aujourd'hui. Une présence négociée avec les groupes armés (MNLA, Ansar Eddine ou Mujao), devenus "autorités" de facto, comme le montre ce film de l'ONG.
Sanctuaire des djihadistes et trafiquants en tout genre, le Sahel est devenu, au gré des interventions militaires en Afghanistan, en Libye et au Mali, le plus grand territoire frappé par des restrictions formelles de circulation émanant du Quai d'Orsay, comme le montre la carte du ministère ci-dessous. Signalée en rouge dans les "conseils aux voyageurs", la mention "formellement déconseillé" correspond au plus haut niveau de danger identifié par la diplomatie française. Elle signale les endroits du monde où la vie des Français, et plus généralement des Occidentaux, est "explicitement et directement menacée".
Pour impressionnante qu'elle soit, la carte "Sécurité au Sahel" proposée sur le site du Quai d'Orsay ne donne pas une image exhaustive de la zone à risque, qui s'étend sur plus de 7 millions de kilomètres carrés, soit dix fois la superficie de la France. En incorporant d'autres pays de la ceinture sahélienne frappés par des restrictions formelles, comme l'Algérie, le Tchad, le Soudan, le Soudan du Sud et le Nigeria, ou riverains, comme la Tunisie, la Libye, l'Egypte, le Cameroun et la République centrafricaine, on obtient la carte suivante :
L'incapacité des Etats de la région à contrôler ces immenses étendues désertiques aux frontières arbitraires et poreuses a transformé la région sahélo-saharienne en une vaste zone de non-droit, propice aux conflits armés, aux ambitions djihadistes et aux trafics en tout genre (drogue, armes, véhicules volés, faux médicaments, êtres humains...).
Une problématique qui concerne, dans une moindre mesure, un grand nombre de pays d'Afrique, de loin le continent le plus concerné par les restrictions du Quai d'Orsay. En tout, vingt-quatre pays africains sur un total de cinquante-quatre sont concernés par des restrictions formelles. Souvent sécurisés sur une grande partie de leur territoire, ils ont tous un talon d'Achille (une frontière perméable, un conflit armé, une zone de trafic...) qui motive une alerte maximum (en rouge sur la carte ci-dessous).
En considérant le niveau inférieur d'alerte ("déconseillé sauf raison impérative", en orange sur la carte), trente-six pays en tout sont concernés par une restriction de circulation. Seuls dix-huit Etats africains contrôlant intégralement leur territoire bénéficient de la mention "vigilance normale" sur l'ensemble de leur superficie (en vert). Les pays en jaune sont classés en "vigilance normale", mais accompagnés de la mention "vigilance accrue" en raison de l'intervention française au Mali.
Les conseils aux voyageurs du Quai d'Orsay oscillent entre deux impératifs : s'assurer de ne faire courir aucun risque aux citoyens français, tout en veillant à ne pas freiner déraisonnablement les échanges, humains et économiques, entre la France et les pays concernés. Parfois jugés exagérément prudents, ils s'appliquent à tout le monde : personnels d'ONG, familles de diplomates, entrepreneurs ou simples touristes, contraignant nombre d'acteurs à revoir leur façon de travailler avec l'Afrique.
"Le nombre de restrictions a explosé depuis quelques années, explique le professeur de géographie politique Christian Bouquet, ancien conseiller chargé de la coopération auprès des ambassades de France. Je gère la mobilité étudiante [à l'université Michel-de-Montaigne-Bordeaux-III], et on a quasiment fait une croix sur tous les déplacements en Afrique. On n'a aucune garantie qu'un étudiant envoyé au Burkina Faso restera à Ouagadougou... On ne peut plus prendre le risque."
LES ONG CONTINUENT DE TRAVAILLER
Face à la dégradation de la situation sécuritaire, les ONG qui continuent de travailler dans des zones à risques ont entièrement repensé leur mode opératoire. "Jusqu'en 2008-2009, le Sahel était relativement stable. La sécurité n'était pas au centre de nos préoccupations, explique Filipe Ribero, directeur général de Médecins Sans Frontières (MSF). Depuis cette période, nous avons reconsidéré la composition de nos équipes dans cette zone."
En clair, MSF a remplacé les expatriés occidentaux par des expatriés africains, ce qui lui a permis de continuer à opérer dans des zones à risque comme le nord du Mali jusqu'à aujourd'hui. Une présence négociée avec les groupes armés (MNLA, Ansar Eddine ou Mujao), devenus "autorités" de facto, comme le montre ce film de l'ONG.
"On doit les convaincre de notre neutralité et de notre utilité. Notre efficacité est notre seul gilet pare-balles, explique Filipe Ribero. Mais eux aussi ont intérêt à notre présence. Dès lors qu'un groupe administre une zone, il a une responsabilité sociale : il doit prouver aux populations que son arrivée n'entraîne pas une dégradation de la situation. Aucun groupe, qu'il fonde son action sur une revendication politique, territoriale, religieuse ou mafieuse, n'a intérêt à se mettre à dos la population. Ils doivent garantir un minimum de contrat social, au risque de mettre en péril leurs ambitions politiques ou leurs trafics."
Les organisations humanitaires sont ainsi prises dans un dilemme permanent. "Jusqu'à quel point sommes-nous prêts à être utiles à ces groupes ? Jusqu'où pousse-t-on cette logique d'alliance objective ?", questionne le directeur général de MSF.
Eau vive, une petite ONG de développement locale, n'a pas les mêmes préoccupations. Elle travaille uniquement avec les collectivités locales, le plus gros de son personnel est depuis longtemps africain (70 employés sur 80), et son financement est en grande partie public. L'organisation a donc dû rendre des comptes au ministère des affaires étrangères, qui lui a demandé, ainsi qu'à d'autres, de prévoir un dispositif de sécurité. "Nous avons interdit à nos employés les trajets de nuit et certaines zones sensibles, comme Maradi au Niger et Markaye au Burkina Faso, explique Laurent Chabert d'Hières, directeur d'Eau vive. Mais à la différence d'autres ONG plus importantes, nous refusons les convois armés."
Hors d'Afrique, la plus grande zone "rouge" est constituée par l'ensemble Pakistan-Afghanistan, deux pays intégralement déconseillés par le Quai d'Orsay. D'autres pays d'Asie (Birmanie, Indonésie, Kazakhstan...) sont frappés d'une restriction sur une partie de leur territoire, tout comme des Etats d'Amérique (Colombie, Mexique...) ou d'Europe (Turquie, Azerbaïdjan...).
Soren Seelow
Le Monde
Source: Le Monde
Les organisations humanitaires sont ainsi prises dans un dilemme permanent. "Jusqu'à quel point sommes-nous prêts à être utiles à ces groupes ? Jusqu'où pousse-t-on cette logique d'alliance objective ?", questionne le directeur général de MSF.
Eau vive, une petite ONG de développement locale, n'a pas les mêmes préoccupations. Elle travaille uniquement avec les collectivités locales, le plus gros de son personnel est depuis longtemps africain (70 employés sur 80), et son financement est en grande partie public. L'organisation a donc dû rendre des comptes au ministère des affaires étrangères, qui lui a demandé, ainsi qu'à d'autres, de prévoir un dispositif de sécurité. "Nous avons interdit à nos employés les trajets de nuit et certaines zones sensibles, comme Maradi au Niger et Markaye au Burkina Faso, explique Laurent Chabert d'Hières, directeur d'Eau vive. Mais à la différence d'autres ONG plus importantes, nous refusons les convois armés."
Hors d'Afrique, la plus grande zone "rouge" est constituée par l'ensemble Pakistan-Afghanistan, deux pays intégralement déconseillés par le Quai d'Orsay. D'autres pays d'Asie (Birmanie, Indonésie, Kazakhstan...) sont frappés d'une restriction sur une partie de leur territoire, tout comme des Etats d'Amérique (Colombie, Mexique...) ou d'Europe (Turquie, Azerbaïdjan...).
Soren Seelow
Le Monde
Source: Le Monde