Préambule
Aleg 1958. On est à deux ans de la proclamation de l’indépendance du pays. Un projet de Nation se discute entre fils et filles d’une Mauritanie naissante. Dans l’euphorie générale des populations africaines bercées par la promesse d’une dignité retrouvée, une poignée de cadres négro-mauritaniens doutent. Le projet Mauritanie, tel qu’il se dessine, ne les rassure point, et offre à leurs yeux, peu de gage quant à l’édification d’une société dans laquelle, à défaut du droit à l’indifférence, on aurait l’assurance du respect des différences culturelles, linguistiques et raciales. La citoyenneté des noirs, leur mauritanité, ne leur parait pas d’évidence acceptée.
Certains pousseront la méfiance jusqu’à réclamer un état fédéral. Beaucoup en tous cas ne prendront qu’avec des pincettes les premiers jalons posés par le régime de Ould Dadah, jalons s’inscrivant dans ce qu’on appellera non sans grandiloquence «la repersonnalisation de l’homme mauritanien ».
Tout au long du cheminement du pays une espèce de terrible malentendu originel s’installera entre les tenants du système et les populations négro-africaines. Malentendu sur l’histoire du pays, malentendu sur son espace d’appartenance culturelle, malentendu sur le projet d’avenir ; bref, malentendu sur l’identité du pays, et partant sur l’identité de ses habitants. Une partie importante de ce qui se racontera aux générations futures sur la construction de notre jeune « nation » sera marquée par les évènements qui sont l’expression douloureuse de ce malentendu.
Comme quoi, les sceptiques d’Aleg n’étaient pas que des râleurs professionnels. Ils auront très tôt pressenti 1966 et le Manifeste des 19, humé l’air pollué de 1979 et la « circulaire 02 », présagé de 1986 et du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé », alerté sur 1989, 1990 et 1991 et le paroxysme de l’abominable « tayayisme ».
Aujourd’hui encore, au vu du projet d’enrôlement qui repose insidieusement l’abjecte question de la mauritanité dite « apurée », il n’y a plus de doute à se faire sur le fait que le malentendu est volontairement entretenu...
Mon ambition ici, et dans la série des textes à suivre n’est pas de faire dans la science politique de haute facture, mais juste de traduire dans des mots à peu près compréhensibles, la façon dont un enfant de cette histoire mauritanienne, négro-africain de surcroît, peut ressentir et analyser ce malentendu. Je propose de revenir sur certains des évènements qui ont pu constituer pour la communauté négro-africaine un trauma certain. Je me propose d’en livrer une analyse qui n’a d’autre prétention que de rendre compte d’une vision personnelle. Que les experts veuillent d’avance pardonner les approximations qu’ils pourront y lire. Droit leur est naturellement ouvert d’y apporter un correctif, ou de me porter la contradiction ; ça ne fera qu’élever le débat. Je ferai l’effort de rester moi-même ; c’est-à-dire, en principe mesuré. Mais les quelques excès que d’aucuns pourront y lire sont d’avance assumés. Car je ne suis pas, comme pour paraphraser Cesair, un loup qui danse, mais un homme qui crie… De colère !
Bocar Oumar BA
Source: Bocar Oumar Ba
Aleg 1958. On est à deux ans de la proclamation de l’indépendance du pays. Un projet de Nation se discute entre fils et filles d’une Mauritanie naissante. Dans l’euphorie générale des populations africaines bercées par la promesse d’une dignité retrouvée, une poignée de cadres négro-mauritaniens doutent. Le projet Mauritanie, tel qu’il se dessine, ne les rassure point, et offre à leurs yeux, peu de gage quant à l’édification d’une société dans laquelle, à défaut du droit à l’indifférence, on aurait l’assurance du respect des différences culturelles, linguistiques et raciales. La citoyenneté des noirs, leur mauritanité, ne leur parait pas d’évidence acceptée.
Certains pousseront la méfiance jusqu’à réclamer un état fédéral. Beaucoup en tous cas ne prendront qu’avec des pincettes les premiers jalons posés par le régime de Ould Dadah, jalons s’inscrivant dans ce qu’on appellera non sans grandiloquence «la repersonnalisation de l’homme mauritanien ».
Tout au long du cheminement du pays une espèce de terrible malentendu originel s’installera entre les tenants du système et les populations négro-africaines. Malentendu sur l’histoire du pays, malentendu sur son espace d’appartenance culturelle, malentendu sur le projet d’avenir ; bref, malentendu sur l’identité du pays, et partant sur l’identité de ses habitants. Une partie importante de ce qui se racontera aux générations futures sur la construction de notre jeune « nation » sera marquée par les évènements qui sont l’expression douloureuse de ce malentendu.
Comme quoi, les sceptiques d’Aleg n’étaient pas que des râleurs professionnels. Ils auront très tôt pressenti 1966 et le Manifeste des 19, humé l’air pollué de 1979 et la « circulaire 02 », présagé de 1986 et du « Manifeste du négro-mauritanien opprimé », alerté sur 1989, 1990 et 1991 et le paroxysme de l’abominable « tayayisme ».
Aujourd’hui encore, au vu du projet d’enrôlement qui repose insidieusement l’abjecte question de la mauritanité dite « apurée », il n’y a plus de doute à se faire sur le fait que le malentendu est volontairement entretenu...
Mon ambition ici, et dans la série des textes à suivre n’est pas de faire dans la science politique de haute facture, mais juste de traduire dans des mots à peu près compréhensibles, la façon dont un enfant de cette histoire mauritanienne, négro-africain de surcroît, peut ressentir et analyser ce malentendu. Je propose de revenir sur certains des évènements qui ont pu constituer pour la communauté négro-africaine un trauma certain. Je me propose d’en livrer une analyse qui n’a d’autre prétention que de rendre compte d’une vision personnelle. Que les experts veuillent d’avance pardonner les approximations qu’ils pourront y lire. Droit leur est naturellement ouvert d’y apporter un correctif, ou de me porter la contradiction ; ça ne fera qu’élever le débat. Je ferai l’effort de rester moi-même ; c’est-à-dire, en principe mesuré. Mais les quelques excès que d’aucuns pourront y lire sont d’avance assumés. Car je ne suis pas, comme pour paraphraser Cesair, un loup qui danse, mais un homme qui crie… De colère !
Bocar Oumar BA
Source: Bocar Oumar Ba