En marge d'une marche organisée le dimanche 24 juillet, à l'initiative dequelques organisations non gouvernementales mauritaniennes activesen France pour protester contre l'opération de recensement des populations, Nouakchott Info a rencontré madame Marième Kane, présidentede l'Association des Femmes Mauritaniennes du Fleuve (AFMAF). Une femme qui n'a pas sa langue dans sa poche. Et même si elle reconnaît et regrette que des "des jeunes déchainés voulaient en découdre avec l'Ambassade", n'empêcheque Marième Kane sait raison garder: "Nous soutiendrons ces opérations à condition que les droits des noirs mauritaniens soient respectés."
Nouakchott Info: Pourquoi la diaspora appelle-t-elle à arrêter l'opération de recensement au moment où le pays connait un retour des rapatriés du Sénégal et une véritable réconciliation nationale avec le règlement du passif humanitaire?
Marième KANE: Le retour des déportés était un moyen pour Aziz de reconquérir les populations négro mauritaniennes. Ces déportés vivent encore sous des bâches et ils n'ont même pas de latrines: Je suis allée à Thiambène l'année passé, les réfugiés que j'ai vu avaient leurs toilettes en plein air. Ils n'ont même pas de papiers d'état civil: on ne peut pas donc appeler cela un "retour dans la dignité des réfugiés". Concernant l'opération de recensement, nous trouvons que c'est une épuration ethnique pure et simple de la communauté négro mauritanienne. Nous avons de nombreux témoignages attestant que certains mauritaniens noirs étaient obligés d'aller chercher leurs parents s'ils sont vivants ou bien produire un certificat de décès alors que les maures ne sont pas soumis à ces exigences. C'est tout simplement une mascarade et nous ne comprenons pas pourquoi nos populations sont soumises à cet interrogatoire sectaire. Nous demandons l'arrêt immédiat de ce processus de recensement qui risque de perturber la paix sociale.
Je suis aussi inquiétée par le fait que les partis d'opposition ne parlent même de cette injustice, sauf l'UFP. A l'Assemblée nationale, seule la députée Kadiata Malick Diallo, a dénoncé cette injustice. Pourquoi les autres représentants du peuple ne se prononcent pas sur cette opération de recensement? De toutes les façons, nous à Paris, nous continuerons à manifester par n'importe quel moyen pour que ces opérations de recensement s'arrêtent.
Concernant le règlement du passif humanitaire, on est loin du compte: Aziz l'utilise comme une arme pour être crédible au niveau de l'opinion nationale et internationale. Un véritable règlement du passif commence par juger les coupables et non les laisser impunis: aujourd'hui, ils se promènent et ne sont pas inquiétés par quoi que se soit. Je trouve indécent que les victimes soient indemnisées avec des terrains et de l'argent sans que les coupables soient jugés. Je préfère que les coupables soient d'abord jugés avant de penser à des réparations. Il faut bien que les veuves fassent enfin leur deuil et qu'on leur rende les dépouilles de leurs maris.
N.I.: Vous êtes Présidente de l'Association des Femmes Mauritaniennes du Fleuve (AFMAF) et c'est à ce titre que vousmanifestez. N'y a-t-il pas pour vous, plutôt un intérêt à soutenir cette opération de recensement?
M.K.: Nous soutiendrons ces opérations à condition que les droits des noirs mauritaniens soient respectés. Dans les conditions actuelles où elles se déroulent, nous ne pouvons pas en tant qu'organisation de droits de l'Homme cautionner cettemascarade. Il n'est pas juste que l'on dénie à des mauritaniens leur nationalité. Que ces opérations s'arrêtent tout de suite pour repartir sur des bases claires, justes et sans exclusion. Déjà, depuis plus d'un mois nous nous réunissons régulièrement avec d'autres organisations pour mettre en place des stratégies de résistance à ces opérations de recensement. Hier samedi (23 juillet 2011, ndlr), nous avons organisé une grande conférence à la Bourse du travail de Paris qui a réuni beaucoup de mauritaniens pour les sensibiliser au problème et les mobiliser. Le dimanche 24/07, nous avons manifesté du Trocadéro jusqu'à l'Ambassade de Mauritanie. On a vu des jeunes déchainés qui voulaient en découdre avec l'Ambassade. Ils ont été retenus par leurs aînés mais si ces opérations ne s'arrêtent pas, je ne pense pas que nous puissions les arrêter la prochaine fois et nous serons prêts à tout pour défendre nos droits et celui de nos enfants. Il y va de notre avenir.
Propos recueillis à Paris par Mohamed ould Khattatt
Source: Nouakchott Info
Nouakchott Info: Pourquoi la diaspora appelle-t-elle à arrêter l'opération de recensement au moment où le pays connait un retour des rapatriés du Sénégal et une véritable réconciliation nationale avec le règlement du passif humanitaire?
Marième KANE: Le retour des déportés était un moyen pour Aziz de reconquérir les populations négro mauritaniennes. Ces déportés vivent encore sous des bâches et ils n'ont même pas de latrines: Je suis allée à Thiambène l'année passé, les réfugiés que j'ai vu avaient leurs toilettes en plein air. Ils n'ont même pas de papiers d'état civil: on ne peut pas donc appeler cela un "retour dans la dignité des réfugiés". Concernant l'opération de recensement, nous trouvons que c'est une épuration ethnique pure et simple de la communauté négro mauritanienne. Nous avons de nombreux témoignages attestant que certains mauritaniens noirs étaient obligés d'aller chercher leurs parents s'ils sont vivants ou bien produire un certificat de décès alors que les maures ne sont pas soumis à ces exigences. C'est tout simplement une mascarade et nous ne comprenons pas pourquoi nos populations sont soumises à cet interrogatoire sectaire. Nous demandons l'arrêt immédiat de ce processus de recensement qui risque de perturber la paix sociale.
Je suis aussi inquiétée par le fait que les partis d'opposition ne parlent même de cette injustice, sauf l'UFP. A l'Assemblée nationale, seule la députée Kadiata Malick Diallo, a dénoncé cette injustice. Pourquoi les autres représentants du peuple ne se prononcent pas sur cette opération de recensement? De toutes les façons, nous à Paris, nous continuerons à manifester par n'importe quel moyen pour que ces opérations de recensement s'arrêtent.
Concernant le règlement du passif humanitaire, on est loin du compte: Aziz l'utilise comme une arme pour être crédible au niveau de l'opinion nationale et internationale. Un véritable règlement du passif commence par juger les coupables et non les laisser impunis: aujourd'hui, ils se promènent et ne sont pas inquiétés par quoi que se soit. Je trouve indécent que les victimes soient indemnisées avec des terrains et de l'argent sans que les coupables soient jugés. Je préfère que les coupables soient d'abord jugés avant de penser à des réparations. Il faut bien que les veuves fassent enfin leur deuil et qu'on leur rende les dépouilles de leurs maris.
N.I.: Vous êtes Présidente de l'Association des Femmes Mauritaniennes du Fleuve (AFMAF) et c'est à ce titre que vousmanifestez. N'y a-t-il pas pour vous, plutôt un intérêt à soutenir cette opération de recensement?
M.K.: Nous soutiendrons ces opérations à condition que les droits des noirs mauritaniens soient respectés. Dans les conditions actuelles où elles se déroulent, nous ne pouvons pas en tant qu'organisation de droits de l'Homme cautionner cettemascarade. Il n'est pas juste que l'on dénie à des mauritaniens leur nationalité. Que ces opérations s'arrêtent tout de suite pour repartir sur des bases claires, justes et sans exclusion. Déjà, depuis plus d'un mois nous nous réunissons régulièrement avec d'autres organisations pour mettre en place des stratégies de résistance à ces opérations de recensement. Hier samedi (23 juillet 2011, ndlr), nous avons organisé une grande conférence à la Bourse du travail de Paris qui a réuni beaucoup de mauritaniens pour les sensibiliser au problème et les mobiliser. Le dimanche 24/07, nous avons manifesté du Trocadéro jusqu'à l'Ambassade de Mauritanie. On a vu des jeunes déchainés qui voulaient en découdre avec l'Ambassade. Ils ont été retenus par leurs aînés mais si ces opérations ne s'arrêtent pas, je ne pense pas que nous puissions les arrêter la prochaine fois et nous serons prêts à tout pour défendre nos droits et celui de nos enfants. Il y va de notre avenir.
Propos recueillis à Paris par Mohamed ould Khattatt
Source: Nouakchott Info