Beaucoup de jeunes filles en Mauritanie se soulèvent de plus en plus contre "l'obésité fabriquée", une pratique qui leur était imposée et ne les laisse pas indifférentes, affirme Houriya Mint Chérif, une présentatrice vedette du journal en français à la télévision mauritanienne.
Plutôt belle femme et bien dans sa peau, Mint Chérif a déclaré d'un air méprisant à IPS : "Le gavage, c'est de l'histoire ancienne, un mauvais souvenir. Et si la femme préfère être potelée, c'est uniquement pour bien porter son M'lahfa (l'habit traditionnel de la femme mauritanienne)".
Sa collègue Maymouna Si, une autre présentatrice des informations à la télévision nationale, svelte habillée à l'Européenne, a renchéri : "Le gavage, connais pas". Par cette réaction laconique, elle entendait exprimer à IPS son opposition à cette pratique, cette semaine à Nouakchott, la capitale mauritanienne.
Toutefois, plusieurs Mauritaniennes montrent une certaine réticence dès qu'on leur demande leur avis sur le gavage, une pratique traditionnelle qui voulait que les femmes soient obèses par un excès d'alimentation, leur surcharge pondérale apparaissant comme un symbole de beauté et de richesse dans leur entourage. Le gavage commençait ainsi dès le jeune âge chez les petites filles qu'on obligeait à se nourrir plus qu'il n'en fallait pour grossir. Certaines mauvaises langues disaient qu'on les gavait comme des oies.
Dans le passé, les hommes dans ce pays d'Afrique de l'ouest n'avaient le béguin que pour les belles créatures aux rondeurs bien visibles, d'autant plus que la forme généreuse des femmes maures leur valait des compliments et une place privilégiée dans le coeur du sexe masculin. On disait également que la gloire de l'homme se mesurait au poids de sa femme. C'est cette croyance que la presse raconte depuis longtemps, mais cela a beaucoup changé, selon des analystes.
Cette pratique n'est plus toujours bien vue dans la société mauritanienne, en particulier par les jeunes filles lettrées, affirme la sociologue Aoua Ly-Tall, dans un travail de recherche intitulé "Le gavage, une pratique néfaste à la santé des fillettes et des femmes".
Selon elle, il existe même de façon apparente aujourd'hui un mouvement anti-gavage dans ce pays qui comprend à la fois une population maure-arabe et une population négro-africaine.
Ces dernières années, plusieurs manifestations de campagne anti-gavage ont été organisées dans le pays par des associations féminines de la société civile sous forme de conférences ou ateliers. Actuellement, le Réseau des journalistes mauritaniennes, basé à Nouakchott, a programmé une table-ronde sur ce sujet pour bientôt, mais dont la date n'est pas encore fixée.
Déjà en 1984, rappelle Ly-Tall, un séminaire avait été organisé à Dakar, au Sénégal, auquel avaient participé 22 pays d'Afrique dont la Mauritanie qui avait posé sérieusement le problème du gavage. Alors, explique-t-elle, ce pays avait clairement exprimé son intention de mettre fin à cette pratique néfaste pour la santé de la femme, car cela représente en plus une violation du corps féminin.
Même les hommes, qui avaient entretenu cette croyance pour leur propre plaisir, ne sont plus favorables au gavage. Mokhtar Ould Babana, gérant d'un hôtel à Nouakchott, a déclaré à IPS que "Nos femmes n'ont plus besoin des kilos de plus pour nous séduire car il y a d'autres critères de beauté comme celui de l'ouverture d'esprit par exemple".
Dans la vallée de Nema (sud de la Mauritanie), il existait de véritables stations de gavage qui procédaient à l'engraissage collectif de jeunes filles car il n'était pas convenable pour une famille de proposer sa fille en mariage si elle n'avait pas atteint pas un certain nombre de kilos, écrit Attilo Gaudio, un chercheur italien, dans un ouvrage intitulé "Femme et islam ou le sexe interdit".
L'alimentation des filles âgées à peine d'une dizaine d'années, consistait à manger jusqu'à deux kilos de couscous fin ou de mil, mélangé avec deux verres de beurre, et elles devaient boire jusqu'à 20 litres de lait par jour à l'aide d'un entonnoir introduit dans leur bouche. Tout cela entraîne la sédentarité et la passivité chez la femme, selon des médecins. Plus grave encore, certaines femmes convaincues de la vertu de l'obésité, prenaient des médicaments utilisés pour le développement de la masse corporelle des animaux, mais ils ne les faisaient par grossir, ils les gonflaient, les rendant plutôt lourdes et laides.
"Les femmes gavées risquent de sérieux problèmes cardiovasculaires, d'hypertension et de diabète. En cas de grossesse, elles soufrent encore plus, et le bébé avec; donc le gavage représente bien un danger pour les femmes", a expliqué à IPS, Dr Fall Ould Abri qui dirige un cabinet médical à Nouakchott. "Heureusement, cette pratique est en voie de disparition".
Le tableau n'est plus aussi noir qu'il l'était avant, car les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire du sport pour perdre du poids et retrouver une taille normale au risque de ne plus séduire le mari, selon des activistes anti-gavage. Avec la fréquentation des femmes, les salles de sport se multiplient dans les grandes villes.
Par ailleurs, on remarque beaucoup de jeunes filles de taille moyenne ou fine dans les lycées, ou d'autres qui sillonnent les rues et fréquentent les cafés huppés de la capitale, dans leurs habits multicolores laissant bien apparaître des formes féminines attrayantes.
Aminata Mint Moud, une femme journaliste, mène une campagne anti-gavage dans les colonnes de son journal mensuel en arabe 'Attahsis' (sensibilisation en français), basé à Nouakchott. Elle sensibilise également ses collègues de la radio et la télévision nationales, les encourageant à faire autant.
Invitée à un mariage dans un quartier de Nouakchott cette semaine, la reporter de IPS a bien constaté que parmi le grand nombre de parents et amies de la mariée -- une mosaïque de femmes habillées traditionnellement --, les femmes grosses étaient rares et étaient généralement des dames âgées, c'est-à-dire de l'ancienne génération.
La pratique a donc tendance à disparaître, notamment dans les zones urbaines où les femmes sont beaucoup plus cultivées, ouvertes sur le monde extérieur, et conscientes des aspects négatifs du gavage, même si elle reste encore présente dans certaines zones rurales de la Mauritanie.
Pour l'instant, aucune statistique n'est disponible sur l'entendue actuelle du gavage, mais certains analyses estiment qu'à peine une ou deux jeunes filles sur dix seraient encore soumises à cette pratique dans le pays.
Amina Barakat
NOUAKCHOTT
Source : allafrica.com
(M)
Plutôt belle femme et bien dans sa peau, Mint Chérif a déclaré d'un air méprisant à IPS : "Le gavage, c'est de l'histoire ancienne, un mauvais souvenir. Et si la femme préfère être potelée, c'est uniquement pour bien porter son M'lahfa (l'habit traditionnel de la femme mauritanienne)".
Sa collègue Maymouna Si, une autre présentatrice des informations à la télévision nationale, svelte habillée à l'Européenne, a renchéri : "Le gavage, connais pas". Par cette réaction laconique, elle entendait exprimer à IPS son opposition à cette pratique, cette semaine à Nouakchott, la capitale mauritanienne.
Toutefois, plusieurs Mauritaniennes montrent une certaine réticence dès qu'on leur demande leur avis sur le gavage, une pratique traditionnelle qui voulait que les femmes soient obèses par un excès d'alimentation, leur surcharge pondérale apparaissant comme un symbole de beauté et de richesse dans leur entourage. Le gavage commençait ainsi dès le jeune âge chez les petites filles qu'on obligeait à se nourrir plus qu'il n'en fallait pour grossir. Certaines mauvaises langues disaient qu'on les gavait comme des oies.
Dans le passé, les hommes dans ce pays d'Afrique de l'ouest n'avaient le béguin que pour les belles créatures aux rondeurs bien visibles, d'autant plus que la forme généreuse des femmes maures leur valait des compliments et une place privilégiée dans le coeur du sexe masculin. On disait également que la gloire de l'homme se mesurait au poids de sa femme. C'est cette croyance que la presse raconte depuis longtemps, mais cela a beaucoup changé, selon des analystes.
Cette pratique n'est plus toujours bien vue dans la société mauritanienne, en particulier par les jeunes filles lettrées, affirme la sociologue Aoua Ly-Tall, dans un travail de recherche intitulé "Le gavage, une pratique néfaste à la santé des fillettes et des femmes".
Selon elle, il existe même de façon apparente aujourd'hui un mouvement anti-gavage dans ce pays qui comprend à la fois une population maure-arabe et une population négro-africaine.
Ces dernières années, plusieurs manifestations de campagne anti-gavage ont été organisées dans le pays par des associations féminines de la société civile sous forme de conférences ou ateliers. Actuellement, le Réseau des journalistes mauritaniennes, basé à Nouakchott, a programmé une table-ronde sur ce sujet pour bientôt, mais dont la date n'est pas encore fixée.
Déjà en 1984, rappelle Ly-Tall, un séminaire avait été organisé à Dakar, au Sénégal, auquel avaient participé 22 pays d'Afrique dont la Mauritanie qui avait posé sérieusement le problème du gavage. Alors, explique-t-elle, ce pays avait clairement exprimé son intention de mettre fin à cette pratique néfaste pour la santé de la femme, car cela représente en plus une violation du corps féminin.
Même les hommes, qui avaient entretenu cette croyance pour leur propre plaisir, ne sont plus favorables au gavage. Mokhtar Ould Babana, gérant d'un hôtel à Nouakchott, a déclaré à IPS que "Nos femmes n'ont plus besoin des kilos de plus pour nous séduire car il y a d'autres critères de beauté comme celui de l'ouverture d'esprit par exemple".
Dans la vallée de Nema (sud de la Mauritanie), il existait de véritables stations de gavage qui procédaient à l'engraissage collectif de jeunes filles car il n'était pas convenable pour une famille de proposer sa fille en mariage si elle n'avait pas atteint pas un certain nombre de kilos, écrit Attilo Gaudio, un chercheur italien, dans un ouvrage intitulé "Femme et islam ou le sexe interdit".
L'alimentation des filles âgées à peine d'une dizaine d'années, consistait à manger jusqu'à deux kilos de couscous fin ou de mil, mélangé avec deux verres de beurre, et elles devaient boire jusqu'à 20 litres de lait par jour à l'aide d'un entonnoir introduit dans leur bouche. Tout cela entraîne la sédentarité et la passivité chez la femme, selon des médecins. Plus grave encore, certaines femmes convaincues de la vertu de l'obésité, prenaient des médicaments utilisés pour le développement de la masse corporelle des animaux, mais ils ne les faisaient par grossir, ils les gonflaient, les rendant plutôt lourdes et laides.
"Les femmes gavées risquent de sérieux problèmes cardiovasculaires, d'hypertension et de diabète. En cas de grossesse, elles soufrent encore plus, et le bébé avec; donc le gavage représente bien un danger pour les femmes", a expliqué à IPS, Dr Fall Ould Abri qui dirige un cabinet médical à Nouakchott. "Heureusement, cette pratique est en voie de disparition".
Le tableau n'est plus aussi noir qu'il l'était avant, car les femmes sont de plus en plus nombreuses à faire du sport pour perdre du poids et retrouver une taille normale au risque de ne plus séduire le mari, selon des activistes anti-gavage. Avec la fréquentation des femmes, les salles de sport se multiplient dans les grandes villes.
Par ailleurs, on remarque beaucoup de jeunes filles de taille moyenne ou fine dans les lycées, ou d'autres qui sillonnent les rues et fréquentent les cafés huppés de la capitale, dans leurs habits multicolores laissant bien apparaître des formes féminines attrayantes.
Aminata Mint Moud, une femme journaliste, mène une campagne anti-gavage dans les colonnes de son journal mensuel en arabe 'Attahsis' (sensibilisation en français), basé à Nouakchott. Elle sensibilise également ses collègues de la radio et la télévision nationales, les encourageant à faire autant.
Invitée à un mariage dans un quartier de Nouakchott cette semaine, la reporter de IPS a bien constaté que parmi le grand nombre de parents et amies de la mariée -- une mosaïque de femmes habillées traditionnellement --, les femmes grosses étaient rares et étaient généralement des dames âgées, c'est-à-dire de l'ancienne génération.
La pratique a donc tendance à disparaître, notamment dans les zones urbaines où les femmes sont beaucoup plus cultivées, ouvertes sur le monde extérieur, et conscientes des aspects négatifs du gavage, même si elle reste encore présente dans certaines zones rurales de la Mauritanie.
Pour l'instant, aucune statistique n'est disponible sur l'entendue actuelle du gavage, mais certains analyses estiment qu'à peine une ou deux jeunes filles sur dix seraient encore soumises à cette pratique dans le pays.
Amina Barakat
NOUAKCHOTT
Source : allafrica.com
(M)