Enfants réfugiés mauritaniens dans un camp de Ndioum
Alors que les premiers convois de réfugiés négro-mauritaniens du Sénégal entament aujourd’hui leur retour historique vers la Mauritanie, certains Mauritaniens craignent que ce retour ne soit qu’un fardeau pour le pays et les rapatriés.
« Ce [retour] n’est pas la priorité du moment », s’est exclamé Khadi, un jeune homme natif de Zouérat, la plus grande ville du nord de la Mauritanie.
Comment le pays pourrait-il prendre en charge des rapatriés lorsqu’il a déjà des difficultés à fournir des produits et des services de base à la population, s’est-il interrogé.
La hausse générale du prix des denrées alimentaires de base avait provoqué des manifestations dans tout le pays l’année dernière, car bon nombre de Mauritaniens n’avaient plus les moyens de se procurer de produits à base de farine de blé, l’aliment de base de la Mauritanie.
En Mauritanie, plus de 70 pour cent des produits alimentaires doivent être importés car les sols mal irrigués du pays ne produisent pas assez pour nourrir les trois millions d’habitants que compte le pays.
Selon les statistiques 2006 de la Banque mondiale, les deux tiers des Mauritaniens en âge de travailler sont sans emploi, et d’après le rapport 2006 du gouvernement mauritanien sur la stratégie de réduction de la pauvreté, près de la moitié de la population mauritanienne vit dans la pauvreté, et un tiers dans la pauvreté extrême.
« Les gens souffrent et manquent de tout. On n’a pas d’eau, pas d’électricité, pas de travail ! Et il faudrait en plus accueillir des milliers de personnes supplémentaires ? C’est complètement stupide », s’est dit Khadi.
Tensions interethniques
Les conflits intercommunautaires avec les Maures arabes sont à l’origine des expulsions de 1989 des négro-mauritaniens vers le Sénégal voisin. Ces expulsions avaient été décidées par le gouvernement majoritairement arabophone du président de l’époque, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.
Autoritaire, le président Taya a été renversé en 2006, à la suite d’un coup d’Etat, et le pays a organisé ses premières véritables élections en 2007.
Lors de sa prise de fonction, en mars 2007, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait incité les réfugiés mauritaniens à rentrer chez eux, mais selon un éminent journaliste mauritanien de Nouakchott, ce retour risque de raviver les tensions interethniques.
« Les nationalistes arabes sont opposés à ce retour », a expliqué le journaliste.
« Ils craignent que le retour des négro-mauritaniens n’entraîne un déséquilibre démographique qui leur soit défavorable. Du coup, ils créent des rumeurs pour déstabiliser l’opinion ».
Une attitude irréfléchie ?
Quant au gouvernement, il minimise le risque d’une résurgence des tensions autour du problème de l’ethnicité ou du contrôle des ressources.
« Conformément au souhait du chef de l’Etat, tous les Mauritaniens qui voudront rentrer le pourront et ils seront bien accueillis », a affirmé Yahya Ould Ahmed el Waghef, ministre secrétaire général de la Présidence, chargé du dossier des réfugiés.
M. Waghef rejette toute forme de scepticisme. « C’est i[vrai qu’il y a quelques mois, on rencontrait parfois des personnes sceptiques […], mais aujourd’hui, les sceptiques sont minoritaires]i », a-t-il confié à IRIN.
« Les gens ont compris que tout avait été mis en œuvre pour que le retour se passe dans de bonnes conditions ».
Pourtant, selon un observateur de la vie politique locale, l’attitude du gouvernement est irréfléchie.
« Nous devons garder à l’esprit que les responsables des expulsions de 1989 sont toujours au pouvoir actuellement », a-t-il fait remarquer, en s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, les Mauritaniens ne jouissant toujours pas, selon lui, de la liberté d’expression, malgré le nouveau gouvernement démocratique.
« D’où les réticences, même dans le camp du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi à [trop s’engager dans ce problème], ».
Processus de rapatriement
Selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les 35 000 réfugiés mauritaniens installés depuis 18 ans au Sénégal, 24 000 ont exprimé le désir de retourner en Mauritanie, bien que le gouvernement mauritanien ait affirmé attendre entre 15 000 et 20 000 rapatriés.
Après plusieurs reports de la date de début du rapatriement et malgré les nombreuses questions restées sans réponse, 115 négro-mauritaniens, qui avaient passé plus de 18 ans au Sénégal, sont arrivés le 29 janvier à Rosso, une ville du sud-est, limitrophe du Sénégal.
Les autorités mauritaniennes et sénégalaises collaborent avec le HCR pour gérer en plusieurs étapes le processus de rapatriement des réfugiés qui a commencé avec un premier convoi de 20 familles.
Le HCR et le le Programme alimentaire mondial (PAM) distribueront aux rapatriés des couvertures, des moustiquaires, des produits sanitaires de base et de la nourriture pendant trois mois ; les rapatriés mauritaniens devront ensuite se prendre en charge.
Pour Moussa, un négro-mauritanien de Nouakchott, la capitale, c’est après le départ des agences des Nations Unies que les problèmes pourraient devenir plus sérieux.
« Les réfugiés n’ont reçu aucune garantie concrète », s’est-il insurgé.
« Vont-ils retrouver leurs maisons et leurs terres ? Qui va les indemniser et comment ? Selon moi, le problème n’a pas été traité à fond ».
Source: irinnews
(M)
« Ce [retour] n’est pas la priorité du moment », s’est exclamé Khadi, un jeune homme natif de Zouérat, la plus grande ville du nord de la Mauritanie.
Comment le pays pourrait-il prendre en charge des rapatriés lorsqu’il a déjà des difficultés à fournir des produits et des services de base à la population, s’est-il interrogé.
La hausse générale du prix des denrées alimentaires de base avait provoqué des manifestations dans tout le pays l’année dernière, car bon nombre de Mauritaniens n’avaient plus les moyens de se procurer de produits à base de farine de blé, l’aliment de base de la Mauritanie.
En Mauritanie, plus de 70 pour cent des produits alimentaires doivent être importés car les sols mal irrigués du pays ne produisent pas assez pour nourrir les trois millions d’habitants que compte le pays.
Selon les statistiques 2006 de la Banque mondiale, les deux tiers des Mauritaniens en âge de travailler sont sans emploi, et d’après le rapport 2006 du gouvernement mauritanien sur la stratégie de réduction de la pauvreté, près de la moitié de la population mauritanienne vit dans la pauvreté, et un tiers dans la pauvreté extrême.
« Les gens souffrent et manquent de tout. On n’a pas d’eau, pas d’électricité, pas de travail ! Et il faudrait en plus accueillir des milliers de personnes supplémentaires ? C’est complètement stupide », s’est dit Khadi.
Tensions interethniques
Les conflits intercommunautaires avec les Maures arabes sont à l’origine des expulsions de 1989 des négro-mauritaniens vers le Sénégal voisin. Ces expulsions avaient été décidées par le gouvernement majoritairement arabophone du président de l’époque, Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.
Autoritaire, le président Taya a été renversé en 2006, à la suite d’un coup d’Etat, et le pays a organisé ses premières véritables élections en 2007.
Lors de sa prise de fonction, en mars 2007, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait incité les réfugiés mauritaniens à rentrer chez eux, mais selon un éminent journaliste mauritanien de Nouakchott, ce retour risque de raviver les tensions interethniques.
« Les nationalistes arabes sont opposés à ce retour », a expliqué le journaliste.
« Ils craignent que le retour des négro-mauritaniens n’entraîne un déséquilibre démographique qui leur soit défavorable. Du coup, ils créent des rumeurs pour déstabiliser l’opinion ».
Une attitude irréfléchie ?
Quant au gouvernement, il minimise le risque d’une résurgence des tensions autour du problème de l’ethnicité ou du contrôle des ressources.
« Conformément au souhait du chef de l’Etat, tous les Mauritaniens qui voudront rentrer le pourront et ils seront bien accueillis », a affirmé Yahya Ould Ahmed el Waghef, ministre secrétaire général de la Présidence, chargé du dossier des réfugiés.
M. Waghef rejette toute forme de scepticisme. « C’est i[vrai qu’il y a quelques mois, on rencontrait parfois des personnes sceptiques […], mais aujourd’hui, les sceptiques sont minoritaires]i », a-t-il confié à IRIN.
« Les gens ont compris que tout avait été mis en œuvre pour que le retour se passe dans de bonnes conditions ».
Pourtant, selon un observateur de la vie politique locale, l’attitude du gouvernement est irréfléchie.
« Nous devons garder à l’esprit que les responsables des expulsions de 1989 sont toujours au pouvoir actuellement », a-t-il fait remarquer, en s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, les Mauritaniens ne jouissant toujours pas, selon lui, de la liberté d’expression, malgré le nouveau gouvernement démocratique.
« D’où les réticences, même dans le camp du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi à [trop s’engager dans ce problème], ».
Processus de rapatriement
Selon le Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), sur les 35 000 réfugiés mauritaniens installés depuis 18 ans au Sénégal, 24 000 ont exprimé le désir de retourner en Mauritanie, bien que le gouvernement mauritanien ait affirmé attendre entre 15 000 et 20 000 rapatriés.
Après plusieurs reports de la date de début du rapatriement et malgré les nombreuses questions restées sans réponse, 115 négro-mauritaniens, qui avaient passé plus de 18 ans au Sénégal, sont arrivés le 29 janvier à Rosso, une ville du sud-est, limitrophe du Sénégal.
Les autorités mauritaniennes et sénégalaises collaborent avec le HCR pour gérer en plusieurs étapes le processus de rapatriement des réfugiés qui a commencé avec un premier convoi de 20 familles.
Le HCR et le le Programme alimentaire mondial (PAM) distribueront aux rapatriés des couvertures, des moustiquaires, des produits sanitaires de base et de la nourriture pendant trois mois ; les rapatriés mauritaniens devront ensuite se prendre en charge.
Pour Moussa, un négro-mauritanien de Nouakchott, la capitale, c’est après le départ des agences des Nations Unies que les problèmes pourraient devenir plus sérieux.
« Les réfugiés n’ont reçu aucune garantie concrète », s’est-il insurgé.
« Vont-ils retrouver leurs maisons et leurs terres ? Qui va les indemniser et comment ? Selon moi, le problème n’a pas été traité à fond ».
Source: irinnews
(M)