Nouakchott, 1er août (AMI) - Le colonel Ely Ould Mohamed Vall, président du Conseil militaire pour la justice et la démocratie, chef de l'Etat, a donné mardi au Palais présidentiel à Nouakchott une conférence de presse au cours de laquelle il a répondu aux questions des journalistes de la presse nationale et internationale.
Voici l'intégralité de ce Question - Réponse :
Question : Aujourd'hui, la résistance, au Liban du Hezboullah, fait reculer l'idée de soumission. La Mauritanie, qui ne peut livrer ni avions, ni chars, reviendra-t-elle sur ses relations avec Israël en solidarité avec cette résistance ?
Le Chef de l'Etat: Vous parlez de soumission. Il ne faut pas confondre soumission et désir de paix. La Mauritanie n'a jamais fait acte de soumission. Quand la situation du monde arabe l'exigeait, nous avons pris les positions qu'il fallait. Aujourd'hui, dans un nouveau contexte, nous optons pour une politique de paix. Ce n'est pas un esprit de soumission, mais c'est par conviction, parce que nous optons pour la voie du dialogue, du débat constructif, des négociations. Quand toute la nation arabe suivait le même chemin, la Mauritanie n'a jamais été en reste. Mais aujourd'hui, nous empruntons une voie différente et que nous croyons la bonne, celle de la paix.
Question : Vous avez déjà affirmé que chaque fois que la situation le permettra, vous augmenterez les salaires. Aujourd'hui où des améliorations deviennent notables, assisterons-nous à des augmentations salariales ?
Seconde question : Beaucoup de sociétés minières s'investissent aujourd'hui dans la recherche. En l'absence d'un parlement, quel contrôle sera exercé pour que l'environnement soit respecté ?
Le Chef de l'Etat : En ce qui concerne la première question, j'ai bien dit que chaque fois que la situation le permettra, nous oeuvrerons à l'amélioration des conditions des salariés. C'est là un principe conducteur qui guide notre action et je tiens à le réaffirmer.
Pour ce qui concerne la seconde question, je vous dirais que l'ancien parlement n'avait même pas connaissance des contrats de prospection, qu'il ne pouvait donc contrôler ce qu'il ne voyait pas, mais rassurez-vous, tout se fait aujourd'hui selon la loi, selon les textes. Le ministre concerné propose d'abord au gouvernement le contrat à présenter aux sociétés étrangères, et il le lui présente après signature pour consentement, et ensuite le contrat est présenté au CMJD qui, lui, assume ses fonctions de contrôle bien mieux que ne le faisait l'ancien parlement et tient compte vraiment des intérêts du pays.
En matière d'environnement, je vous rappelle aussi qu'il y a un secrétariat d'Etat qui a été créé à cet effet et qu'aucun simple forage ne pourrait être réalisé sans qu'il donne son consentement. C'est une autre forme de garantie des intérêts du pays.
Question : La Mauritanie a-t-elle formulé une demande d'extradition de l'ancien président ?
Le Chef de l'Etat : C'est une question qui est aux mains de la justice, c'est à elle de décider. Notre justice est une justice indépendante.
Question: Tiendra-t-on compte des intérêts des générations futures dans la manne pétrolière?
Le Chef de l'Etat: Les générations futures sont prises en compte. Elles bénéficient de leurs parts.
Question : Ma première question concernera les prix. Quels actes seront pris pour qu'ils soient respectés ? Ma seconde question concerne le courant islamiste, pourquoi les différents régimes ont-ils agi de la même manière contre ce courant ?
Le Chef de l'Etat : En ce qui concerne les prix, je vous répondrais, avant de donner la parole au ministre concerné, que ce phénomène possède deux aspects : un aspect national auquel nous pouvons faire face et un aspect international qui nous échappe. En ce qui concerne l'aspect national, interne, nous agissons par le contrôle des prix et la diminution des taxes, etc. Mais l'aspect extérieur n'est pas maîtrisable ni par nous ni par d'autres. Et les prix peuvent fluctuer sans qu'on n'y puisse quelque chose.
Quant à la seconde question, je répondrais en disant qu'à nos yeux, il n'y pas de problème de courant, ni d'idéologie, qu'on soit islamiste ou communiste, ce n'est pas un problème pour nous. L'essentiel pour nous est de ne pas attenter aux lois de ce pays. Chacun peut avoir les convictions qu'il veut, mais quand on enfreint les lois, on aura affaire à la justice.
Question : L'UMA a maintenant 17 ans de léthargie. Que comptez-vous faire pour lui donner un nouveau souffle ?
La seconde question concerne nos relations avec l'Afrique au Sud du Sahara, où nous avons des ressortissants et que nous délaissons en abandonnant des représentations diplomatiques comme celle que nous avons au Nigeria.
Le Chef de l'Etat : Pour ce qui est de l'UMA, je pense que c'est une organisation comme une autre et qui, maintenant, commence à se fortifier et qui a besoin de temps pour atteindre ses objectifs.
L'UMA est une organisation jeune. Il ne faut donc pas la juger seulement sur ses acquis, mais surtout sur la volonté qui la sous-tend et cette volonté existe et cette organisation répond aux besoins des peuples de la région. L'UMA a, certes, des handicaps qu'il lui faudra dépasser mais il lui faut du temps encore pour atteindre sa vitesse de croisière et atteindre ses objectifs.
Pour ce qui est de la seconde question, je dirais que, sur le plan diplomatique, nous avons replacé nos relations avec ces pays dans leur contexte historique et au niveau qu'elles méritent. Nos ressortissants dans ces pays sont traités avec correctitude, avec égard. Nous traitons aussi les ressortissants de ces pays avec beaucoup de respect.
En ce qui concerne le Nigeria, j'y étais il y a quelques jours, et je peux vous dire que nos relations avec ce pays et ceux de la région vont être recentrées et que cela se concrétisera par la réouverture de notre ambassade.
Question :Les femmes journalistes ont créé une association qui mérite le soutien. Auront-elles ce soutien ? D'autre part, l'augmentation des salaires a, semble-t-il, beaucoup plus profité aux cadres supérieurs de l'administration qu'aux agents subalternes. Qu'en pensez-vous ?
Le Chef de l'Etat :En ce qui concerne les femmes, je ne puis d'abord qu'affirmer l'intérêt que je porte à cette question. Je pense que tant que la femme mauritanienne n'a pas atteint le niveau requis, nous continuerons à reculer. Quant à votre présence dans la presse indépendante, nous devrons attendre que vous représentiez une proportion importante pour prendre les mesures nécessaires. Si vos confrères ne le font pas d'eux-mêmes.
Pour la seconde question, le ministre des Finances vous répondra.
Question : Est ce que la présence de l'ancien président à l'étranger constitue une menace à la stabilité du pays?
Le Chef de l'Etat : Je vous rassure que la présence de cette personne à l'intérieur ou à l'extérieur ne menace en rien la stabilité du pays. Je dis, et je répète: s'il désire rentrer qu'il le fasse tout de suite. Son retour ne constitue pas un obstacle sur la voie de la démocratisation et de la stabilité du pays.
Question: Où se situe la Mauritanie par rapport aux deux visions contradictoires de l'action du Hezbollah au Liban?
Le Chef de l'Etat : Le Hezbollah est une question libanaise qui concerne uniquement les Libanais, et ils sont les seuls habilités à porter un jugement sur cela. Personne n'a le droit de se substituer à eux.
Question : Des améliorations notoires ont été opérées au plan des libertés et de la démocratie, mais bien d'autres choses n'ont pas changé?
Le Chef de l'Etat : Seul Allah est parfait. Notre option est d'aboutir au maximum, et nous avons franchi d'importantes étapes, et avons réalisé d'énormes progrès. Certains minimisent l'effort accompli, mais d'autres, la majorité, croient le contraire. Nous oeuvrons tous les jours pour le changement et l'amélioration, et nous n'avons jamais trahi nos engagements. Je ne suis pas en mesure de chiffrer le pourcentage de l'effort accompli. Toujours est il que nous poursuivons avec fermeté et rigueur toutes les actions que nous pouvons réaliser.
Question: Étant donné que Ould Taya ne constitue pas un danger, pourquoi vous ne lui permettez pas de rentrer dans le pays?
Le Chef de l'Etat : Cette personne que vous citez ne constitue pas un danger. S'il respecte scrupuleusement la loi, il est le bienvenu. Au cas où il enfreindrait aux règles prescrites, il en répondra de ses actes.
Question : Pourquoi les prisonniers de la "constitution" n'ont pas été élargis?
Le Chef de l'Etat : Ils sont entre les mains de la justice pour dire la loi. Et je rappelle qu'il n'y a personne qui constitue ou constituerait un danger pour notre pays que nous sommes en mesure de protéger. Il est vrai qu'il est à la portée de chacun d'essayer et de passer même à l'action... Cela constitue une autre paire de manches. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a un peuple et une autorité vigilants, qui s'opposeront fermement à tout ce qui peut nuire à la Mauritanie.
Question : Vous avez dit qu'aucun coin du pays n'échappera à l'audit. Qu'en est il aujourd'hui?
Le Chef de l'Etat : L'Inspection générale d'Etat continue son travail comme il se doit, et son action a permis d'aboutir à des résultats probants. Le gouvernement de la transition fait de la rigueur dans la gestion des deniers publics une préoccupation principale, et je crois que cet effort est louable et mérite d'être salué.
Question :Qu'en est il de la question de l'esclavage?
Le Chef de l'Etat :A propos de cette question, j'ai dit que notre pays n'est pas un Etat esclavagiste, il n'a jamais institutionnalisé l'esclavage et notre peuple ne l'a jamais été aussi. Nous avons été une société de castes, mais cela n'a absolument rien de particulier par rapport à notre environnement. Je rappelle que l'Etat a mis en place un arsenal juridique constitutionnel et adopté et ratifié toutes les conventions internationales y afférentes. Il n'y a pas de pays au monde plus avancé que nous en matière de répression juridique de ce phénomène. Il faut bien noter qu'il n'y a pas de pratiques esclavagistes chez nous. Comme chez toutes les autres sociétés, ce phénomène a laissé des séquelles. Pour les éradiquer, nous avons mis en place tout un arsenal juridique, social et culturel. Il faut arrêter d'instrumentaliser cette question. Il faut cesser de vouloir diaboliser notre pays ou de le particulariser sur cette question. Ce problème interpelle tous les mauritaniens, il ne faut pas le traiter sous la table. Nous sommes déterminés à éliminer cette tare, et nous sommes en avance sur plusieurs pays. Je dis à ceux qui l'utilisent à des fins douteuses qu'il est temps de finir avec son instrumentalisation. Celui qui veut traiter ce problème en toute objectivité bénéficiera de notre concours. Je ne vends pas la misère de mes compatriotes, car c'est une marchandise périmée.
Question : Avez vous changé d'avis sur la question des réfugiés?
Le Chef de l'Etat : Partout où il y a un mauritanien qui a un problème, il est du devoir de l'Etat de s'en occuper. Sur ce sujet, il y a un préalable: il peut être réglé à priori et non à posteriori. Celui qui se présentera à la frontière fera l'objet de vérification d'identité. Si le problème est posé collectivement, le moment venu, nous le réglerons. Ca ne sera pas, bien sûr, pendant la transition, cependant nous conseillerons aux futures autorités de le prendre entièrement en charge.
Question : Quel avenir pour le CMJD?
Le Chef de l'Etat : Nous avons pris un certain nombre d'engagements, et, croyez moi, je ne doute pas un instant que nous avons le déshonneur de bafouer nos engagements que nous avons formalisés. Je vous rassure que le programme que nous nous sommes engagés à exécuter sera respecté.
Question: Quel intérêt tire la Mauritanie des relations avec Israël?
Le Chef de l'Etat : Cette position est une position de principe, il n'y a rien à vendre, ni à acheter. Nous sommes allés dans cette perspective en quête des intérêts arabes et palestiniens.
Question : Votre discours relatif à la lutte contre la corruption, n'est il pas resté lettre morte?
Le Chef de l'Etat : Nous travaillons tous les jours sur cette question, et avons mis en place le dispositif nécessaire pour y faire face, mais certains s'attendent à ce qu'il y' ait déjà des procès retentissants de la gestion du passé. Cela ne mène nulle part. Il est sûr d'autre part que nous avons mis halte à la gabegie et à la corruption, ainsi qu'aux comportements liés aux apparences insolentes. Depuis le changement du 03 août, nous avons franchi une grande étape sur cette voie, et nous avons enregistré bien des progrès sur cette question. La corruption et les mauvais comportements ont considérablement diminué. Nous avons instauré une moralité dans la gestion de la chose publique, aujourd'hui le problème est largement entamé.
Question : Allez vous soutenir un candidat ou un parti politique?
Le Chef de l'Etat : Je vous avoue que si je me mettais à gérer les rumeurs en Mauritanie, il me faudrait du temps. Je vous réaffirme que nous nous conformerons aux engagements de neutralité. Nous ne soutenons personne, et ne favoriserons aucun candidat, ni un parti politique.
Question : Qu'en est il du niveau des relations avec les États-Unis?
Le Chef de l'Etat : Les relations avec les États-Unis sont tout à fait normales et ne souffrent d'aucun couac. Elles sont gérées dans la normalité.
Question : Comment envisager vous faire face au retour de l'oligarchie tribalo-financière dans les instances élues?
Le Chef de l'Etat : Cela concerne en premier lieu les électeurs, c'est là la responsabilité qui leur incombe. Il y a des paramètres juridiques que nous pouvons introduire et activer. Parmi lesquels, il y a les critères légaux que le candidat doit réunir.
Question : Quel rôle pensez vous jouer après la transition?
Le Chef de l'Etat : Chaque pays peut répondre selon ses réalités: il y a des pays qui ont connu des situations fébriles et agitées; l'après transition doit être consolidée et cela concerne toutes les institutions élues et, par conséquent, c'est l'affaire de tous les Mauritaniens. J'ai pleine confiance aux Mauritaniens mais mon rôle se terminera au bout de la transition.
Question : Les prévenus dans l'affaire de la constitution auraient été torturés, quel est votre commentaire?
Le Chef de l'Etat : La torture c'est comme l'esclavage. Toute personne déférée après une période de garde à vue prétend avoir été torturée. Ceux qui sont accusés de cette infamie ont leur honneur, leurs enfants et leurs femmes. Un jour ou l'autre, leurs accusateurs devront en répondre. Dans cette affaire, il n'y a pas besoin de torturer puisque les individus ont donné de façon volontaire et volontariste les déclarations et ont reconnu. Les preuves étaient réunies par les enquêteurs avant même leur arrestation. Je ne sais pas pourquoi s'inscrire dans cette mode souvent brandie par la défense et il n'y a aucune raison de recourir à la torture. Quoi qu'il en soit, la justice est libre de mener une enquête sur ces allégations. C'est une culture de médisance. Ceux qui sont accusés de torture auront droit de porter plainte et de demander réparation.
Question : Pourquoi des journalistes ont-ils boycotté ce point de presse?
Le Chef de l'Etat : Je suis étonné qu'un journaliste réclame l'exclusivité d'une conférence de presse et veuille exclure une partie de la presse. Ils sont libres de venir ou de ne pas le faire. Posez-leur la question.
Question: Quel bilan faites vous des 12 mois de la transition et du plébiscite du 25 juin?
Le Chef de l'Etat : Les Mauritaniens se sont prononcés librement sur les 12 mois de la transition par le vote référendaire et il vous revient d'apprécier cela.
Question : Irez vous à la retraite?
Le Chef de l'Etat : La retraite, elle est assurée.
Question: Certains considèrent que les poursuites contre le groupe de 5 personnes est un règlement de compte?
Le Chef de l'Etat :S'agissant de cette affaire, il n'y a pas de règlement de comptes. Nous ne sommes pas venus pour ça, et si tel était le cas, on l'aurait fait dès le départ. Il s'agit réellement d'une affaire pendant devant la justice.
Question : Est ce que vous condamnez Israël?
Le Chef de l'Etat : Je vous renvoie au communiqué du ministère des affaires étrangères qui a clairement défini notre position à ce sujet.
Question : Croyez vous toujours au processus de paix?
Le Chef de l'Etat : J'ai grand espoir dans la paix.
Question : Qu'est ce que vous faites pour juguler le chômage?
Le Chef de l'Etat : Une stratégie visant l'absorption du chômage a été mise en oeuvre mais l'effort doit être poursuivi plusieurs années pour venir à bout de ce problème. Nous disposons d'un certain nombre d'instruments pour atténuer le chômage dont le Commissariat aux droits de l'homme, l'Anapej etc..
Question : La réforme de la justice est un fiasco et a provoqué des démissions de magistrats?
Le Chef de l'Etat : J'aimerais rétablir la vérité. Le texte amendé a fait l'objet de concertations, d'abord au niveau du ministère de la justice où un comité d'experts l'a examiné avant d'être transmis au comité ministériel. Il est vrai que certains magistrats ont précipité leurs démissions. C'était leur choix qui reflète une appréciation personnelle. Les démissions ont été déposées et ont suivi leur cours normal, ce qui n'était nullement une forme de protestation.
Question :Quelle réforme pour le secteur de l'enseignement?
Le Chef de l'Etat :Étant donné les moyens limités dont on dispose, on avait deux choix: un enseignement sélectif qui n'absorberait que 15 à 20 voire 30% de nos enfants en âge de scolarisation ou opter pour la démocratisation de l'éducation afin de permettre au plus grand nombre d'en profiter. Aujourd'hui, avec le développement des moyens, il est possible de concilier entre les deux stratégies, c'est à dire choisir une troisième consistant à améliorer la qualité tout en gardant la quantité. Au cours des prochains mois, seront tenus les états généraux de l'éducation.
Question : Pourquoi n'a-t-on pas modifié le délai de garde à vue d'un mois?
Le Chef de l'Etat : Le délai de garde à vue prolongé en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat est en vigueur dans presque tous les pays du monde.
Question : La Mauritanie communiquait des mauvais chiffres, les responsable de cette situation sont toujours aux commandes, qu'en dites vous?
Le Chef de l'Etat : Cette question relevait d'un manque de volonté politique au plus haut niveau de l'Etat. Ce n'est pas une question de personnes. Aujourd'hui que cette volonté politique est là, les personnes auxquelles vous faites allusion ont brillamment réussi leur mission".
Voici l'intégralité de ce Question - Réponse :
Question : Aujourd'hui, la résistance, au Liban du Hezboullah, fait reculer l'idée de soumission. La Mauritanie, qui ne peut livrer ni avions, ni chars, reviendra-t-elle sur ses relations avec Israël en solidarité avec cette résistance ?
Le Chef de l'Etat: Vous parlez de soumission. Il ne faut pas confondre soumission et désir de paix. La Mauritanie n'a jamais fait acte de soumission. Quand la situation du monde arabe l'exigeait, nous avons pris les positions qu'il fallait. Aujourd'hui, dans un nouveau contexte, nous optons pour une politique de paix. Ce n'est pas un esprit de soumission, mais c'est par conviction, parce que nous optons pour la voie du dialogue, du débat constructif, des négociations. Quand toute la nation arabe suivait le même chemin, la Mauritanie n'a jamais été en reste. Mais aujourd'hui, nous empruntons une voie différente et que nous croyons la bonne, celle de la paix.
Question : Vous avez déjà affirmé que chaque fois que la situation le permettra, vous augmenterez les salaires. Aujourd'hui où des améliorations deviennent notables, assisterons-nous à des augmentations salariales ?
Seconde question : Beaucoup de sociétés minières s'investissent aujourd'hui dans la recherche. En l'absence d'un parlement, quel contrôle sera exercé pour que l'environnement soit respecté ?
Le Chef de l'Etat : En ce qui concerne la première question, j'ai bien dit que chaque fois que la situation le permettra, nous oeuvrerons à l'amélioration des conditions des salariés. C'est là un principe conducteur qui guide notre action et je tiens à le réaffirmer.
Pour ce qui concerne la seconde question, je vous dirais que l'ancien parlement n'avait même pas connaissance des contrats de prospection, qu'il ne pouvait donc contrôler ce qu'il ne voyait pas, mais rassurez-vous, tout se fait aujourd'hui selon la loi, selon les textes. Le ministre concerné propose d'abord au gouvernement le contrat à présenter aux sociétés étrangères, et il le lui présente après signature pour consentement, et ensuite le contrat est présenté au CMJD qui, lui, assume ses fonctions de contrôle bien mieux que ne le faisait l'ancien parlement et tient compte vraiment des intérêts du pays.
En matière d'environnement, je vous rappelle aussi qu'il y a un secrétariat d'Etat qui a été créé à cet effet et qu'aucun simple forage ne pourrait être réalisé sans qu'il donne son consentement. C'est une autre forme de garantie des intérêts du pays.
Question : La Mauritanie a-t-elle formulé une demande d'extradition de l'ancien président ?
Le Chef de l'Etat : C'est une question qui est aux mains de la justice, c'est à elle de décider. Notre justice est une justice indépendante.
Question: Tiendra-t-on compte des intérêts des générations futures dans la manne pétrolière?
Le Chef de l'Etat: Les générations futures sont prises en compte. Elles bénéficient de leurs parts.
Question : Ma première question concernera les prix. Quels actes seront pris pour qu'ils soient respectés ? Ma seconde question concerne le courant islamiste, pourquoi les différents régimes ont-ils agi de la même manière contre ce courant ?
Le Chef de l'Etat : En ce qui concerne les prix, je vous répondrais, avant de donner la parole au ministre concerné, que ce phénomène possède deux aspects : un aspect national auquel nous pouvons faire face et un aspect international qui nous échappe. En ce qui concerne l'aspect national, interne, nous agissons par le contrôle des prix et la diminution des taxes, etc. Mais l'aspect extérieur n'est pas maîtrisable ni par nous ni par d'autres. Et les prix peuvent fluctuer sans qu'on n'y puisse quelque chose.
Quant à la seconde question, je répondrais en disant qu'à nos yeux, il n'y pas de problème de courant, ni d'idéologie, qu'on soit islamiste ou communiste, ce n'est pas un problème pour nous. L'essentiel pour nous est de ne pas attenter aux lois de ce pays. Chacun peut avoir les convictions qu'il veut, mais quand on enfreint les lois, on aura affaire à la justice.
Question : L'UMA a maintenant 17 ans de léthargie. Que comptez-vous faire pour lui donner un nouveau souffle ?
La seconde question concerne nos relations avec l'Afrique au Sud du Sahara, où nous avons des ressortissants et que nous délaissons en abandonnant des représentations diplomatiques comme celle que nous avons au Nigeria.
Le Chef de l'Etat : Pour ce qui est de l'UMA, je pense que c'est une organisation comme une autre et qui, maintenant, commence à se fortifier et qui a besoin de temps pour atteindre ses objectifs.
L'UMA est une organisation jeune. Il ne faut donc pas la juger seulement sur ses acquis, mais surtout sur la volonté qui la sous-tend et cette volonté existe et cette organisation répond aux besoins des peuples de la région. L'UMA a, certes, des handicaps qu'il lui faudra dépasser mais il lui faut du temps encore pour atteindre sa vitesse de croisière et atteindre ses objectifs.
Pour ce qui est de la seconde question, je dirais que, sur le plan diplomatique, nous avons replacé nos relations avec ces pays dans leur contexte historique et au niveau qu'elles méritent. Nos ressortissants dans ces pays sont traités avec correctitude, avec égard. Nous traitons aussi les ressortissants de ces pays avec beaucoup de respect.
En ce qui concerne le Nigeria, j'y étais il y a quelques jours, et je peux vous dire que nos relations avec ce pays et ceux de la région vont être recentrées et que cela se concrétisera par la réouverture de notre ambassade.
Question :Les femmes journalistes ont créé une association qui mérite le soutien. Auront-elles ce soutien ? D'autre part, l'augmentation des salaires a, semble-t-il, beaucoup plus profité aux cadres supérieurs de l'administration qu'aux agents subalternes. Qu'en pensez-vous ?
Le Chef de l'Etat :En ce qui concerne les femmes, je ne puis d'abord qu'affirmer l'intérêt que je porte à cette question. Je pense que tant que la femme mauritanienne n'a pas atteint le niveau requis, nous continuerons à reculer. Quant à votre présence dans la presse indépendante, nous devrons attendre que vous représentiez une proportion importante pour prendre les mesures nécessaires. Si vos confrères ne le font pas d'eux-mêmes.
Pour la seconde question, le ministre des Finances vous répondra.
Question : Est ce que la présence de l'ancien président à l'étranger constitue une menace à la stabilité du pays?
Le Chef de l'Etat : Je vous rassure que la présence de cette personne à l'intérieur ou à l'extérieur ne menace en rien la stabilité du pays. Je dis, et je répète: s'il désire rentrer qu'il le fasse tout de suite. Son retour ne constitue pas un obstacle sur la voie de la démocratisation et de la stabilité du pays.
Question: Où se situe la Mauritanie par rapport aux deux visions contradictoires de l'action du Hezbollah au Liban?
Le Chef de l'Etat : Le Hezbollah est une question libanaise qui concerne uniquement les Libanais, et ils sont les seuls habilités à porter un jugement sur cela. Personne n'a le droit de se substituer à eux.
Question : Des améliorations notoires ont été opérées au plan des libertés et de la démocratie, mais bien d'autres choses n'ont pas changé?
Le Chef de l'Etat : Seul Allah est parfait. Notre option est d'aboutir au maximum, et nous avons franchi d'importantes étapes, et avons réalisé d'énormes progrès. Certains minimisent l'effort accompli, mais d'autres, la majorité, croient le contraire. Nous oeuvrons tous les jours pour le changement et l'amélioration, et nous n'avons jamais trahi nos engagements. Je ne suis pas en mesure de chiffrer le pourcentage de l'effort accompli. Toujours est il que nous poursuivons avec fermeté et rigueur toutes les actions que nous pouvons réaliser.
Question: Étant donné que Ould Taya ne constitue pas un danger, pourquoi vous ne lui permettez pas de rentrer dans le pays?
Le Chef de l'Etat : Cette personne que vous citez ne constitue pas un danger. S'il respecte scrupuleusement la loi, il est le bienvenu. Au cas où il enfreindrait aux règles prescrites, il en répondra de ses actes.
Question : Pourquoi les prisonniers de la "constitution" n'ont pas été élargis?
Le Chef de l'Etat : Ils sont entre les mains de la justice pour dire la loi. Et je rappelle qu'il n'y a personne qui constitue ou constituerait un danger pour notre pays que nous sommes en mesure de protéger. Il est vrai qu'il est à la portée de chacun d'essayer et de passer même à l'action... Cela constitue une autre paire de manches. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a un peuple et une autorité vigilants, qui s'opposeront fermement à tout ce qui peut nuire à la Mauritanie.
Question : Vous avez dit qu'aucun coin du pays n'échappera à l'audit. Qu'en est il aujourd'hui?
Le Chef de l'Etat : L'Inspection générale d'Etat continue son travail comme il se doit, et son action a permis d'aboutir à des résultats probants. Le gouvernement de la transition fait de la rigueur dans la gestion des deniers publics une préoccupation principale, et je crois que cet effort est louable et mérite d'être salué.
Question :Qu'en est il de la question de l'esclavage?
Le Chef de l'Etat :A propos de cette question, j'ai dit que notre pays n'est pas un Etat esclavagiste, il n'a jamais institutionnalisé l'esclavage et notre peuple ne l'a jamais été aussi. Nous avons été une société de castes, mais cela n'a absolument rien de particulier par rapport à notre environnement. Je rappelle que l'Etat a mis en place un arsenal juridique constitutionnel et adopté et ratifié toutes les conventions internationales y afférentes. Il n'y a pas de pays au monde plus avancé que nous en matière de répression juridique de ce phénomène. Il faut bien noter qu'il n'y a pas de pratiques esclavagistes chez nous. Comme chez toutes les autres sociétés, ce phénomène a laissé des séquelles. Pour les éradiquer, nous avons mis en place tout un arsenal juridique, social et culturel. Il faut arrêter d'instrumentaliser cette question. Il faut cesser de vouloir diaboliser notre pays ou de le particulariser sur cette question. Ce problème interpelle tous les mauritaniens, il ne faut pas le traiter sous la table. Nous sommes déterminés à éliminer cette tare, et nous sommes en avance sur plusieurs pays. Je dis à ceux qui l'utilisent à des fins douteuses qu'il est temps de finir avec son instrumentalisation. Celui qui veut traiter ce problème en toute objectivité bénéficiera de notre concours. Je ne vends pas la misère de mes compatriotes, car c'est une marchandise périmée.
Question : Avez vous changé d'avis sur la question des réfugiés?
Le Chef de l'Etat : Partout où il y a un mauritanien qui a un problème, il est du devoir de l'Etat de s'en occuper. Sur ce sujet, il y a un préalable: il peut être réglé à priori et non à posteriori. Celui qui se présentera à la frontière fera l'objet de vérification d'identité. Si le problème est posé collectivement, le moment venu, nous le réglerons. Ca ne sera pas, bien sûr, pendant la transition, cependant nous conseillerons aux futures autorités de le prendre entièrement en charge.
Question : Quel avenir pour le CMJD?
Le Chef de l'Etat : Nous avons pris un certain nombre d'engagements, et, croyez moi, je ne doute pas un instant que nous avons le déshonneur de bafouer nos engagements que nous avons formalisés. Je vous rassure que le programme que nous nous sommes engagés à exécuter sera respecté.
Question: Quel intérêt tire la Mauritanie des relations avec Israël?
Le Chef de l'Etat : Cette position est une position de principe, il n'y a rien à vendre, ni à acheter. Nous sommes allés dans cette perspective en quête des intérêts arabes et palestiniens.
Question : Votre discours relatif à la lutte contre la corruption, n'est il pas resté lettre morte?
Le Chef de l'Etat : Nous travaillons tous les jours sur cette question, et avons mis en place le dispositif nécessaire pour y faire face, mais certains s'attendent à ce qu'il y' ait déjà des procès retentissants de la gestion du passé. Cela ne mène nulle part. Il est sûr d'autre part que nous avons mis halte à la gabegie et à la corruption, ainsi qu'aux comportements liés aux apparences insolentes. Depuis le changement du 03 août, nous avons franchi une grande étape sur cette voie, et nous avons enregistré bien des progrès sur cette question. La corruption et les mauvais comportements ont considérablement diminué. Nous avons instauré une moralité dans la gestion de la chose publique, aujourd'hui le problème est largement entamé.
Question : Allez vous soutenir un candidat ou un parti politique?
Le Chef de l'Etat : Je vous avoue que si je me mettais à gérer les rumeurs en Mauritanie, il me faudrait du temps. Je vous réaffirme que nous nous conformerons aux engagements de neutralité. Nous ne soutenons personne, et ne favoriserons aucun candidat, ni un parti politique.
Question : Qu'en est il du niveau des relations avec les États-Unis?
Le Chef de l'Etat : Les relations avec les États-Unis sont tout à fait normales et ne souffrent d'aucun couac. Elles sont gérées dans la normalité.
Question : Comment envisager vous faire face au retour de l'oligarchie tribalo-financière dans les instances élues?
Le Chef de l'Etat : Cela concerne en premier lieu les électeurs, c'est là la responsabilité qui leur incombe. Il y a des paramètres juridiques que nous pouvons introduire et activer. Parmi lesquels, il y a les critères légaux que le candidat doit réunir.
Question : Quel rôle pensez vous jouer après la transition?
Le Chef de l'Etat : Chaque pays peut répondre selon ses réalités: il y a des pays qui ont connu des situations fébriles et agitées; l'après transition doit être consolidée et cela concerne toutes les institutions élues et, par conséquent, c'est l'affaire de tous les Mauritaniens. J'ai pleine confiance aux Mauritaniens mais mon rôle se terminera au bout de la transition.
Question : Les prévenus dans l'affaire de la constitution auraient été torturés, quel est votre commentaire?
Le Chef de l'Etat : La torture c'est comme l'esclavage. Toute personne déférée après une période de garde à vue prétend avoir été torturée. Ceux qui sont accusés de cette infamie ont leur honneur, leurs enfants et leurs femmes. Un jour ou l'autre, leurs accusateurs devront en répondre. Dans cette affaire, il n'y a pas besoin de torturer puisque les individus ont donné de façon volontaire et volontariste les déclarations et ont reconnu. Les preuves étaient réunies par les enquêteurs avant même leur arrestation. Je ne sais pas pourquoi s'inscrire dans cette mode souvent brandie par la défense et il n'y a aucune raison de recourir à la torture. Quoi qu'il en soit, la justice est libre de mener une enquête sur ces allégations. C'est une culture de médisance. Ceux qui sont accusés de torture auront droit de porter plainte et de demander réparation.
Question : Pourquoi des journalistes ont-ils boycotté ce point de presse?
Le Chef de l'Etat : Je suis étonné qu'un journaliste réclame l'exclusivité d'une conférence de presse et veuille exclure une partie de la presse. Ils sont libres de venir ou de ne pas le faire. Posez-leur la question.
Question: Quel bilan faites vous des 12 mois de la transition et du plébiscite du 25 juin?
Le Chef de l'Etat : Les Mauritaniens se sont prononcés librement sur les 12 mois de la transition par le vote référendaire et il vous revient d'apprécier cela.
Question : Irez vous à la retraite?
Le Chef de l'Etat : La retraite, elle est assurée.
Question: Certains considèrent que les poursuites contre le groupe de 5 personnes est un règlement de compte?
Le Chef de l'Etat :S'agissant de cette affaire, il n'y a pas de règlement de comptes. Nous ne sommes pas venus pour ça, et si tel était le cas, on l'aurait fait dès le départ. Il s'agit réellement d'une affaire pendant devant la justice.
Question : Est ce que vous condamnez Israël?
Le Chef de l'Etat : Je vous renvoie au communiqué du ministère des affaires étrangères qui a clairement défini notre position à ce sujet.
Question : Croyez vous toujours au processus de paix?
Le Chef de l'Etat : J'ai grand espoir dans la paix.
Question : Qu'est ce que vous faites pour juguler le chômage?
Le Chef de l'Etat : Une stratégie visant l'absorption du chômage a été mise en oeuvre mais l'effort doit être poursuivi plusieurs années pour venir à bout de ce problème. Nous disposons d'un certain nombre d'instruments pour atténuer le chômage dont le Commissariat aux droits de l'homme, l'Anapej etc..
Question : La réforme de la justice est un fiasco et a provoqué des démissions de magistrats?
Le Chef de l'Etat : J'aimerais rétablir la vérité. Le texte amendé a fait l'objet de concertations, d'abord au niveau du ministère de la justice où un comité d'experts l'a examiné avant d'être transmis au comité ministériel. Il est vrai que certains magistrats ont précipité leurs démissions. C'était leur choix qui reflète une appréciation personnelle. Les démissions ont été déposées et ont suivi leur cours normal, ce qui n'était nullement une forme de protestation.
Question :Quelle réforme pour le secteur de l'enseignement?
Le Chef de l'Etat :Étant donné les moyens limités dont on dispose, on avait deux choix: un enseignement sélectif qui n'absorberait que 15 à 20 voire 30% de nos enfants en âge de scolarisation ou opter pour la démocratisation de l'éducation afin de permettre au plus grand nombre d'en profiter. Aujourd'hui, avec le développement des moyens, il est possible de concilier entre les deux stratégies, c'est à dire choisir une troisième consistant à améliorer la qualité tout en gardant la quantité. Au cours des prochains mois, seront tenus les états généraux de l'éducation.
Question : Pourquoi n'a-t-on pas modifié le délai de garde à vue d'un mois?
Le Chef de l'Etat : Le délai de garde à vue prolongé en matière d'atteinte à la sûreté de l'Etat est en vigueur dans presque tous les pays du monde.
Question : La Mauritanie communiquait des mauvais chiffres, les responsable de cette situation sont toujours aux commandes, qu'en dites vous?
Le Chef de l'Etat : Cette question relevait d'un manque de volonté politique au plus haut niveau de l'Etat. Ce n'est pas une question de personnes. Aujourd'hui que cette volonté politique est là, les personnes auxquelles vous faites allusion ont brillamment réussi leur mission".