‘La Mauritanie, c'est les Noirs, les Blancs, les Jaunes, etc., c'est tout le monde’. C’est l’un des messages que les Mauritaniens, établis en France, veulent transmettre à leurs autorités. Le souci étant de mieux les sensibiliser sur les dangers du recensement, qu'ils considèrent comme ‘raciste’, en cours dans leur pays.
Au moment des manifestants à Nouakchott sont dispersés par la police, la communauté négro-mauritanienne continuent de battent la macadam à Paris pour exiger l'arrêt du recensement qu'elle considère comme ‘raciste’ en cours dans leur pays. Pourtant, après trois manifestations, leurs autorités semblent faire la sourde oreille quant aux revendications exprimées par les manifestants.
Selon Ousmane Sarr, qui prenait part à la manifestation, tenue samedi dernier, ‘les autorités ne veulent pas entendre raison’. ‘Et cette situation peut dégénérer à tout moment. L'écrasante majorité de la population ne comprend pas ce recensement. Mais les autorités mauritaniennes s'entêtent. Refuser d'entendre raison, de prendre en considération la voix du peuple, ce n'est pas de la démocratie’, dénonce-t-il.
Ousmane Sarr se dit ‘pessimiste non pas seulement pour ce recensement raciste’, mais aussi pour ‘le règlement du passif humanitaire, le retour de tous les réfugiés. Rien n'est réglé en réalité. C'est de la poudre aux yeux’, s'emporte-t-il, amer. Pour faire bouger les lignes de l'intransigeance des autorités mauritaniennes, il appelle ses compatriotes à ‘s'inspirer de ce qui se passe dans le monde arabe’.
‘Il faut un soulèvement. Il y a quelque temps, je disais qu'on devrait avoir peur d'un soulèvement, mais là dans ce cas de figure, on n'a pas le temps de réfléchir. Il faut dégager le régime d'Abdoul Aziz. Il faut un soulèvement parce que je constate un raidissement. Il faut appeler les gens à faire bloc et peser sur le régime actuel’, croit-il.
Sa compatriote, Rougia Dia, présidente de l'Association des victimes et orphelins militaires mauritaniens (Avomm) se dit ‘satisfaite’ de la mobilisation. ‘Je suis satisfaite, parce qu'il y a beaucoup de monde. Les gens sont mobilisés pour arrêter cet enrôlement raciste. Nous voulons qu'il revoit cet enrôlement parce qu'il y a beaucoup de failles’. Pour elle, ‘la Mauritanie, c'est les Noirs, les Blancs, les Jaunes, etc., c'est tout le monde’. Avant de lancer optimiste. ‘Ils vont céder, peut-être pas pour le moment. Mais j'espère qu'ils vont revoir les conditions de ce recensement. Il est temps d'arrêter cette injustice qui va retarder la Mauritanie qui ne le mérite pas. On ne mérite pas ça. On devrait avoir d'autres préoccupations que ce genre de chose’, déplore la présidente de l'Avomm.
La procession est, comme les trois dernières, partie de la Place Trocadéro jusqu'à l'ambassade de Mauritanie. Là, ils ont entonné plus fort leurs slogans fétiches : ‘Touche pas ma nationalité’, ‘Touche pas à ma ‘Mauritanité’’ ; ‘Aziz, dégage ]b! ’
MARIEME KANE, PRESIDENTE DE L'ASSOCIATION DES FEMMES MAURITANIENNES DU FLEUVE (AFMAF) : ‘Nos autorités sont têtues’
Wal Fadjri : C'est votre énième manifestation pour demander aux autorités mauritaniennes d'arrêter le recensement en cours en Mauritanie. Pourquoi votre pression n'est-elle pas ressentie par vos autorités ?
Marième KANE : Parce que simplement, elles sont têtues et elles croient qu'on va lâcher (prise) parce que nous en avions l'habitude. Mais nous sommes déterminées à aller jusqu'au bout, parce que nous sommes unies dans notre lutte.
Est-ce que le recensement n'est pas une bonne chose dans ses objectifs ?
C'est une bonne chose objectivement. Mais en excluant les Noirs, ça devient une mauvaise chose parce qu'on deviendra des apatrides à la fin. C'est pourquoi, nous nous battons pour notre survie et l'avenir de nos enfants. On demande aux Noirs le certificat de décès de leurs parents. Il faut que ça cesse ; alors qu'on ne demande rien aux Maures. C'est du racisme pur et simple. C'est ça le problème. La communauté maure est recensée par rapport à sa peau ; alors que pour la communauté noire, il faut prouver la ‘mauritanité’ de ses parents, de ses grands-parents. C'est une humiliation et elle est quotidienne. C'est pourquoi, on ne l'accepte pas.
Est-ce que cela persiste toujours ?
Paraît-il qu'ils ont allégé un peu, mais nous voulons que ça soit légal et que ça soit une justice pour tout le monde. Nous voulons qu'on demande les mêmes justificatifs à tout le monde. Pas seulement aux Noirs. Il n'y a pas de Peul, de Wolof, de Hassania, de Baïdane ! Que tout le monde soit recensé dans les mêmes conditions.
C'est-à-dire ?
Si on demande au Noir une pièce d'identité, on doit le faire aussi avec un Maure. Mais ce n'est pas normal d’exiger aux Noirs des pièces qu'on ne demande pas aux Maures. Sinon, nous allons nous battre par tous les moyens locaux pour obliger nos autorités à appliquer les conditions à tout le monde. Nous ne voulons pas perdre notre nationalité.
Avez-vous prévu d'aller manifester en Mauritanie ?
Nous l'avons prévu parce qu'il y a des gens qui sont prêts pour ça. Pour le moment, nous coordonnons avec nos compatriotes qui sont sur place et nous synchronisons nos manifestations avec ceux des Etats-unis, de la Belgique. Et nous demandons à tous les Mauritaniens qui sont dans le monde de manifester pour exiger l'arrêt de l'enrôlement.
Quel est objectif de votre association ?
C'est de travailler avec les déportés afin d'améliorer leurs conditions de vie. Nos avons creusé des puits, aménagé des terres pour faire du maraîchage. C'est vrai qu'il y a des déportés qui sont rentrés, mais il en reste toujours cinq mille au Sénégal. Et ceux qui sont rentrés sont toujours des réfugiés, parce qu'ils habitent sous des bâches. On veut mettre fin à cela en aidant à s'insérer dans la vie économique. Nous voulons aussi aider leurs enfants à aller dans les écoles parce qu'ils n'y vont pas parce qu'il n'y a pas d'écoles. Il y a aussi la questions des latrines qui posent problèmes. (…). C'est vraiment inhumain ce qu'ils subissent. Paraît-il qu'ils ont cinq mille ouguiyas par moi. Ce qui ne peut pas faire vivre une famille. C'est pour vous dire qu'ils vivent l'humiliation quotidiennement. C'est pourquoi, ils ne peuvent pas se révolter. (…).
Recueillis par M. BARRY
Source: Walf Fadjri
Au moment des manifestants à Nouakchott sont dispersés par la police, la communauté négro-mauritanienne continuent de battent la macadam à Paris pour exiger l'arrêt du recensement qu'elle considère comme ‘raciste’ en cours dans leur pays. Pourtant, après trois manifestations, leurs autorités semblent faire la sourde oreille quant aux revendications exprimées par les manifestants.
Selon Ousmane Sarr, qui prenait part à la manifestation, tenue samedi dernier, ‘les autorités ne veulent pas entendre raison’. ‘Et cette situation peut dégénérer à tout moment. L'écrasante majorité de la population ne comprend pas ce recensement. Mais les autorités mauritaniennes s'entêtent. Refuser d'entendre raison, de prendre en considération la voix du peuple, ce n'est pas de la démocratie’, dénonce-t-il.
Ousmane Sarr se dit ‘pessimiste non pas seulement pour ce recensement raciste’, mais aussi pour ‘le règlement du passif humanitaire, le retour de tous les réfugiés. Rien n'est réglé en réalité. C'est de la poudre aux yeux’, s'emporte-t-il, amer. Pour faire bouger les lignes de l'intransigeance des autorités mauritaniennes, il appelle ses compatriotes à ‘s'inspirer de ce qui se passe dans le monde arabe’.
‘Il faut un soulèvement. Il y a quelque temps, je disais qu'on devrait avoir peur d'un soulèvement, mais là dans ce cas de figure, on n'a pas le temps de réfléchir. Il faut dégager le régime d'Abdoul Aziz. Il faut un soulèvement parce que je constate un raidissement. Il faut appeler les gens à faire bloc et peser sur le régime actuel’, croit-il.
Sa compatriote, Rougia Dia, présidente de l'Association des victimes et orphelins militaires mauritaniens (Avomm) se dit ‘satisfaite’ de la mobilisation. ‘Je suis satisfaite, parce qu'il y a beaucoup de monde. Les gens sont mobilisés pour arrêter cet enrôlement raciste. Nous voulons qu'il revoit cet enrôlement parce qu'il y a beaucoup de failles’. Pour elle, ‘la Mauritanie, c'est les Noirs, les Blancs, les Jaunes, etc., c'est tout le monde’. Avant de lancer optimiste. ‘Ils vont céder, peut-être pas pour le moment. Mais j'espère qu'ils vont revoir les conditions de ce recensement. Il est temps d'arrêter cette injustice qui va retarder la Mauritanie qui ne le mérite pas. On ne mérite pas ça. On devrait avoir d'autres préoccupations que ce genre de chose’, déplore la présidente de l'Avomm.
La procession est, comme les trois dernières, partie de la Place Trocadéro jusqu'à l'ambassade de Mauritanie. Là, ils ont entonné plus fort leurs slogans fétiches : ‘Touche pas ma nationalité’, ‘Touche pas à ma ‘Mauritanité’’ ; ‘Aziz, dégage ]b! ’
MARIEME KANE, PRESIDENTE DE L'ASSOCIATION DES FEMMES MAURITANIENNES DU FLEUVE (AFMAF) : ‘Nos autorités sont têtues’
Wal Fadjri : C'est votre énième manifestation pour demander aux autorités mauritaniennes d'arrêter le recensement en cours en Mauritanie. Pourquoi votre pression n'est-elle pas ressentie par vos autorités ?
Marième KANE : Parce que simplement, elles sont têtues et elles croient qu'on va lâcher (prise) parce que nous en avions l'habitude. Mais nous sommes déterminées à aller jusqu'au bout, parce que nous sommes unies dans notre lutte.
Est-ce que le recensement n'est pas une bonne chose dans ses objectifs ?
C'est une bonne chose objectivement. Mais en excluant les Noirs, ça devient une mauvaise chose parce qu'on deviendra des apatrides à la fin. C'est pourquoi, nous nous battons pour notre survie et l'avenir de nos enfants. On demande aux Noirs le certificat de décès de leurs parents. Il faut que ça cesse ; alors qu'on ne demande rien aux Maures. C'est du racisme pur et simple. C'est ça le problème. La communauté maure est recensée par rapport à sa peau ; alors que pour la communauté noire, il faut prouver la ‘mauritanité’ de ses parents, de ses grands-parents. C'est une humiliation et elle est quotidienne. C'est pourquoi, on ne l'accepte pas.
Est-ce que cela persiste toujours ?
Paraît-il qu'ils ont allégé un peu, mais nous voulons que ça soit légal et que ça soit une justice pour tout le monde. Nous voulons qu'on demande les mêmes justificatifs à tout le monde. Pas seulement aux Noirs. Il n'y a pas de Peul, de Wolof, de Hassania, de Baïdane ! Que tout le monde soit recensé dans les mêmes conditions.
C'est-à-dire ?
Si on demande au Noir une pièce d'identité, on doit le faire aussi avec un Maure. Mais ce n'est pas normal d’exiger aux Noirs des pièces qu'on ne demande pas aux Maures. Sinon, nous allons nous battre par tous les moyens locaux pour obliger nos autorités à appliquer les conditions à tout le monde. Nous ne voulons pas perdre notre nationalité.
Avez-vous prévu d'aller manifester en Mauritanie ?
Nous l'avons prévu parce qu'il y a des gens qui sont prêts pour ça. Pour le moment, nous coordonnons avec nos compatriotes qui sont sur place et nous synchronisons nos manifestations avec ceux des Etats-unis, de la Belgique. Et nous demandons à tous les Mauritaniens qui sont dans le monde de manifester pour exiger l'arrêt de l'enrôlement.
Quel est objectif de votre association ?
C'est de travailler avec les déportés afin d'améliorer leurs conditions de vie. Nos avons creusé des puits, aménagé des terres pour faire du maraîchage. C'est vrai qu'il y a des déportés qui sont rentrés, mais il en reste toujours cinq mille au Sénégal. Et ceux qui sont rentrés sont toujours des réfugiés, parce qu'ils habitent sous des bâches. On veut mettre fin à cela en aidant à s'insérer dans la vie économique. Nous voulons aussi aider leurs enfants à aller dans les écoles parce qu'ils n'y vont pas parce qu'il n'y a pas d'écoles. Il y a aussi la questions des latrines qui posent problèmes. (…). C'est vraiment inhumain ce qu'ils subissent. Paraît-il qu'ils ont cinq mille ouguiyas par moi. Ce qui ne peut pas faire vivre une famille. C'est pour vous dire qu'ils vivent l'humiliation quotidiennement. C'est pourquoi, ils ne peuvent pas se révolter. (…).
Recueillis par M. BARRY
Source: Walf Fadjri
La présidente de l'AVOMM à la manifestation du 10 septembre 2011