Trois questions à Alain Antil, chercheur spécialiste de la Mauritanie, à l'Institut Français des Relations Internationales (Ifri) après l'attaque vendredi contre l'ambassade israélienne de Nouakchott.
Cette attaque intervient après que quatre touristes français et trois militaires mauritaniens ont été tués en décembre 2007. Peut-on faire un lien entre ces différentes affaires?
S'il faudra attendre les résultats de l'enquête pour le savoir, il est probable qu'il n'y ait pas de liens organisationnels entre ces groupes. Mais l'attaque contre les Français en décembre a sans doute suscité des vocations car elle a eu un impact médiatique important et a fait annuler le Paris-Dakar. Le «retour sur investissement» a donc été excellent pour les terroristes.
Pourquoi s'en prendre à l'ambassade israélienne?
Depuis que la frontière a sauté entre Gaza et l'Egypte, les autorités mauritaniennes ont menacé de rompre leurs relations diplomatiques avec Israël. Les jeunes étudiants de Nouakchott, islamistes ou pas, ont exigé à nouveau cette rupture, une exigence qu'ils portent depuis longtemps. Il y a donc un climat particulier en ce moment en Mauritanie même si, en dehors de Nouakchott, la grande majorité de la population, très pauvre, n'a strictement rien à faire de cette question. Les relations diplomatiques avaient été établies en 1999 par l'ancien président Maaouya Sîd Ahmed Ould Taya, renversé par un coup d'Etat en 2005. Brouillé avec la France, il s'était alors rapproché des Etats-Unis. L'actuel président, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, s'était prononcé contre les relations avec Israël. Mais il devrait les maintenir car de nombreux militaires mauritaniens y sont favorables. Selon des rumeurs, ils collaboreraient activement avec Israël dans la lutte anti-terroriste.
Ce risque terroriste est-il aujourd'hui élevé en Mauritanie?
Oui, même si le terrorisme reste artisanal. Il y aurait actuellement une vingtaine de Mauritaniens qui pourraient basculer dans l'action violente à Nouakchott, dont certains auraient effectué des séjours dans le maquis algérien avec le GSPC. Jusqu'alors, le risque terroriste était nul et la criminalité faible. Mais ça pourrait changer dans les semaines qui viennent.
Propos recueillis par Alexandre Sulzer
Source: www.20minutes.fr
(M)