Déclaration
En avril 1989, la volonté politique du régime du dictateur Ould Taya a pris un tournant, dans sa logique d’épuration ethnique avec des proportions sans précédent, dans l’histoire politique de la Mauritanie indépendante. Avril 1989 fut ainsi le résultat d’un système politique dont l’objectif fondamental est de faire de la Mauritanie un pays exclusivement arabe, donc débarrassée de sa composante négro-africaine. Le caractère raciste du système, même sous des gouvernements modérés, n’a fait aucun doute. Ould Taya, avec son dispositif militaro-policier encadré par un nationalisme arabe pervers, a mis en œuvre une machine de guerre tournée contre ses compatriotes, dépossédés de leur citoyenneté, de leur identité et de leur humanité.
Des dates symboliques ont marqué à jamais la mémoire des veuves et des orphelins de la Communauté noire-africaine, par la violence des pratiques de répression, d’emprisonnement, de torture et de mise à mort avec comme ultime solution, la déportation de centaines de milliers de Mauritaniens noirs au Sénégal et au Mali.
1986 : publication du manifeste des négro-africains opprimés par les FLAM, des centaines d’arrestation s’ensuivirent par l’instauration d’une politique de Terreur et d’état de siège dans toute la vallée du Fleuve. La chasse au Noir-africain fut l’effet marquant de cet acte politique dont l’exigence revendicative a interpellé le régime de Ould Taya, dans le but de faire cesser la discrimination, l’oppression et l’exclusion d’une entité humaine, partie intégrante de la Communauté nationale. Parmi les prisonniers qui ont laissé leur vie dans le mouroir de Oualata : L’écrivain Tène Youssouf Guèye, Djigo Tafsirou, BA Alassane Oumar, BA Abdoul Khoudouss
1987 : sous l’accusation de complot, plusieurs officiers, sous-officiers et soldats Noirs-africains furent arrêtés et emprisonnés. A la suite d’un procès trois lieutenants furent condamnés et exécutés le 6 décembre 1987 : BA Seydi, SY Saïdou et Sarr Amadou. D’autres furent enfermés dans le cachot le plus tristement célèbre : la prison de Oualata.
1989 : un prétexte forgé de toutes pièces (un banal accrochage de routine entre éleveurs sénégalais et agriculteurs mauritaniens) fut l’opportunité rêvée pour engager une entreprise nationale d’expulsion des citoyens mauritaniens Noirs-africains vers le Sénégal et le Mali. C’est ainsi que la déportation massive a été opérée avec violence et barbarie, provoquant ainsi des morts et des handicapés à vie, ayant comme conséquence, une déchirure profonde au sein de la Communauté noire-africaine. La nature terrible et inqualifiable du régime de Taya ne laissait aucune lueur d’espoir à la Communauté noire-africaine.
1990 : La logique des arrestations arbitraires des militaires et des civils s’est accentuée sur toute l’étendue du territoire. Il y a eu ainsi une généralisation des emprisonnements et des tortures les plus odieuses sur toutes les catégories sociales de la Communauté noire africaine.
1991 : insatisfait des chiffres des morts et des déportés, le régime raciste récidiva le prétexte du coup d’Etat de soldats négro-africains, d’où la deuxième occasion d’une opération d’épuration des soldats noirs de l’armée. Dans sa folie meurtrière, le régime de Ould Taya a pourchassé les militaires noirs-africains, par des méthodes cyniques et inhumaines dont l’arbitraire et la férocité défient l’imagination : exécutions sommaires, soldats brûlés vifs, sévices indescriptibles, militaires jetés vivants dans des fosses, entassement dans des espaces où la respiration est impossible jusqu’à ce que mort s’ensuive. Telle fut la situation tragique des soldats noirs-africains à la suite de ce prétendu coup de force, qui a servi, assurément de prétexte à l’épuration de la Communauté noire-africaine de l’Armée nationale, de la Marine nationale, de la Gendarmerie nationale, de la Garde nationale, de la Police nationale et des Douanes. 513 militaires sont morts sous la torture et d’autres, par des exécutions extra-judiciaires tout le long de la Vallée, civils comme militaires. Aucun corps n’a été épargné, aucune catégorie sociale ne fût non plus à l’abri de cette logique systématique d’extermination, d’humiliation et d’anéantissement de tout un ensemble humain désormais indexé et voué à la mort et à l’exil.
Bref, de 1986 à son éviction du pouvoir en août 2005, le régime de Ould Taya, a fait subir à la Communauté noire-africaine un calvaire dont l’inhumanité est à inscrire dans la liste des systèmes les plus odieux qui ont caractérisé la criminalité politique à l’échelle de l’Histoire de l’Humanité.
Après la transition opérée par le Colonel Ely Ould Mohamed VALL, en ce mois d’août 2005, compagnon de route du Président Ould Taya et tristement célèbre Directeur de la Sûreté, l’espoir était plus ou moins permis. Ely, acteur de premier plan des années de barbarie, et architecte hors pair du système policier et tortionnaire a, sous la pression internationale, quitté le pouvoir après l’organisation d’élections plurielles jugées démocratiques. C’est à la suite de ces élections de mars 2007, que le candidat Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi a été élu Président.
Le 29 juin 2007, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, à travers un discours solennel, lançait le démarrage de sa promesse électorale la plus importante dans le sens de la consolidation de l’unité nationale : le retour des déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali dans leur pays et la résolution du passif humanitaire.
Dans le souci de réussir ce challenge et d’associer tous les Mauritaniens à l’intérieur et à l’extérieur, Le Président Sidi a organisé à Nouakchott des journées de concertation nationales en présence de tous les acteurs politiques, de la société civile et des représentants des réfugiés et des déportés. Il a rencontré lors de ses voyages à l’extérieur (Paris et New-York), les représentants des organisations politiques et des associations mauritaniennes des Droits humains, encore en exil.
Tout en se félicitant de ces acquis et de la volonté politique affichée par le Président Sidi pour l’avènement d’une Mauritanie démocratique et réconciliée avec elle-même, nous exprimons nos inquiétudes sur la manière dont le retour des déportés s’effectue dans l’improvisation et l’impréparation, source de toutes les dérives (maisons et terres toujours occupées par des usurpateurs). Nous exprimons nos inquiétudes à l’égard du silence sur le passif humanitaire et les indemnisations des veuves et des orphelins. Par ailleurs nous exprimons aussi notre incompréhension devant les nominations sans considération d’équité, d’équilibre et de compétence qui continuent à pérenniser la logique de marginalisation des cadres noirs-africains. En dépit d’une volonté réelle de bon nombre de cadres issus de la diaspora, aucun geste n’a été fait à leur égard. Nous ne comprenons pas également la montée de l’insécurité qui semble entériner des pratiques d’impunité qui ont vu d’anciens tortionnaires décorés comme le tristement célèbre Commissaire Ould Deddahi.
La situation économique catastrophique a plongé les masses populaires dans la précarité totale, créant ainsi le désespoir de la classe moyenne, au point que lors des manifestations, on entend des signes de désespoir, prônant le retour de Ould Taya. Nous constatons un mépris réel du gouvernement en place par rapport à la question de l’impunité et du passif humanitaire et doutons de la volonté du pouvoir actuel de créer les conditions réelles d’une juste et équitable cohabitation entre les différentes composantes nationales. Le fragile espoir né des élections est en train de se transformer en désespoir. Le pire est à craindre aujourd’hui, après des années de cauchemar, pour la Communauté noire-africaine.
Nous, organisations mauritaniennes, attirons l’attention du Président Sidi et de son gouvernement du risque de chaos qui guette le pays en cas de déception devant les immenses espoirs suscités par l’éviction de Ould Taya et l’avènement d’une ère nouvelle. Nous réitérons notre exigence fondamentale qui est de permettre à tous les citoyens mauritaniens de vivre dignement dans leur pays. Nous exigeons que la justice puisse faire son travail pour mettre fin au sentiment d’impunité, réclamons que les réfugiés soient réinstallés dans des conditions sécurisantes et dignes d’un vrai retour et qu’il soit permis aux veuves et aux orphelins de faire le travail de deuil. La fin de l’impunité passe par le jugement des tortionnaires et la réparation de l’injustice subie par des milliers de Mauritaniens noirs par des indemnisations conséquentes. Si, le régime de Sidi ne répond pas aux attentes des victimes, il aura manqué le rendez-vous avec l’Histoire qui était tant attendu après la mise hors jeu de Ould Taya dont le règne fût marqué par le cynisme radical et inhumain.
A quand l’avènement d’une Mauritanie digne du respect et de la considération de toutes ses composantes et de la communauté internationale ?
Paris, le 26 avril 2008
Les signataires
AFMAF (Association des femmes mauritaniennes du Fleuve)
AVOMM (Association pour les veuves et orphelins des militaires mauritaniens)
http://www.avomm.com/index.php
OCVIDH (Organisation contre les violations des droits de l’Homme) http//www.ocvidh.org/
FLAM (Forces de libération africaines de Mauritanie)
http://www.flamnet.net/
En avril 1989, la volonté politique du régime du dictateur Ould Taya a pris un tournant, dans sa logique d’épuration ethnique avec des proportions sans précédent, dans l’histoire politique de la Mauritanie indépendante. Avril 1989 fut ainsi le résultat d’un système politique dont l’objectif fondamental est de faire de la Mauritanie un pays exclusivement arabe, donc débarrassée de sa composante négro-africaine. Le caractère raciste du système, même sous des gouvernements modérés, n’a fait aucun doute. Ould Taya, avec son dispositif militaro-policier encadré par un nationalisme arabe pervers, a mis en œuvre une machine de guerre tournée contre ses compatriotes, dépossédés de leur citoyenneté, de leur identité et de leur humanité.
Des dates symboliques ont marqué à jamais la mémoire des veuves et des orphelins de la Communauté noire-africaine, par la violence des pratiques de répression, d’emprisonnement, de torture et de mise à mort avec comme ultime solution, la déportation de centaines de milliers de Mauritaniens noirs au Sénégal et au Mali.
1986 : publication du manifeste des négro-africains opprimés par les FLAM, des centaines d’arrestation s’ensuivirent par l’instauration d’une politique de Terreur et d’état de siège dans toute la vallée du Fleuve. La chasse au Noir-africain fut l’effet marquant de cet acte politique dont l’exigence revendicative a interpellé le régime de Ould Taya, dans le but de faire cesser la discrimination, l’oppression et l’exclusion d’une entité humaine, partie intégrante de la Communauté nationale. Parmi les prisonniers qui ont laissé leur vie dans le mouroir de Oualata : L’écrivain Tène Youssouf Guèye, Djigo Tafsirou, BA Alassane Oumar, BA Abdoul Khoudouss
1987 : sous l’accusation de complot, plusieurs officiers, sous-officiers et soldats Noirs-africains furent arrêtés et emprisonnés. A la suite d’un procès trois lieutenants furent condamnés et exécutés le 6 décembre 1987 : BA Seydi, SY Saïdou et Sarr Amadou. D’autres furent enfermés dans le cachot le plus tristement célèbre : la prison de Oualata.
1989 : un prétexte forgé de toutes pièces (un banal accrochage de routine entre éleveurs sénégalais et agriculteurs mauritaniens) fut l’opportunité rêvée pour engager une entreprise nationale d’expulsion des citoyens mauritaniens Noirs-africains vers le Sénégal et le Mali. C’est ainsi que la déportation massive a été opérée avec violence et barbarie, provoquant ainsi des morts et des handicapés à vie, ayant comme conséquence, une déchirure profonde au sein de la Communauté noire-africaine. La nature terrible et inqualifiable du régime de Taya ne laissait aucune lueur d’espoir à la Communauté noire-africaine.
1990 : La logique des arrestations arbitraires des militaires et des civils s’est accentuée sur toute l’étendue du territoire. Il y a eu ainsi une généralisation des emprisonnements et des tortures les plus odieuses sur toutes les catégories sociales de la Communauté noire africaine.
1991 : insatisfait des chiffres des morts et des déportés, le régime raciste récidiva le prétexte du coup d’Etat de soldats négro-africains, d’où la deuxième occasion d’une opération d’épuration des soldats noirs de l’armée. Dans sa folie meurtrière, le régime de Ould Taya a pourchassé les militaires noirs-africains, par des méthodes cyniques et inhumaines dont l’arbitraire et la férocité défient l’imagination : exécutions sommaires, soldats brûlés vifs, sévices indescriptibles, militaires jetés vivants dans des fosses, entassement dans des espaces où la respiration est impossible jusqu’à ce que mort s’ensuive. Telle fut la situation tragique des soldats noirs-africains à la suite de ce prétendu coup de force, qui a servi, assurément de prétexte à l’épuration de la Communauté noire-africaine de l’Armée nationale, de la Marine nationale, de la Gendarmerie nationale, de la Garde nationale, de la Police nationale et des Douanes. 513 militaires sont morts sous la torture et d’autres, par des exécutions extra-judiciaires tout le long de la Vallée, civils comme militaires. Aucun corps n’a été épargné, aucune catégorie sociale ne fût non plus à l’abri de cette logique systématique d’extermination, d’humiliation et d’anéantissement de tout un ensemble humain désormais indexé et voué à la mort et à l’exil.
Bref, de 1986 à son éviction du pouvoir en août 2005, le régime de Ould Taya, a fait subir à la Communauté noire-africaine un calvaire dont l’inhumanité est à inscrire dans la liste des systèmes les plus odieux qui ont caractérisé la criminalité politique à l’échelle de l’Histoire de l’Humanité.
Après la transition opérée par le Colonel Ely Ould Mohamed VALL, en ce mois d’août 2005, compagnon de route du Président Ould Taya et tristement célèbre Directeur de la Sûreté, l’espoir était plus ou moins permis. Ely, acteur de premier plan des années de barbarie, et architecte hors pair du système policier et tortionnaire a, sous la pression internationale, quitté le pouvoir après l’organisation d’élections plurielles jugées démocratiques. C’est à la suite de ces élections de mars 2007, que le candidat Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi a été élu Président.
Le 29 juin 2007, le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, à travers un discours solennel, lançait le démarrage de sa promesse électorale la plus importante dans le sens de la consolidation de l’unité nationale : le retour des déportés mauritaniens au Sénégal et au Mali dans leur pays et la résolution du passif humanitaire.
Dans le souci de réussir ce challenge et d’associer tous les Mauritaniens à l’intérieur et à l’extérieur, Le Président Sidi a organisé à Nouakchott des journées de concertation nationales en présence de tous les acteurs politiques, de la société civile et des représentants des réfugiés et des déportés. Il a rencontré lors de ses voyages à l’extérieur (Paris et New-York), les représentants des organisations politiques et des associations mauritaniennes des Droits humains, encore en exil.
Tout en se félicitant de ces acquis et de la volonté politique affichée par le Président Sidi pour l’avènement d’une Mauritanie démocratique et réconciliée avec elle-même, nous exprimons nos inquiétudes sur la manière dont le retour des déportés s’effectue dans l’improvisation et l’impréparation, source de toutes les dérives (maisons et terres toujours occupées par des usurpateurs). Nous exprimons nos inquiétudes à l’égard du silence sur le passif humanitaire et les indemnisations des veuves et des orphelins. Par ailleurs nous exprimons aussi notre incompréhension devant les nominations sans considération d’équité, d’équilibre et de compétence qui continuent à pérenniser la logique de marginalisation des cadres noirs-africains. En dépit d’une volonté réelle de bon nombre de cadres issus de la diaspora, aucun geste n’a été fait à leur égard. Nous ne comprenons pas également la montée de l’insécurité qui semble entériner des pratiques d’impunité qui ont vu d’anciens tortionnaires décorés comme le tristement célèbre Commissaire Ould Deddahi.
La situation économique catastrophique a plongé les masses populaires dans la précarité totale, créant ainsi le désespoir de la classe moyenne, au point que lors des manifestations, on entend des signes de désespoir, prônant le retour de Ould Taya. Nous constatons un mépris réel du gouvernement en place par rapport à la question de l’impunité et du passif humanitaire et doutons de la volonté du pouvoir actuel de créer les conditions réelles d’une juste et équitable cohabitation entre les différentes composantes nationales. Le fragile espoir né des élections est en train de se transformer en désespoir. Le pire est à craindre aujourd’hui, après des années de cauchemar, pour la Communauté noire-africaine.
Nous, organisations mauritaniennes, attirons l’attention du Président Sidi et de son gouvernement du risque de chaos qui guette le pays en cas de déception devant les immenses espoirs suscités par l’éviction de Ould Taya et l’avènement d’une ère nouvelle. Nous réitérons notre exigence fondamentale qui est de permettre à tous les citoyens mauritaniens de vivre dignement dans leur pays. Nous exigeons que la justice puisse faire son travail pour mettre fin au sentiment d’impunité, réclamons que les réfugiés soient réinstallés dans des conditions sécurisantes et dignes d’un vrai retour et qu’il soit permis aux veuves et aux orphelins de faire le travail de deuil. La fin de l’impunité passe par le jugement des tortionnaires et la réparation de l’injustice subie par des milliers de Mauritaniens noirs par des indemnisations conséquentes. Si, le régime de Sidi ne répond pas aux attentes des victimes, il aura manqué le rendez-vous avec l’Histoire qui était tant attendu après la mise hors jeu de Ould Taya dont le règne fût marqué par le cynisme radical et inhumain.
A quand l’avènement d’une Mauritanie digne du respect et de la considération de toutes ses composantes et de la communauté internationale ?
Paris, le 26 avril 2008
Les signataires
AFMAF (Association des femmes mauritaniennes du Fleuve)
AVOMM (Association pour les veuves et orphelins des militaires mauritaniens)
http://www.avomm.com/index.php
OCVIDH (Organisation contre les violations des droits de l’Homme) http//www.ocvidh.org/
FLAM (Forces de libération africaines de Mauritanie)
http://www.flamnet.net/