Thalès–le-fou, paru aux ed l’Harmattan, traite d’un sujet brûlant et actuel : les pirogues corbillards et l’immigration du continent africain sans manquer de donner le coup de patte du félin aux politiciens.
Thalès-le-fou arrive à Wakogne, village à quelques kilomètres de la capitale de la République démocratique du jolof, (qu’on n’aura guère de peine à reconnaître) au bord de l’océan. On évoque l’esprit marin des habitants,… Le banc jaxlé, banc de l’étonnement et de l’inquiétude, l’agora des désoeuvrés, sert de socle aux "projets dramatiques"... La politique : Thalès montre l’assassinat d’une démocratie, la perte de sens. L’auteur est né au Sénégal. Il est expert-comptable de formation et professeur dans l’enseignement supérieur en France.
Vous venez de publier votre second ouvrage chez l’Harmattan, et le titre est osé, "Thalès le fou" pour parler d’immigration-clandestine. Pourquoi ?
Je pense que l’émigration ou l’immigration, phénomène tout à fait naturel par ailleurs, est devenue une préoccupation pour tout le monde depuis que des jeunes prennent par milliers des embarcations de fortune, les pirogues-corbillards, pour gagner les côtes de l’Europe.
Il était donc impératif pour moi de me pencher sur ce drame, cette tragédie à laquelle l’on assiste dans la stupéfaction et l’impuissance. Je ne pouvais pas, au prétexte que c’est un sujet qui dérange, fermer les yeux sur ce fléau.
Vous utilisez la figure du fou pour décliner vos vérités ou poser vos questions ou soumettre le peuple, le lecteur, le politique à réfléchir ?
Oui. En faisant parler un fou, je ne fais pas montre d’originalité. C’est un procédé dont ont fait usage bon nombre d’écrivains. Mais c’est une position assez confortable. D’abord, parce que le fou est exclu par les autres du fait qu’il n’est pas comme eux. Par conséquent, il se retrouve presque en dehors de la société qu’il peut regarder objectivement. Ensuite, il peut tout dire à n’importe qui, n’importe quand et de n’importe quelle manière parce que c’est un fou. A l’image du bouffon, du fou du roi, Thalès interpelle le lecteur et le peuple, le roi et sa cour, pour asséner ses vérités, les vérités du fou qui font rire sur le coup, mais réfléchir après coup. Elles heurtent les consciences, froissent les susceptibilités et condamnent ceux à qui elles s’adressent à se remettre en question.
Quelle est la situation véritable de la société africaine, de la jeunesse africaine, est-elle si désespérée au point de choisir la voie fatale : les pirogues-corbillards ? Est-ce que partir est l’ultime solution ?
Il n’y a pas une seule situation. Mais la plupart du temps nous avons devant nous une société moribonde, en proie aux démons de l’immobilisme, figée sur des clichés et gangrénée par les pratiques délétères des politiques, des religieux et de quelques autres responsables.
La situation est grave, mais elle n’est point désespérée. [ b Partir] est une solution individuelle qui ne résoudra que des problèmes individuels. Or, le vrai problème de l’Afrique et des sociétés africaines est lié au système. Nos républiques n’ont de républicain que le nom. Et la jeunesse africaine n’a pas vraiment assimilé le sens de la République.
Il ne s’agit pas et il ne suffit pas de chasser le dirigeant en place et de le remplacer, mais de rompre avec un système qui fait de l’élu non pas un président mais un monarque, non pas un travailleur, mais un jouisseur. Un élu ne peut pas vivre dans l’opulence alors que son peuple meurt de faim. Un élu ne peut pas assister au pillage des richesses de son pays sans lever le plus petit doigt. Un élu se doit de défendre les intérêts de son pays quoi qu’il lui en coûte.
Si la jeunesse africaine, dans son intégralité, intègre ces réalités, elle aura réussi la vraie migration à laquelle la conjoncture la condamne. La migration mentale.
Alors dans ce cas, pour répondre à votre question, partir serait l’ultime solution. Et il serait salutaire.
A qui la faute et je pense que à travers « Thalès-le-fou » vous passer aux cribles le Politique, l’Homme politique africain, vous remettez en question les hommes politiques.
Nous sommes tous responsables, mais à des degrés divers. Je déplore le silence de certains intellectuels, l’attitude de certains religieux, la passivité du peuple.
Mais les politiques sont plus que lamentables. Honte à cette race qui pense que la vie est un bal masqué ! Honte à ces hommes et femmes qui croient que la fin justifie les moyens ! Les fourberies perpétuelles, les trahisons à outrance, les mensonges et calomnies de ces gens ont fait que la classe politique africaine est la plus médiocre au monde.
Personne ne croit plus en eux. Et cette jeunesse désespérée va chercher, au péril de sa vie, une terre où la vie est plus saine. Elle ne peut continuer de suffoquer devant la puanteur ambiante de ces hommes et femmes qui ont tout trahi.
Votre livre est fort bien écrit, imagé, il interroge et essaie d’extirper les gens de leur torpeur, vous mordez comme la souris tout en soufflant sur la même morsure, est-ce une incitation à une révolution douce ? Vous critiquez la société, le manque d’initiative, la religion, l’immobilisme, vous voulez que la jeunesse amorce une Renaissance et comprenne le Sens de la Respublica..
Vous m’avez parfaitement compris. Si j’ai fait référence aux philosophes présocratiques et particulièrement à Thalès c’est exactement pour l’exemple qu’ils nous ont servi. Ils étaient confrontés aux mythes et superstitions de leur époque. Ils étaient liés au carcan des gestes traditionnels. Mais ils ont brisé ce carcan qu’il trouvait trop lourd. La jeunesse africaine devrait en faire de même. L’amorce d’une Renaissance en remettant en question un système de pensées, des habitudes, des mythes, et en prenant en main son destin.
Cela suppose de se mettre face à ses responsabilités, de rompre plus tôt le cordon ombilical qui la lie à ses parents, à son marabout et quelque autre guide ou maître à penser. Le sacrilège. Voyez-vous ? Le sacrilège. C’est à cela que je la convie.
Votre banc jaxlé, il me semble qu’il est présent partout dans le monde, à St Denis avec la bande de jeunes qui dissertent sur le monde, aux USA, les gens se sont toujours réunis pour bavarder, essayant de refaire les monde avec des idées utopiques et autres. Est-ce la rue qui dicte la voie à prendre rester ou partir, qu’en est-il de la raison voire de la sagesse ?
C’est vrai le banc jaxlé est présent partout. Partout où existent la misère et le désœuvrement. Partir dans les conditions actuelles, entassés dans des pirogues, découle d’une certaine folie, en tout cas de la déraison. Mais les raisons sont diverses et multiples. Ils ne partent pas tous pour les mêmes raisons. Et pour répondre à votre question, mieux qu’un romancier, il faudrait un psychosociologue.
Sémou, je n’aime pas cette question mais je vais vous la poser, notre continent est-il maudit, le peuple d’Afrique est-ce le peuple maudit, maudit comme le nègre descendant de Cham ?
Moi-même je me pose la question et j’en fais allusion dans le livre. Mais je n’y crois pas une seconde comme à toutes ces pseudo-vérités dont nous avons été bombardés pendant des siècles. Le Créateur aurait-Il procédé à une hiérarchie entre Ses créatures ? Vous voyez que c’est insensé. Ceux qui ont fait glisser ces inepties dans la Bible avaient un objectif bien clair : justifier les horreurs commises sur les Nègres. Vous l’aurez remarqué, « Thalès-le-fou » était aussi une manière de passer aux cribles tous les clichés qui entachent l’image de l’Africain dans le monde.
Une dernière question. Quels sont vos projets, il me semble qu’on vous verra souvent dans les librairies, maisons de quartiers, on vous verra bientôt sur les plateaux télé, à la radio, foire, salon, pour présenter et défendre votre conception de l’immigration.
Comme le dit si bien Emmanuelle MOYSAN de l’Harmattan et c’est vrai "Votre livre est bien charpenté ou la langue s’avère maîtrisée, non dénuée d’humour, et porte un regard interrogatif sur le phénomène de la migration à travers le prisme de l’état de la société africaine"
Parfaitement. Je serai partout où on me demandera d’exprimer mon point de vue. Et j’ai déjà sur mon agenda bon nombre d’invitations.
J’aimerais rajouter ceci. Aux yeux de celui qui a faim aucune raison ne saurait justifier qu’il soit assigné à domicile. Aucune. Comme nous l’a bien dit le comédien Joseph Niambi
( notre doyen, frère et conseiller) , un oiseau qui s’envole c’est celui qui se rassasie.
www.semoumamadiop.com
Source: grioo
(M)
Thalès-le-fou arrive à Wakogne, village à quelques kilomètres de la capitale de la République démocratique du jolof, (qu’on n’aura guère de peine à reconnaître) au bord de l’océan. On évoque l’esprit marin des habitants,… Le banc jaxlé, banc de l’étonnement et de l’inquiétude, l’agora des désoeuvrés, sert de socle aux "projets dramatiques"... La politique : Thalès montre l’assassinat d’une démocratie, la perte de sens. L’auteur est né au Sénégal. Il est expert-comptable de formation et professeur dans l’enseignement supérieur en France.
Vous venez de publier votre second ouvrage chez l’Harmattan, et le titre est osé, "Thalès le fou" pour parler d’immigration-clandestine. Pourquoi ?
Je pense que l’émigration ou l’immigration, phénomène tout à fait naturel par ailleurs, est devenue une préoccupation pour tout le monde depuis que des jeunes prennent par milliers des embarcations de fortune, les pirogues-corbillards, pour gagner les côtes de l’Europe.
Il était donc impératif pour moi de me pencher sur ce drame, cette tragédie à laquelle l’on assiste dans la stupéfaction et l’impuissance. Je ne pouvais pas, au prétexte que c’est un sujet qui dérange, fermer les yeux sur ce fléau.
Vous utilisez la figure du fou pour décliner vos vérités ou poser vos questions ou soumettre le peuple, le lecteur, le politique à réfléchir ?
Oui. En faisant parler un fou, je ne fais pas montre d’originalité. C’est un procédé dont ont fait usage bon nombre d’écrivains. Mais c’est une position assez confortable. D’abord, parce que le fou est exclu par les autres du fait qu’il n’est pas comme eux. Par conséquent, il se retrouve presque en dehors de la société qu’il peut regarder objectivement. Ensuite, il peut tout dire à n’importe qui, n’importe quand et de n’importe quelle manière parce que c’est un fou. A l’image du bouffon, du fou du roi, Thalès interpelle le lecteur et le peuple, le roi et sa cour, pour asséner ses vérités, les vérités du fou qui font rire sur le coup, mais réfléchir après coup. Elles heurtent les consciences, froissent les susceptibilités et condamnent ceux à qui elles s’adressent à se remettre en question.
Quelle est la situation véritable de la société africaine, de la jeunesse africaine, est-elle si désespérée au point de choisir la voie fatale : les pirogues-corbillards ? Est-ce que partir est l’ultime solution ?
Il n’y a pas une seule situation. Mais la plupart du temps nous avons devant nous une société moribonde, en proie aux démons de l’immobilisme, figée sur des clichés et gangrénée par les pratiques délétères des politiques, des religieux et de quelques autres responsables.
La situation est grave, mais elle n’est point désespérée. [ b Partir] est une solution individuelle qui ne résoudra que des problèmes individuels. Or, le vrai problème de l’Afrique et des sociétés africaines est lié au système. Nos républiques n’ont de républicain que le nom. Et la jeunesse africaine n’a pas vraiment assimilé le sens de la République.
Il ne s’agit pas et il ne suffit pas de chasser le dirigeant en place et de le remplacer, mais de rompre avec un système qui fait de l’élu non pas un président mais un monarque, non pas un travailleur, mais un jouisseur. Un élu ne peut pas vivre dans l’opulence alors que son peuple meurt de faim. Un élu ne peut pas assister au pillage des richesses de son pays sans lever le plus petit doigt. Un élu se doit de défendre les intérêts de son pays quoi qu’il lui en coûte.
Si la jeunesse africaine, dans son intégralité, intègre ces réalités, elle aura réussi la vraie migration à laquelle la conjoncture la condamne. La migration mentale.
Alors dans ce cas, pour répondre à votre question, partir serait l’ultime solution. Et il serait salutaire.
A qui la faute et je pense que à travers « Thalès-le-fou » vous passer aux cribles le Politique, l’Homme politique africain, vous remettez en question les hommes politiques.
Nous sommes tous responsables, mais à des degrés divers. Je déplore le silence de certains intellectuels, l’attitude de certains religieux, la passivité du peuple.
Mais les politiques sont plus que lamentables. Honte à cette race qui pense que la vie est un bal masqué ! Honte à ces hommes et femmes qui croient que la fin justifie les moyens ! Les fourberies perpétuelles, les trahisons à outrance, les mensonges et calomnies de ces gens ont fait que la classe politique africaine est la plus médiocre au monde.
Personne ne croit plus en eux. Et cette jeunesse désespérée va chercher, au péril de sa vie, une terre où la vie est plus saine. Elle ne peut continuer de suffoquer devant la puanteur ambiante de ces hommes et femmes qui ont tout trahi.
Votre livre est fort bien écrit, imagé, il interroge et essaie d’extirper les gens de leur torpeur, vous mordez comme la souris tout en soufflant sur la même morsure, est-ce une incitation à une révolution douce ? Vous critiquez la société, le manque d’initiative, la religion, l’immobilisme, vous voulez que la jeunesse amorce une Renaissance et comprenne le Sens de la Respublica..
Vous m’avez parfaitement compris. Si j’ai fait référence aux philosophes présocratiques et particulièrement à Thalès c’est exactement pour l’exemple qu’ils nous ont servi. Ils étaient confrontés aux mythes et superstitions de leur époque. Ils étaient liés au carcan des gestes traditionnels. Mais ils ont brisé ce carcan qu’il trouvait trop lourd. La jeunesse africaine devrait en faire de même. L’amorce d’une Renaissance en remettant en question un système de pensées, des habitudes, des mythes, et en prenant en main son destin.
Cela suppose de se mettre face à ses responsabilités, de rompre plus tôt le cordon ombilical qui la lie à ses parents, à son marabout et quelque autre guide ou maître à penser. Le sacrilège. Voyez-vous ? Le sacrilège. C’est à cela que je la convie.
Votre banc jaxlé, il me semble qu’il est présent partout dans le monde, à St Denis avec la bande de jeunes qui dissertent sur le monde, aux USA, les gens se sont toujours réunis pour bavarder, essayant de refaire les monde avec des idées utopiques et autres. Est-ce la rue qui dicte la voie à prendre rester ou partir, qu’en est-il de la raison voire de la sagesse ?
C’est vrai le banc jaxlé est présent partout. Partout où existent la misère et le désœuvrement. Partir dans les conditions actuelles, entassés dans des pirogues, découle d’une certaine folie, en tout cas de la déraison. Mais les raisons sont diverses et multiples. Ils ne partent pas tous pour les mêmes raisons. Et pour répondre à votre question, mieux qu’un romancier, il faudrait un psychosociologue.
Sémou, je n’aime pas cette question mais je vais vous la poser, notre continent est-il maudit, le peuple d’Afrique est-ce le peuple maudit, maudit comme le nègre descendant de Cham ?
Moi-même je me pose la question et j’en fais allusion dans le livre. Mais je n’y crois pas une seconde comme à toutes ces pseudo-vérités dont nous avons été bombardés pendant des siècles. Le Créateur aurait-Il procédé à une hiérarchie entre Ses créatures ? Vous voyez que c’est insensé. Ceux qui ont fait glisser ces inepties dans la Bible avaient un objectif bien clair : justifier les horreurs commises sur les Nègres. Vous l’aurez remarqué, « Thalès-le-fou » était aussi une manière de passer aux cribles tous les clichés qui entachent l’image de l’Africain dans le monde.
Une dernière question. Quels sont vos projets, il me semble qu’on vous verra souvent dans les librairies, maisons de quartiers, on vous verra bientôt sur les plateaux télé, à la radio, foire, salon, pour présenter et défendre votre conception de l’immigration.
Comme le dit si bien Emmanuelle MOYSAN de l’Harmattan et c’est vrai "Votre livre est bien charpenté ou la langue s’avère maîtrisée, non dénuée d’humour, et porte un regard interrogatif sur le phénomène de la migration à travers le prisme de l’état de la société africaine"
Parfaitement. Je serai partout où on me demandera d’exprimer mon point de vue. Et j’ai déjà sur mon agenda bon nombre d’invitations.
J’aimerais rajouter ceci. Aux yeux de celui qui a faim aucune raison ne saurait justifier qu’il soit assigné à domicile. Aucune. Comme nous l’a bien dit le comédien Joseph Niambi
( notre doyen, frère et conseiller) , un oiseau qui s’envole c’est celui qui se rassasie.
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Source: grioo
(M)