Après trois jours de manifestations violentes qui ont fait un mort dans le sud du pays, le gouvernement a fait savoir qu’il poursuivrait le recensement lancé en mai 2011 afin, entre autres, d’identifier les détenteurs de faux papiers d’identité mauritaniens. Mais la communauté négro-mauritanienne dénonce des procédés d’enrôlement "racistes et discriminatoires".
En 2009, les autorités mauritaniennes ont décidé d’organiser un recensement avec pour objectif de mettre en place un système biométrique d’identification des citoyens (système qui utilise des caractéristiques physiques, comme les empreintes digitales). Le gouvernement souhaitait ainsi "fiabiliser et sécuriser les documents d'identification nationaux" (passeport et carte d’identité) afin de "lutter contre la fraude". Le coup d’envoi du recensement, nécessaire à la mise en place du nouveau système, a été donné au mois de mai 2011.
"Le pays souffre du trop-plein d'étrangers"
Mohamed Mahmoud Ould Dahi est ingénieur à Radio Mauritanie. Il est membre de l’ethnie maure, majoritaire et arabophone, le reste de la population mauritanienne étant composée de minorités noires africaines, les négro-mauritaniens, qui parlent surtout français. Pour lui, ce recensement est nécessaire pour lutter contre l’immigration illégale.
C’est l’unique façon de remettre de l’ordre dans l’état civil mauritanien, en distinguant les vrais Mauritaniens des étrangers qui ont usurpé la nationalité - comme les Sénégalais et les Maliens qui se sont procurés de fausses pièces d’identité. Le pays souffre de ce trop-plein d’étrangers, qui, en proposant de travailler moins cher, font gonfler le taux de chômage des vrais Mauritaniens."
Des appareils biométriques ont été installés dans les préfectures, où la population est attendue pour se faire enrôler. Mais après les premières semaines, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer certaines pratiques des agents de recensement, jugées discriminatoires pour les négro-mauritaniens.
"Pour les Noirs, garder sa nationalité est quasiment devenu un concours"
Yacouba Diakhité fait partie de cette communauté. Alors qu’il étudiait à Dakar, il a décidé de rentrer en Mauritanie, en juin dernier, pour dénoncer les pratiques abusives des agents de recensement. Il est aujourd’hui l'un des coordinateurs du mouvement "Touche pas à ma nationalité".
Nous avons tout d’abord un souci avec la composition de la commission qui supervise le déroulement de ce recensement. Sur 12 membres, un seul est négro-mauritanien. Par ailleurs, les mêmes questionnaires sont donnés à tous ceux qui se font recenser. Mais ce que nous avons pu constater, c’est que, quand vous êtes Noir, vous avez le droit à bien plus de questions de la part des agents de recensement que les Maures blancs. Des agents ont demandé à certains : "Avez-vous de la famille au Sénégal ?" Sous entendu : quand on est noir, on vient forcément de l’étranger. Certains ont aussi demandé "Connaissez-vous le gouverneur de votre région ?" Comme si la nationalité était maintenant basée sur la connaissance des notables de la province. Le problème, c’est que beaucoup de Mauritaniens ne sont jamais vraiment sortis de leur village et ne connaissent donc pas les réponses à ces questions. Pour les Noirs, c’est devenu quasiment un concours de garder sa nationalité ! Ces pratiques sont humiliantes et arbitraires. Et si vous ne réussissez pas, vous vous voyez refuser la nationalité. Aujourd’hui, nous sommes en train de rassembler les preuves de discrimination pour les faire valoir devant les autorités."
Plusieurs marches pacifistes ont été organisées ces derniers mois pour dénoncer ces pratiques, mais depuis trois jours la tension est montée d’un cran dans la capitale ainsi que dans plusieurs villes de province. Le 27 septembre à Kaédi, dans le sud du pays, des manifestants se sont attaqués à un bus de police. Quelques km plus loin, à Maghama, un groupe d’opposants au recensement a incendié les bureaux de l’état civil et un d’entre eux a été tué par balle alors que des gendarmes tentaient de les disperser.
Pour Yacouba Diakhité de telles tensions peuvent s’expliquer.
Le recensement, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans un pays où les négro-mauritaniens sont perçus comme des métèques alors qu’être né Maure blanc, c’est comme avoir un diplôme. Cette inégalité explique que notre communauté soit moins bien représentée que l’ethnie maure dans l’administration et les instances dirigeantes. Avant de penser à l’unité nationale, le gouvernement devrait se poser la question de l’égalité des chances entre les citoyens".
De son côté, Mohamed Mahmoud Ould Dahi travaille avec des ingénieurs négro-mauritaniens qui ont, selon lui, bénéficié des mêmes chances que les citoyens maures.
Je ne comprends pas le malaise actuel de cette communauté. Mais il n’est pas impossible que certains mécontentements soient instrumentalisés par des organisations politiques. Je n’ai jamais entendu parler du fait que des questions différentes aient pu être posées en fonction de la couleur de peau des citoyens. Si c’était le cas, les négro-mauritaniens ont raison de manifester. Pour autant, rien ne justifie de s’attaquer au bien public comme cela a été le cas ces derniers jours."
Source: France24
En 2009, les autorités mauritaniennes ont décidé d’organiser un recensement avec pour objectif de mettre en place un système biométrique d’identification des citoyens (système qui utilise des caractéristiques physiques, comme les empreintes digitales). Le gouvernement souhaitait ainsi "fiabiliser et sécuriser les documents d'identification nationaux" (passeport et carte d’identité) afin de "lutter contre la fraude". Le coup d’envoi du recensement, nécessaire à la mise en place du nouveau système, a été donné au mois de mai 2011.
"Le pays souffre du trop-plein d'étrangers"
Mohamed Mahmoud Ould Dahi est ingénieur à Radio Mauritanie. Il est membre de l’ethnie maure, majoritaire et arabophone, le reste de la population mauritanienne étant composée de minorités noires africaines, les négro-mauritaniens, qui parlent surtout français. Pour lui, ce recensement est nécessaire pour lutter contre l’immigration illégale.
C’est l’unique façon de remettre de l’ordre dans l’état civil mauritanien, en distinguant les vrais Mauritaniens des étrangers qui ont usurpé la nationalité - comme les Sénégalais et les Maliens qui se sont procurés de fausses pièces d’identité. Le pays souffre de ce trop-plein d’étrangers, qui, en proposant de travailler moins cher, font gonfler le taux de chômage des vrais Mauritaniens."
Des appareils biométriques ont été installés dans les préfectures, où la population est attendue pour se faire enrôler. Mais après les premières semaines, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer certaines pratiques des agents de recensement, jugées discriminatoires pour les négro-mauritaniens.
"Pour les Noirs, garder sa nationalité est quasiment devenu un concours"
Yacouba Diakhité fait partie de cette communauté. Alors qu’il étudiait à Dakar, il a décidé de rentrer en Mauritanie, en juin dernier, pour dénoncer les pratiques abusives des agents de recensement. Il est aujourd’hui l'un des coordinateurs du mouvement "Touche pas à ma nationalité".
Nous avons tout d’abord un souci avec la composition de la commission qui supervise le déroulement de ce recensement. Sur 12 membres, un seul est négro-mauritanien. Par ailleurs, les mêmes questionnaires sont donnés à tous ceux qui se font recenser. Mais ce que nous avons pu constater, c’est que, quand vous êtes Noir, vous avez le droit à bien plus de questions de la part des agents de recensement que les Maures blancs. Des agents ont demandé à certains : "Avez-vous de la famille au Sénégal ?" Sous entendu : quand on est noir, on vient forcément de l’étranger. Certains ont aussi demandé "Connaissez-vous le gouverneur de votre région ?" Comme si la nationalité était maintenant basée sur la connaissance des notables de la province. Le problème, c’est que beaucoup de Mauritaniens ne sont jamais vraiment sortis de leur village et ne connaissent donc pas les réponses à ces questions. Pour les Noirs, c’est devenu quasiment un concours de garder sa nationalité ! Ces pratiques sont humiliantes et arbitraires. Et si vous ne réussissez pas, vous vous voyez refuser la nationalité. Aujourd’hui, nous sommes en train de rassembler les preuves de discrimination pour les faire valoir devant les autorités."
Plusieurs marches pacifistes ont été organisées ces derniers mois pour dénoncer ces pratiques, mais depuis trois jours la tension est montée d’un cran dans la capitale ainsi que dans plusieurs villes de province. Le 27 septembre à Kaédi, dans le sud du pays, des manifestants se sont attaqués à un bus de police. Quelques km plus loin, à Maghama, un groupe d’opposants au recensement a incendié les bureaux de l’état civil et un d’entre eux a été tué par balle alors que des gendarmes tentaient de les disperser.
Pour Yacouba Diakhité de telles tensions peuvent s’expliquer.
Le recensement, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans un pays où les négro-mauritaniens sont perçus comme des métèques alors qu’être né Maure blanc, c’est comme avoir un diplôme. Cette inégalité explique que notre communauté soit moins bien représentée que l’ethnie maure dans l’administration et les instances dirigeantes. Avant de penser à l’unité nationale, le gouvernement devrait se poser la question de l’égalité des chances entre les citoyens".
De son côté, Mohamed Mahmoud Ould Dahi travaille avec des ingénieurs négro-mauritaniens qui ont, selon lui, bénéficié des mêmes chances que les citoyens maures.
Je ne comprends pas le malaise actuel de cette communauté. Mais il n’est pas impossible que certains mécontentements soient instrumentalisés par des organisations politiques. Je n’ai jamais entendu parler du fait que des questions différentes aient pu être posées en fonction de la couleur de peau des citoyens. Si c’était le cas, les négro-mauritaniens ont raison de manifester. Pour autant, rien ne justifie de s’attaquer au bien public comme cela a été le cas ces derniers jours."
Source: France24