Quand le plus vieux d’entre nous a compris que notre destination serait le fort de Oualata, il s’est mis à pleurer. Il ne pouvait pas imaginer que des hommes puissent envoyer d’autres hommes aussi loin. (Extrait du film)
Le Cercle des noyés est le nom donné aux détenus politiques noirs en Mauritanie, enfermés à partir de 1987 dans l’ancien fort colonial de Oualata. Ce film donne à découvrir le délicat travail de mémoire livré par l’un de ces anciens détenus qui se souvient de son histoire et de celle de ses compagnons. En écho, les lieux de leur enfermement se succèdent dans leur nudité, dépouillés des traces de ce passé.
Sortie en France mi-avril
Toutes les infos sur le film : www.gsara.be/cercle
A propos des prémisses et du tournage du film
Pierre-Yves Vandeweerd
Dès 1996, j’ai eu l’occasion de rencontrer régulièrement, à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, des anciens prisonniers politiques, négro-mauritaniens, qui avaient connu l’enfermement dans l’ancien fort colonial de Oualata. Tous avaient participé dans les années 80 à l’émergence des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), un mouvement de dénonciation et de revendication visant à faire respecter en Mauritanie les droits politiques et culturels des populations noires.
A la suite de ces premières rencontres, le désir de faire un film à partir de l’histoire de ces anciens prisonniers politiques est né spontanément. En même temps, j’étais conscient que tant que le régime du Président Ould Taya – celui-là même qui avait décidé de leur exil dans le mouroir de Oualata - demeurerait, rendre public leurs témoignages aurait risqué de les mettre en danger. C’est la raison pour laquelle je leur ai proposé de les revoir sans caméra, aussi souvent que possible, et de recueillir leurs récits de vie et d’enfermement afin que leur histoire ne sombre pas dans l’oubli.
Ainsi, pendant près de huit ans, nous nous sommes rencontrés pour nous livrer, ensemble, à ce travail de mémoire. Nous nous retrouvions souvent la nuit, au domicile de l’un ou de l’autre, pour qu’ils témoignent de leur quotidien à Oualata, du contexte politique et des événements d’alors, de leur vie après leur libération. Dans un premier temps, leurs paroles sont restées dans le registre du factuel. Par la suite, petit à petit, d’autres géographies de leurs mémoires se sont dévoilées. Telle, par exemple, l’évocation d’un univers imaginaire grâce auquel ils réussirent à vaincre leurs conditions de détention : rêves prémonitoires, visions sous le coup de la fièvre ou de la torture, voyages intérieurs nés de psalmodies mystiques, élans poétiques écrits sur le sable.
Plus tard, l’un d’eux, Fara Bâ, a émis le souhait de voir enfin leur histoire racontée sous la forme d’un film. Il disait que depuis leur libération, jamais ils n’avaient été réhabilités par le pouvoir en place et que rien à ce propos ne semblait vouloir changer. Il disait aussi que si ce film ne voyait pas le jour, leur histoire finirait par être oubliée de tous.
Je lui ai alors proposé d’écrire, ensemble, la narration du film : une voix à la première personne, qui serait en même temps la sienne et celles de ses camarades. Un récit aussi sobre que possible, à la fois personnel et universel, dans lequel chaque mot serait essentiel. Une fois achevé, ce texte a été traduit en langue peule. Sa lecture par Fara Bâ lui-même a été enregistrée à Nouakchott, de manière clandestine. La dimension brute de cet enregistrement me semblait importante pour conférer à la narration toute sa spontanéité, son intensité aussi, ainsi que la juste distance entre le ton et son contenu.
Le tournage s’est déroulé en deux temps. Deux fois sept semaines séparées par un intervalle de huit mois au cours desquels, le 03 août 2005, le Président Ould Taya fut renversé par un coup d’état qui permit à la Mauritanie de s’ouvrir sur la voie de la démocratie.
Mon intention cinématographique était de me libérer dès le départ de toute projection scénaristique. Je souhaitais davantage m’engager dans un processus d’écriture continue ; ne pas chercher à imaginer ce qu’il y aurait lieu de filmer mais avoir à tout moment une idée claire de la manière avec laquelle le réel rencontré serait filmé. L’important étant pour moi d’aborder les lieux traversés dans un état d’éveil permanent, capable de me faire percevoir ce que je n’aurais pas appréhendé en dehors du tournage.
Nous n’avions par exemple aucune idée, mon ingénieur du son et moi, des possibilités ou non de nous approcher avec notre matériel du fort de Oualata. Il se fait que lors du premier tournage, le fort qui n’avait presque jamais cessé d’être un lieu de détention, venait depuis peu de cesser d’être une prison. C’est ce qui nous a permis de filmer plus ou moins librement son intérieur. Huit mois plus tard, lors du second tournage, le fort était à nouveau occupé par des militaires ; ce qui nous a obligé à le filmer à distance, à affirmer davantage l’espace qui le sépare de la ville de Oualata et de ses habitants.
D’emblée, j’avais choisi le noir et blanc et les vents de sable comme esthétique et ambiance de tournage ; ceci afin de libérer le film d’un sujet circonscrit dans le temps et dans l’espace pour lui conférer une dimension plus universelle. Par ailleurs, en permettant à chaque plan de se déployer dans le temps, j’ai voulu faire ressentir la distorsion de la temporalité qui habite ceux et celles qui, en Mauritanie ou ailleurs, se retrouvent un jour privés de leur liberté de penser et de se mouvoir, au point d’imaginer le désert et ce qui peut l’entourer – le dehors -, non plus comme un espace ouvert et infini mais comme l’expression de l’enferment, de l’impossibilité d’être soi.
Le visible et l’invisible,
à propos du cinéma de Pierre-Yves Vandeweerd
Jacqueline Aubenas, historienne du cinéma
Le cinéma filme la mort au travail, a-t-on dit. Les derniers films de Pierre-Yves Vandeweerd sont là pour rappeler combien ces deux activités, filmer et disparaître, sont indissociables, découragent l’image, la rendent impossible ou la détournent, dévient son sens, laissent agir la béance du temps. Il y a l’avant et l’après, l’après laissé aux vivants qui à l’aide de mots, de rencontres essaient de comprendre et de combler le vide, de rendre visible l’invisible.
Pierre-Yves Vandeweerd depuis plus de dix ans va en Afrique, en Mauritanie et au Soudan surtout, une Afrique aride qui lutte contre le vent et les sables et comme ailleurs s’épuise dans les guerres et les dictatures. L’humain y est fragile. Les villages comme les arbres disparaissent, les nomades perdent leurs repères et des populations en sursis ou en survie attendent une aide salvatrice, la fin de la faim, le combat contre un Autre hostile.
Un voyage amène des rencontres, suscite des rêves, met le cinéaste devant l’opacité d’un monde d’où il ne ramène que des images désorganisées, transparentes ou de simples souvenirs. Le film ne se fera que lors d’un retour, des années plus tard lorsque justement ce qui a été vu ne sera plus, englouti par la perte enfin perçue, rendu enfin visible par sa disparition même.
Ce travail-là a commencé avec deux films quêtes, Némadis, des années sans nouvelles – coréalisé avec Benoit Mariage - et Racines lointaines. Et une interrogation : est ce que ce qui a été vu et n’a laissé de traces que dans la mémoire appartient bien à l’ordre d’une réalité qui elle peut être filmée, identifiée, consignée dans un plan. Une image pour dire que le temps ne détruit pas si vite, que l’absence de représentation n’est pas irrémédiable. Refuser le statut de fantôme. Le combat harassant contre l’effacement. La force de la figuration, où comme la chèvre de monsieur Seguin qui lutte pour ne pas être dévorée, ce qui est filmé témoigne de la pérennité du vivant. Racines lointaines sanctionnera l’inanité de cette recherche.
Closed district approfondit ce questionnement. Le film était bien là, des séquences faites dans le sud Soudan en 1996. Un village et ses habitants au bord de la guerre enregistrés par un cinéaste qui voulait dénoncer un conflit dont le monde ne se souciait pas. S’il y a image, il y a preuve, information, possibilité d’indignation et d’action. Pourtant les images seules ne font pas sens. C’est ce qu’on en dit, le commentaire qui les situent pour les faire basculer du côté de la vérité ou du mensonge, au gré de son utilisateur. La visibilité ne traverse pas les apparences.
Les plans de 1996 avaient témoigné du visible mais ce n’est que la traduction des chants et des dialogues, c’est-à-dire la machine cinéma au complet qui a pu révéler l’entièreté de ce qui était en train de se passer, la mort au travail. L’image biaisait, transformait en fête ce qui était manifestation du désespoir, déstructuration des codes ou conscience sacrificielle d’un jamais plus. Pierre-Yves Vandewerd avait enregistré la mort mais ce n’est que sa réflexion de cinéaste lentement mûrie qui a révélé le sens profond de ce dispositif filmé parfois avec la brutalité naïve de la bonne conscience.
Le cercle des noyés est un film de revenants, ceux qui n’ont pour témoigner que la survie miraculeuse de leur corps et le courage de leur parole. Il n’y a aujourd’hui que les arrogants et les inconscients pour filmer en direct leur forfait, ceux pour qui l’acte de montrer la violence n’est qu’un geste normal autorisé par la pornographie politique audiovisuelle et les certitudes décervelantes de la propagande. Les dictateurs quels qu’ils soient ont pour accompagner leur œuvre d’oppression, de destruction besoin de silence et d’obscurité. Leur travail ne s’arrange ni du son ni de l’image. Et voilà que le cinéma s’y met, vingt ans après, pour signaler la mort. Un monologue rauque, factuel, implacable. Les mots durs comme des cailloux et simplement les pierres de la prison forteresse pour montrer. Chaque grain de sable accuse. Chaque rêve dénonce. L’aridité du paysage comme métaphore. La distance, le bout du monde comme enfermement. Et les hommes broyés. L’image est celle d’après. Le son est un récit au présent. Mais leur rencontre est celle de la mémoire. Et il n’y a pas de mort sans mémoire. C’est une définition du cinéma : Rendre visible l’invisible.
Des camions et des chameaux
Cyril Neyrat,
Cyril Neyrat,
critique aux cahiers du cinéma
et rédacteur en chef de Vertigo
Tu peux filmer les chameaux, dit au cinéaste l’homme qui prépare à manger dans une petite pièce à l’entrée du fort. Peut-être la pièce dans laquelle 22 prisonniers furent enfermés pendant un mois, comme vient de le dire off la voix de Fara Bâ. Peut-être. L’homme fait signe vers le dehors, par une ouverture percée dans le mur. Les prisonniers voyaient-ils les chameaux que ne cesse de filmer Pierre-Yves Vandeweerd, depuis la scène terriblement douce de l’abattoir, au début du Cercle des Noyés ? Peut-être. Terriblement douces : la voix de Fara Bâ, la succession des plans, baignés d’insignifiance, qui recueillent les bribes du souvenir de la plus dure expérience. Cette statue vivante qui se tient devant nous, muette, dont nous entendons la voix, n’est pas brisée. Sa souveraineté, son calme, sont ceux du film. Un recueillement devant le passé, devant le présent.
Un peu plus loin, l’homme du fort chantonne face au cinéaste. Qui est cet homme, comment ces gestes quotidiens, cette sérénité sans histoire a-t-elle pu prendre la place de la douleur des prisonniers ? Le cercle des noyés expose ce doux scandale de l’oubli, de l’effacement, du temps qui passe et qui égrène un présent sans ressemblance au passé. Après son chant, la voix de Fara Bâ évoque les bruits qui entretenaient à l’oreille des prisonniers le souvenir du monde : de la musique provenant des radios des gardes, le passage d’un camion ou les moindres tournoiements du vent, parfois aussi les battements d’ailes des chauves-souris. Et Fara Bâ de conclure : à force d’être coupée du monde, l’ouïe devient fine. Le cinéaste n’est pas coupé du monde, mais de l’expérience : seul le plus fin des regards percevra les traces de l’expérience, les signes visibles qui, vibrant avec les mots du témoignage, feront lever dans les images du présent le fantôme du passé.
Des camions qui passent, le vent qui tournoie ou file droit et soulève des nuées de sable, les phalènes comme des fusées qui n’éclairent qu’elles-mêmes dans le ciel nocturne. Et des chameaux qui passent ou demeurent dans le plan. Pierre-Yves Vandeweerd ne filme que ça depuis le début. Mais que ça, c’est beaucoup, c’est tout le visible commun au passé et au présent : la matière d’un monde qui n’a pas changé depuis la libération des prisonniers, qui refuse même de porter d’autres traces de leur expérience que ces camions, ce vent sableux, ces rais de lumière dans la nuit.
Comme si d’ailleurs rien de tout cela n’avait existé. Ce sont les derniers mots de Fara Bâ qui explique comment, dès années plus tard, la rencontre de ses ex-bourreaux dans la rue ou dans un magasin ne soulevait nul émoi, nulle demande de pardon ou de réparation, nulle offre d’explication. Ce dernier témoignage jette l’ombre de l’oubli sur tous les visages aperçus dans le film : tous présentent le même anonymat, la même indifférence, la même capacité à masquer un passé, un présent ou un avenir de victime, de bourreau, ou de simple contemporain d’un drame invisible. C’est la terreur du film, derrière sa douceur : le scandale est aujourd’hui sans traces, il était hier invisible, malgré la procession des prisonniers descendant du fort vers le village en contrebas, pour la corvée d’eau. Invisible malgré l’évidence des corps suppliciés, de leurs chutes répétées. Et ces chameaux qui peuplent le premier plan et masquent en partie la silhouette du fort à l’arrière-plan, ces chameaux sont l’image sans âge de l’indifférence et de l’aveuglement volontaire de presque tous les hommes, et de l’impuissance des quelques autres qui ont bien voulu voir et parler.
Des chameaux, des camions, des bourrasques sableuses : ce n’est donc pas seulement ce qui reste, mais tout ce qui a toujours été. Un chant du monde laisse entendre sa plainte derrière le récit du désastre : chant de la tragique indifférence du monde, de la multitude de signes insignifiants avec lesquels il faut tenter, malgré tout, d’écrire un récit, d’imprimer un souvenir.
Si Le Cercle des noyés tire les limites du documentaire vers celles de la poésie, c’est parce que, luttant contre l’indifférence et l’insignifiance, il n’oublie pas d’en faire la matière de son art, et ainsi l’éloge autant que la critique. Comme si le politique ne pouvait venir qu’en second, comme l’effet d’une torsion, d’une hantise d’un poétique premier. Cette torsion, cette hantise, Pierre-Yves Vandeweerd l’accomplit par la somme de trois gestes. 1) Pour écrire, ou dessiner, il faut de l’encre, et le noir-et-blanc la donne, l’extraie des formes-mêmes du visible. 2) Puisque les hommes refusent de voir dans le fort un monument, le film l’érige et le montre pour eux : silhouette rectangulaire, de près ou de loin, de face ou de profil, qui tance le multiple éphémère de sa permanence solitaire dans le plan. Rectangle contre cercle. 3) Faire vibrer les signes, donner parole au monde muet, c’est faire serpenter une voix dans le maquis du visible, dans la poussière sonore : la voix de Fara Bâ, qui semble avoir survécu pour s’ériger en mesure de toutes choses dans les images qu’elle hante.
Le Cercle des noyés, c’est la forme de l’emprisonnement dans les profondeurs du fort, c’est aussi le pli rond de l’onde à la surface, la presque invisible déformation du monde qui se propage, trahit l’engloutissement et laisse subsister la chance de le réparer. Le cinéaste a su rendre sa pellicule –sa bande-vidéo – sensible à ce pli infime du visible, relever le signe et extraire les noyés de l’oubli profond, pour ériger leur mémoire à l’air libre. Un monument fait de sable, de vent, du passage des camions et des chameaux.
Le cinéma, un art de la séparation
Kiyé Simon Luang, Cinéaste et écrivain
S.A.C.R.E. et Filmflamme
L’homme qui raconte se nomme Fara Bâ. Il se tient immobile dans la pénombre, face à la caméra. Dans le silence de sa maison. En retrait du monde. Tandis que sa voix résonne de la splendeur de la langue peule, nous voyons que ses lèvres restent closes. Nous sommes dans le cheminement de ses pensées. A l’intérieur de son histoire. A l’intérieur de son corps. Pendant ce temps, la vie au-dehors suit son cours normal. Nous, spectateurs, venons de cet au-dehors.
Pierre-Yves Vandeweerd, en déployant à travers la voix de Ba Fara, le récit de la répression qui s’est abattue à partir de 1986 sur les opposants politiques négro-mauritaniens, n’omet pas d’en modeler les silences. Il pratique ce qu’en peinture on nomme la réserve, art particulier qui consiste à faire exister les pleins par les vides qui les entourent. Cette réserve n’a rien d’un renoncement à se confronter au monde. Elle est avant tout soucieuse, non pas de distanciation, mais de la distance juste.
Le cercle des noyés frappe l’esprit par la justesse des mots dans leur précision hallucinée, collant au plus près des souvenirs des hommes revenus de l’horreur, et trouble le regard du spectateur par la douce intemporalité de ses images. Et dans ce trouble semblable à celui des rêves éveillés, l’esprit est sans cesse sollicité pour exister en tant que jugement.
La prison de Oualata était un ancien fort colonial : angles droits posés en rupture sur la ligne sinueuse de l’horizon mauritanien. Abstraction géométrique ? Non, réalisme historique. Ou bien encore, ironie de l’histoire inscrite dans le paysage. Sa cruauté.
Les événements évoqués se sont déroulés entre 1986 et 1991. Les images en noir et blanc du film ont été tournées presque vingt ans plus tard. Et si l’essence du cinéma était dans cette non coïncidence des mots et des images, des images et des sons, de l’espace et du temps ? Et si le cinéma était un art de la séparation ? Il incomberait alors au spectateur d’occuper les espaces intermédiaires par son imagination et ses propres expériences.
Temps fort du film : le récit d’un homme qui travailla à la prison de Oualata. Il raconte en langue arabe et d’une voix tranquille cette expérience de pur exil existentiel : il est arrivé sans savoir quel travail il allait accomplir, avant même l’arrivée des premiers prisonniers ; il partageait son temps entre son travail à la prison et sa vie au village ; il ne savait pas ce qu’on faisait subir aux prisonniers à l’intérieur des cellules, mais il les voyait effectuer des travaux forcés à l’extérieur ; il avait pitié d’eux mais il devait obéir aux ordres ; sa responsabilité n’est pas engagée ; il n’était que gardien, il n’était pas bourreau.
De sa propre douleur, et l’on parle ici de la douleur d’un homme qui a enduré la torture, Ba Fara dit qu’elle peut toujours être relativisée a posteriori. En revanche, il désigne une douleur dont il sait qu’elle est absolue : la douleur des autres. L’esthétique du film accompagne ce mouvement vers l’absolu de la douleur. L’absolu de la douleur des autres : une définition possible de l’altérité.
Le texte dit par Fara Bâ a été écrit à deux mains par ce dernier et Pierre-Yves Vandeweerd d’après les récits des autres anciens détenus de la prison de Oualata. C’est-à-dire des autres survivants. Etrange chœur d'une tragédie interprétée par un seul, qui réussit à nous faire entendre les voix de ceux qui sont hors champs, y compris les voix de ceux qui sont morts.
Faire silence
Simone Vannier, Documentaire sur grand écran
Dans le tohu-bohu des commémorations criardes, dont nos sociétés malades sont friandes, soudain un cinéaste décide d’honorer la mémoire de prisonniers mauritaniens avec une manière de faire silence. Le silence du recueillement qu’on doit aux martyrs. Pour accompagner le récit de la détention des intellectuels fondateurs du F.L.A.M.( Forces de Libération Africaines de Mauritanie), Pierre-Yves Vandeweerd choisit une forme méditative qui soit métaphore de leur histoire : ce groupe politique non violent, militait contre la ségrégation des noirs sous le régime du président Ould Taya, et fut emmuré pendant de longues années. Quatre d’entre eux y périrent dont l’écrivain Tène Youssef Gueye.
Ce parti pris audacieux nous fait vivre pas à pas la vie douloureuse des détenus par la seule imprégnation des images. Telles des épures, grâce au choix du noir et blanc qui convoque l’imaginaire, grâce à la rigueur et la nudité de leur composition, elles évoquent l’énigme des lieux, l’angoisse des nuits, la monotonie des jours.
Tout s’ordonne autour de deux idées majeures : l’étirement du temps de la prison, traduit par la durée des plans, la longueur des silences, la fréquence des noirs, la lenteur des mouvements d’appareil qui nous font éprouver la tension de l’attente, le suspens des condamnés dans la totale incertitude de leur destin et le poids de l’obscurité : le film baigne de bout en bout dans un clair obscur inquiétant. Les trouées de jour des paysages extérieurs figurent une vie étrangère qui se déroule à côté, dans un lointain ailleurs perdu. Le plus souvent les plans partent de l’ombre pour se tourner vers la lumière ou bien organisent sa présence comme celle d’un souvenir halluciné : la chose essentielle, vitale dont ces hommes mis à l’ombre sont privés.
Toutes les figures de style au cadre et dans le montage sont convoquées pour nous faire partager, outre le besoin impérieux de revoir le jour, le sentiment d’irréalité qu’inspire la prison. Pour obtenir cette double sensation le cinéaste n’hésite pas à recourir à l’abstraction quand la conduite du récit l’impose. Il nous montre l’imprécision des images floues volées par les détenus dans le camion qui les emmène au fort de Oualata. Trajet ponctué par l’indication des kilomètres parcourus : Km 90, 451, 713, 933, 1283. Autres exemples de plans devenus signes : la danse égarée des phalènes dans la nuit noire, les apparitions purement graphiques de la lune, les découpes géométriques du fort sur le ciel, le sol rocheux devenu matière pure, hostile.
Tout dans la réalisation est imaginé pour nous faire ressentir l’interminable souffrance vécue par les Mauritaniens. Sans maniérisme et avec une tenue exemplaire.
Le rythme même du récitant dont la voix lente, sourde, comme effrayée par la lourdeur de telles révélations, nous raconte l’univers atroce de l’enfermement, de l’humiliation, de la torture, des maladies endémiques. Avec des noirs et de longues pauses comme s’il devait se mettre en apnée pour pouvoir continuer.
Plus diffuse mais perceptible dans la densité des images, le hiératisme des personnages, la gravité des voix, l’idée de la noblesse intrinsèque de vies sacrifiées pour un idéal.
Un film remarquable dont le positionnement est rare dans le documentaire, l’approche métaphysique d’une histoire exemplaire, une vision singulière du monde qui nous touche profondément.
Déjà dans un film antérieur intitulé Racines lointaines, l’auteur s’était essayé à l’appréhension poétique d’une expérience intime qui devenait ainsi universelle. Dans Le cercle des noyés, il atteint dans un exercice difficile une véritable maîtrise. Une fois encore, la surprise d’une écriture de l’indicible – à haut risque – nous vient du documentaire.
Livré au désert
Christine Seghezzi
Comment filmer le passé au présent ? On pourrait avancer que l’image du film de Pierre-Yves Vandeweerd prend en charge le présent, alors que le texte, en voix off, assume le passé. De leur confrontation naît un lien et le présent se place comme un calque sur le passé.
L’évocation d’un cauchemar fait par le narrateur la veille de son arrestation, alors qu’à l’image un chameau est tué en silence, met le film sur la voie du rêve – peut-être le seul moyen de faire face à l’horreur. La distance ainsi obtenue crée l’universalité qui peut relier le propos du film aux camps nazis ou encore à la torture sous la dictature argentine. Le film retrace la topographie d’une des pages les plus sombres de l’histoire de la Mauritanie – celle de l’internement, entre 1986 et 1991, des membres du FLAM (Front de libération africaine de Mauritanie), un groupe qui luttait pour que les noirs soient considérés comme des Mauritaniens à part entière, dans l’ancien fort français de Oualata, aux fins fonds du désert, près de la frontière avec le Mali.
Le texte raconte à la première personne, en langue peule, calmement, sobrement, étape par étape, l’enfer vécu par les prisonniers : arrestation, garde à vue, procès sommaire, transfert à Oualata ; faim, soif, maladies, travail forcé, isolement. « L’ouïe devient très fine », dit la voix – les battements d’ailes d’une chauve-souris, la radio d’un garde, deviennent les seuls moyens de prendre conscience d’une vie ailleurs, ce que le film traduit en alternant son direct et asynchrone, silence du désert, bruit du vent.
Le cinéaste a repris la route de Nouakchott jusqu’à Oualata : km 90, km 459, km 713, km 913, km 1283.
Et l’image montre en noir et blanc les lieux des exactions ; la route ensablée, les voitures et camions, une tente déchirée, quelques rares silhouettes, des arbres… Oualata : un bloc rectangulaire érigé en haut d’une colline en plein milieu du désert. Autour : des chameaux, des ânes, quelques nomades au loin et, toujours des tempêtes de sable. La caméra entre dans le fort, à la rencontre de son garde actuel, seul homme à être approché.
Composée de longs plans-séquences fixes, dépouillés, qui donnent à voir un décor âpre et hostile, l’image, tournée en HD, travaille la matière des paysages : rocs, sable, ombres et lumière. Le choix du noir et blanc place le réel à distance et l’installe dans le passé.
Les plans évoquent mais n’illustrent jamais. C’est un défi périlleux, tenu avec rigueur. On voit des oiseaux voler juste avant que le narrateur énonce l’impossibilité d’une évasion, sans vivre, de ce territoire hostile. L’image devient ainsi réminiscence, souvenir lointain du prisonnier. On plonge dans la mémoire au présent. L’horreur est inscrite dans chaque pierre, chaque grain de sable, sur la route.
Quelques éléments s’ajoutent en contrepoint à cette construction. Les témoignages de la femme d’un ancien prisonnier et celui d’un ancien garde de Oualata scandent le fil du récit. De même, les photographies des anciens détenus : ils rendent les visages aux victimes, les incarnent.
Le film se conclut sur l’image d’un homme, immobile, à contre jour. Le narrateur dit sa libération et son retour à la vie. Il lui arrive de croiser dans la rue un ancien bourreau ou garde. Alors ils se saluent sans jamais évoquer le passé. « On fait comme si, d’ailleurs, tout cela n’avait jamais existé ».
Un jour peut-être, ils pourront en parler. D’ici là, le sable, les pierres, le fort, les ânes et les chameaux témoignent pour eux.
in HORS CHAMP – Quotidien des Etats généraux du film documentaire de Lussas – 26 août 2006
Fragments d’une oeuvre
Serge Meurant, poète et critique de cinéma
Le Cercle des noyés est le nom donné aux prisonniers politiques noirs en Mauritanie, enfermés à partir de 1986 dans l’ancien fort colonial de Oualata. Ba Fara est l'un de ceux-ci. Il a co-écrit avec Pierre-Yves Vandeweerd le récit d'une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine de la Mauritanie. Ce récit, en langue peule, donne au film son intensité et sa dignité. Comme Abdellatif Laabi, le narrateur évoque avec une puissance visionnaire la vie de forçat qu'il partagea avec ses compagnons d'infortune. Aucune humiliation ne leur fut épargnée. Les travaux forcés, les tortures, la faim et la maladie leur furent infligés au cours des années passées sans aucun contact avec le monde extérieur. Les images filmées par Pierre-Yves Vandeweerd soutiennent ce texte sobre et émouvant et s'y superposent, l'épaulent, sans jamais le répéter. Tournées en 2006, elles en constituent l'écho, en restituent les menaces, en dressent le décor. Leur force évocatrice nous mène aux confins de la solitude humaine, au désert, à l'enfermement sans issue. Le travail sur le temps affine ce témoignage et lui confère une valeur universelle. Nulle impuissance à dénoncer le crime en toute lucidité, même si Fara Bâ conclut son récit en disant qu'aujourd'hui, les bourreaux d'hier croisent son chemin sans un regard, « comme si d'ailleurs, rien de tout cela n'avait existé ».
in HORS CHAMP – Quotidien des Etats généraux du film documentaire de Lussas – 26 août 2006
Tourné en Mauritanie, Le Cercle des noyés est d'une foudroyante beauté sur un des sujets les plus graves : l'enfermement arbitraire et la torture. Ces Noirs du Front de libération africaine de Mauritanie (FLAM) qui luttaient pour être considérés comme des citoyens à part entière auront connu entre 1986 et 1991 les pires souffrances dans le bagne édifiant de Oualata, bunker barrant le paysage désertique soumis aux vents. On pense aux ciels d'un John Ford qui envahissaient l'écran : le récit de Ba Fara, sobre, précis, calme et terrible, en peul, à la première personne, devient, comme le titre du film, quasi-mystique lorsque se superposent ces plans-séquences en noir et blanc et vidéo haute définition d'une sourde beauté plastique où les éléments, rocs, sable et vent, rythment le mouvement infigurable des êtres souffrants. Cette esthétique faite d'épure et d'impression n'est ni déplacée ni trahison : elle est au contraire dignité car elle contribue à l'expérience physique d'une mémoire essentielle là où l'oubli légitime encore la perpétuation de l'exclusion, en un lieu où les bourreaux d'hier croisent encore leurs victimes sans un regard, "comme si tout cela n'avait pas existé". Les photos des torturés suffisent à scander leur réalité.
Olivier Barlet
in Africultures « Lussas 2006, les enjeux d’AfricaDoc », 2006
(…) Enfin, ceux qui l’ont vu se souviendront longtemps du splendide film du Belge Pierre-Yves Vandeweerd, Le Cercle des noyés, du nom donné aux prisonniers politiques noirs en Mauritanie, enfermés dans l’ancien fort colonial de Oualata. Images d’une force exceptionnelle, portées par le texte sobre et la voix émouvante de l’un d’entre eux, Ba Fara, qui font éprouver la violence de cet enfermement et sont, à ce titre, un véritable document.
Françoise Arago
in Jeune Afrique – Documentaires polémiques - N° 2382
Fiche technique du film
Image et réalisation Pierre-Yves Vandeweerd
Ecriture du texte Bâ Fara & Pierre-Yves Vandeweerd
Traduction du texte N’Diaye Saïdou Ahmadou dit Galongal Futa
Lecture du texte Bâ Fara
Son Alain Cabaux
Régie Bâ Oumar
Montage image Philippe Boucq
Suivi traduction et sous-titrage N'Diaye Kane
Montage son et mixage Paul Delvoie & Alain Cabaux
Etalonnage Nicolas Perret et Hervé Vanderheyden
Conformation Fabrice Lintermans
Matériel de régie Guy Lacroix
Archives sonores Radio France Internationale (RFI), Catherine Sournin
Sous-titrage Roberto Ayllon et Tjomas Bouffioulx
Une production Cobra Films, Anne Deligne, Daniel De Valck - Zeugma Films, Michel David
En coproduction avec Images Plus, Dominique Renauld - Gsara, Katy Dekeyser, Annick Ghijzelings, Jean-Pierre Tilman, CBA, Kathleen de Béthune - Les Ateliers du Laziri, Marie-Cécile Jamart.
Avec l’aide du Centre du Cinéma de la Communauté française de Belgique et des télédistributeurs wallons, de la Loterie Nationale et de la Région Bruxelles-Capitale, du Centre National de la Cinématographie, de la Procirep-société des producteurs et de l’Angoa, du Programme Media de la Commission Européenne
Distribution France Zeugma films 7 rue Ganneron 75018 Paris
Contact : Marianne Geslin, Michel David +33 1 43 87 00 54
zeugma-films@noos.fr / mariannegeslin@yahoo.com
Belgique Disc 26 rue du Marteau 1210 Bruxelles
Contact : Annick Ghijzelings +32 2 250 13 14
info@disc.be
BIO-FILMOGRAPHIE DU REALISATEUR
Pierre-Yves Vandeweerd
Pierre-Yves Vandeweerd est un cinéaste belge. Ses films s’inscrivent dans le cinéma du réel et ont été, pour la plupart, tournés en Afrique : en Mauritanie (Némadis / Némadis, des années sans nouvelles / Racines lointaines / Le cercle des noyés), au Soudan (Closed district), au Congo (Sida d’ici et de là-bas).
Né de la rencontre, parfois aussi de la confrontation avec le réel, son cinéma tente de (re)tisser des liens entre les hommes et le monde, entre des histoires singulières et universelles. A la fois esthétiques, philosophiques et poétiques, ses documentaires sont autant de questionnements sur le monde et ses enjeux, sur l’existence ici et ailleurs.
Après des études en Information, Journalisme et Communication, ainsi qu’en Anthropologie et Civilisations africaines, Pierre-Yves Vandeweerd a enseigné, jusqu’en 2003, comme assistant à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles. Il devient ensuite, dès 2004, chargé de cours et de projet au Media Centre de Dakar, où il va développer, dans le cadre de la coopération bilatérale entre la Communauté française de Belgique, la Région wallonne et le Sénégal, une résidence annuelle d’écriture et de réalisation documentaire destinée à des jeunes cinéastes sénégalais.
Depuis 1998, il est également co-directeur des 8ème, 9ème, 10ème, 11ème et 12ème éditions du festival biennal du cinéma documentaire de la Communauté française de Belgique : Filmer à tout prix.
Le cercle des noyés
2007 – N&b - 71’ - Cobra films / Zeugma films
Closed districts
2004 – N&B – 55’ – Gsara
Festivals (entre autres): Etats généraux du documentaire à Lussas (France) / Festival international du Film francophone de Namur (Belgique) / Festival Argos (Belgique) / Escales Documentaires de La Rochelle (France) + décentralisations à La couarde sur Mer, à Tonnay Boutonne, à Jonzac / Festival International du Film d'Amiens (France) / Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (Canada) / Songe d'une nuit DV (France) / Les Ecrans documentaires de Arcueil (France) / Festival du Film de Quartier (Sénégal) / Festival international du film de Ouidah - Quintessence (Bénin) / FIPA – Biaritz (France) / Festival international du Film de Fribourg (Suisse) / Sans canal fixe (France) / Rencontres Cinéma de Manosque (France) / Festival Le Fonds et la Forme (France) / Fespaco (Burkina-Faso) / Festival International des Droits Humains – Genève (France) / Vues d'Afrique (Montréal) / 3ème festival des Droits de l'Homme – Paris (France) / One World Festival (Prague) / Mon beau soucis à Orléan (France) / Festival Résistances (France) / Festival du film ethnographique de Caen (France), Festival international du Film de Milan (Italie), 15ème Quinzaine du Cinéma francophone (Paris),…
Prix :
1er Prix aux Escales Documentaires de La Rochelle (France)
1er Prix au Festival Quintessence à Ouidah (Bénin)
Prix du Meilleur Film pour la Mémoire des Droits de l'Homme au 4ème FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DES DROITS DE L'HOMME à Paris
Mention spéciale du jury au FIPA à Biarritz
Racines lointaines
2002 - couleur – 75’ – Cobra films
Festivals (entre autres) : Ouverture de la section documentaire au Festival International du Film francophone de Namur (Belgique) / Rencontres cinématographiques de Dakar - RECIDAK (Sénégal) / FESPACO (Burkina-Faso) / Festival international du Film de Milan (Italie) / Vues d’Afrique (Canada) / Doc Lisboa (Portugal) / Festival international du Film documentaire de Münich – Dok Fest. (Allemagne) / Médias Nord-Sud (Suisse) / Festival du Film documentaire de St Pétersbourg (Russie) / Etats généraux du documentaire de Lussas (France) / Les Ecrans documentaires de Gentilly (France) / Festival Songes d’une nuit DV (France) / Festival Jihlava (Tchéquie) / Festival du Cinéma des Utopies (France) / Objectif DOC 6ème édition – Paris (France), Rencontres cinématographiques de Cerbère (France),…
Prix :
1er Prix aux RECIDAK (Rencontres cinématographiques de Dakar)
Prix Long métrage aux Rencontres cinématographiques de Cerbère
Nemadis, des années sans nouvelles
co-réalisé avec Benoît Mariage – 2000 – couleur – 52’ – Les Ateliers du Laziri
Festivals (entre autres) : Festival Cinéma du Réel (France) / Festival International du Film Francophone de Namur (Belgique) / Festival International du Film de Bruxelles – Prix Henri Storck (Belgique) / Viewpoint Film Festival (Belgique) / Festival du Film de Cracovie (Pologne) / Rencontres cinématographiques de Gindou (France) / Festival du Film de Kalamata (Grèce) / Eco, Ethno, Folk Film Festival (Roumanie) / Prix Europa, Television (Allemagne) / Vues d’Afrique (Canada) / Festival International du Film d’Amiens (France) / Moviemiento de Documentalistas (Argentine) / ...
Sida, d’ici et de là-bas
1998 – couleur – 52’ – Gsara
Festivals (entre autres) : Festival International du Film Francophone de Namur (Belgique), Vues d’Afrique (Canada), Festival des Droits de l’Homme (Belgique), Festival International du Film d’Amiens (France), Festival Résistances (France), Media nord-sud Genève (Suisse), FESPACO (Burkina-Faso),…
Prix
1er Prix au FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur)
1er Prix à Vues d’Afrique (Montréal)
Prix Bruno Mersch 1998
Nemadis (co-réalisé avec Benoît Mariage) – 1994 – couleur – 40’
in Jeune Afrique – Documentaires polémiques - N° 2382
1998 – couleur – 52’ – Gsara
co-réalisé avec Benoît Mariage – 2000 – couleur – 52’ – Les Ateliers du Laziri
2002 - couleur – 75’ – Cobra films
S.A.C.R.E. et Filmflamme
Note: Info source : Mamadou DIAGANA
Le Cercle des noyés est le nom donné aux détenus politiques noirs en Mauritanie, enfermés à partir de 1987 dans l’ancien fort colonial de Oualata. Ce film donne à découvrir le délicat travail de mémoire livré par l’un de ces anciens détenus qui se souvient de son histoire et de celle de ses compagnons. En écho, les lieux de leur enfermement se succèdent dans leur nudité, dépouillés des traces de ce passé.
Sortie en France mi-avril
Toutes les infos sur le film : www.gsara.be/cercle
A propos des prémisses et du tournage du film
Pierre-Yves Vandeweerd
Dès 1996, j’ai eu l’occasion de rencontrer régulièrement, à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, des anciens prisonniers politiques, négro-mauritaniens, qui avaient connu l’enfermement dans l’ancien fort colonial de Oualata. Tous avaient participé dans les années 80 à l’émergence des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM), un mouvement de dénonciation et de revendication visant à faire respecter en Mauritanie les droits politiques et culturels des populations noires.
A la suite de ces premières rencontres, le désir de faire un film à partir de l’histoire de ces anciens prisonniers politiques est né spontanément. En même temps, j’étais conscient que tant que le régime du Président Ould Taya – celui-là même qui avait décidé de leur exil dans le mouroir de Oualata - demeurerait, rendre public leurs témoignages aurait risqué de les mettre en danger. C’est la raison pour laquelle je leur ai proposé de les revoir sans caméra, aussi souvent que possible, et de recueillir leurs récits de vie et d’enfermement afin que leur histoire ne sombre pas dans l’oubli.
Ainsi, pendant près de huit ans, nous nous sommes rencontrés pour nous livrer, ensemble, à ce travail de mémoire. Nous nous retrouvions souvent la nuit, au domicile de l’un ou de l’autre, pour qu’ils témoignent de leur quotidien à Oualata, du contexte politique et des événements d’alors, de leur vie après leur libération. Dans un premier temps, leurs paroles sont restées dans le registre du factuel. Par la suite, petit à petit, d’autres géographies de leurs mémoires se sont dévoilées. Telle, par exemple, l’évocation d’un univers imaginaire grâce auquel ils réussirent à vaincre leurs conditions de détention : rêves prémonitoires, visions sous le coup de la fièvre ou de la torture, voyages intérieurs nés de psalmodies mystiques, élans poétiques écrits sur le sable.
Plus tard, l’un d’eux, Fara Bâ, a émis le souhait de voir enfin leur histoire racontée sous la forme d’un film. Il disait que depuis leur libération, jamais ils n’avaient été réhabilités par le pouvoir en place et que rien à ce propos ne semblait vouloir changer. Il disait aussi que si ce film ne voyait pas le jour, leur histoire finirait par être oubliée de tous.
Je lui ai alors proposé d’écrire, ensemble, la narration du film : une voix à la première personne, qui serait en même temps la sienne et celles de ses camarades. Un récit aussi sobre que possible, à la fois personnel et universel, dans lequel chaque mot serait essentiel. Une fois achevé, ce texte a été traduit en langue peule. Sa lecture par Fara Bâ lui-même a été enregistrée à Nouakchott, de manière clandestine. La dimension brute de cet enregistrement me semblait importante pour conférer à la narration toute sa spontanéité, son intensité aussi, ainsi que la juste distance entre le ton et son contenu.
Le tournage s’est déroulé en deux temps. Deux fois sept semaines séparées par un intervalle de huit mois au cours desquels, le 03 août 2005, le Président Ould Taya fut renversé par un coup d’état qui permit à la Mauritanie de s’ouvrir sur la voie de la démocratie.
Mon intention cinématographique était de me libérer dès le départ de toute projection scénaristique. Je souhaitais davantage m’engager dans un processus d’écriture continue ; ne pas chercher à imaginer ce qu’il y aurait lieu de filmer mais avoir à tout moment une idée claire de la manière avec laquelle le réel rencontré serait filmé. L’important étant pour moi d’aborder les lieux traversés dans un état d’éveil permanent, capable de me faire percevoir ce que je n’aurais pas appréhendé en dehors du tournage.
Nous n’avions par exemple aucune idée, mon ingénieur du son et moi, des possibilités ou non de nous approcher avec notre matériel du fort de Oualata. Il se fait que lors du premier tournage, le fort qui n’avait presque jamais cessé d’être un lieu de détention, venait depuis peu de cesser d’être une prison. C’est ce qui nous a permis de filmer plus ou moins librement son intérieur. Huit mois plus tard, lors du second tournage, le fort était à nouveau occupé par des militaires ; ce qui nous a obligé à le filmer à distance, à affirmer davantage l’espace qui le sépare de la ville de Oualata et de ses habitants.
D’emblée, j’avais choisi le noir et blanc et les vents de sable comme esthétique et ambiance de tournage ; ceci afin de libérer le film d’un sujet circonscrit dans le temps et dans l’espace pour lui conférer une dimension plus universelle. Par ailleurs, en permettant à chaque plan de se déployer dans le temps, j’ai voulu faire ressentir la distorsion de la temporalité qui habite ceux et celles qui, en Mauritanie ou ailleurs, se retrouvent un jour privés de leur liberté de penser et de se mouvoir, au point d’imaginer le désert et ce qui peut l’entourer – le dehors -, non plus comme un espace ouvert et infini mais comme l’expression de l’enferment, de l’impossibilité d’être soi.
Le visible et l’invisible,
à propos du cinéma de Pierre-Yves Vandeweerd
Jacqueline Aubenas, historienne du cinéma
Le cinéma filme la mort au travail, a-t-on dit. Les derniers films de Pierre-Yves Vandeweerd sont là pour rappeler combien ces deux activités, filmer et disparaître, sont indissociables, découragent l’image, la rendent impossible ou la détournent, dévient son sens, laissent agir la béance du temps. Il y a l’avant et l’après, l’après laissé aux vivants qui à l’aide de mots, de rencontres essaient de comprendre et de combler le vide, de rendre visible l’invisible.
Pierre-Yves Vandeweerd depuis plus de dix ans va en Afrique, en Mauritanie et au Soudan surtout, une Afrique aride qui lutte contre le vent et les sables et comme ailleurs s’épuise dans les guerres et les dictatures. L’humain y est fragile. Les villages comme les arbres disparaissent, les nomades perdent leurs repères et des populations en sursis ou en survie attendent une aide salvatrice, la fin de la faim, le combat contre un Autre hostile.
Un voyage amène des rencontres, suscite des rêves, met le cinéaste devant l’opacité d’un monde d’où il ne ramène que des images désorganisées, transparentes ou de simples souvenirs. Le film ne se fera que lors d’un retour, des années plus tard lorsque justement ce qui a été vu ne sera plus, englouti par la perte enfin perçue, rendu enfin visible par sa disparition même.
Ce travail-là a commencé avec deux films quêtes, Némadis, des années sans nouvelles – coréalisé avec Benoit Mariage - et Racines lointaines. Et une interrogation : est ce que ce qui a été vu et n’a laissé de traces que dans la mémoire appartient bien à l’ordre d’une réalité qui elle peut être filmée, identifiée, consignée dans un plan. Une image pour dire que le temps ne détruit pas si vite, que l’absence de représentation n’est pas irrémédiable. Refuser le statut de fantôme. Le combat harassant contre l’effacement. La force de la figuration, où comme la chèvre de monsieur Seguin qui lutte pour ne pas être dévorée, ce qui est filmé témoigne de la pérennité du vivant. Racines lointaines sanctionnera l’inanité de cette recherche.
Closed district approfondit ce questionnement. Le film était bien là, des séquences faites dans le sud Soudan en 1996. Un village et ses habitants au bord de la guerre enregistrés par un cinéaste qui voulait dénoncer un conflit dont le monde ne se souciait pas. S’il y a image, il y a preuve, information, possibilité d’indignation et d’action. Pourtant les images seules ne font pas sens. C’est ce qu’on en dit, le commentaire qui les situent pour les faire basculer du côté de la vérité ou du mensonge, au gré de son utilisateur. La visibilité ne traverse pas les apparences.
Les plans de 1996 avaient témoigné du visible mais ce n’est que la traduction des chants et des dialogues, c’est-à-dire la machine cinéma au complet qui a pu révéler l’entièreté de ce qui était en train de se passer, la mort au travail. L’image biaisait, transformait en fête ce qui était manifestation du désespoir, déstructuration des codes ou conscience sacrificielle d’un jamais plus. Pierre-Yves Vandewerd avait enregistré la mort mais ce n’est que sa réflexion de cinéaste lentement mûrie qui a révélé le sens profond de ce dispositif filmé parfois avec la brutalité naïve de la bonne conscience.
Le cercle des noyés est un film de revenants, ceux qui n’ont pour témoigner que la survie miraculeuse de leur corps et le courage de leur parole. Il n’y a aujourd’hui que les arrogants et les inconscients pour filmer en direct leur forfait, ceux pour qui l’acte de montrer la violence n’est qu’un geste normal autorisé par la pornographie politique audiovisuelle et les certitudes décervelantes de la propagande. Les dictateurs quels qu’ils soient ont pour accompagner leur œuvre d’oppression, de destruction besoin de silence et d’obscurité. Leur travail ne s’arrange ni du son ni de l’image. Et voilà que le cinéma s’y met, vingt ans après, pour signaler la mort. Un monologue rauque, factuel, implacable. Les mots durs comme des cailloux et simplement les pierres de la prison forteresse pour montrer. Chaque grain de sable accuse. Chaque rêve dénonce. L’aridité du paysage comme métaphore. La distance, le bout du monde comme enfermement. Et les hommes broyés. L’image est celle d’après. Le son est un récit au présent. Mais leur rencontre est celle de la mémoire. Et il n’y a pas de mort sans mémoire. C’est une définition du cinéma : Rendre visible l’invisible.
Des camions et des chameaux
Cyril Neyrat,
Cyril Neyrat,
critique aux cahiers du cinéma
et rédacteur en chef de Vertigo
Tu peux filmer les chameaux, dit au cinéaste l’homme qui prépare à manger dans une petite pièce à l’entrée du fort. Peut-être la pièce dans laquelle 22 prisonniers furent enfermés pendant un mois, comme vient de le dire off la voix de Fara Bâ. Peut-être. L’homme fait signe vers le dehors, par une ouverture percée dans le mur. Les prisonniers voyaient-ils les chameaux que ne cesse de filmer Pierre-Yves Vandeweerd, depuis la scène terriblement douce de l’abattoir, au début du Cercle des Noyés ? Peut-être. Terriblement douces : la voix de Fara Bâ, la succession des plans, baignés d’insignifiance, qui recueillent les bribes du souvenir de la plus dure expérience. Cette statue vivante qui se tient devant nous, muette, dont nous entendons la voix, n’est pas brisée. Sa souveraineté, son calme, sont ceux du film. Un recueillement devant le passé, devant le présent.
Un peu plus loin, l’homme du fort chantonne face au cinéaste. Qui est cet homme, comment ces gestes quotidiens, cette sérénité sans histoire a-t-elle pu prendre la place de la douleur des prisonniers ? Le cercle des noyés expose ce doux scandale de l’oubli, de l’effacement, du temps qui passe et qui égrène un présent sans ressemblance au passé. Après son chant, la voix de Fara Bâ évoque les bruits qui entretenaient à l’oreille des prisonniers le souvenir du monde : de la musique provenant des radios des gardes, le passage d’un camion ou les moindres tournoiements du vent, parfois aussi les battements d’ailes des chauves-souris. Et Fara Bâ de conclure : à force d’être coupée du monde, l’ouïe devient fine. Le cinéaste n’est pas coupé du monde, mais de l’expérience : seul le plus fin des regards percevra les traces de l’expérience, les signes visibles qui, vibrant avec les mots du témoignage, feront lever dans les images du présent le fantôme du passé.
Des camions qui passent, le vent qui tournoie ou file droit et soulève des nuées de sable, les phalènes comme des fusées qui n’éclairent qu’elles-mêmes dans le ciel nocturne. Et des chameaux qui passent ou demeurent dans le plan. Pierre-Yves Vandeweerd ne filme que ça depuis le début. Mais que ça, c’est beaucoup, c’est tout le visible commun au passé et au présent : la matière d’un monde qui n’a pas changé depuis la libération des prisonniers, qui refuse même de porter d’autres traces de leur expérience que ces camions, ce vent sableux, ces rais de lumière dans la nuit.
Comme si d’ailleurs rien de tout cela n’avait existé. Ce sont les derniers mots de Fara Bâ qui explique comment, dès années plus tard, la rencontre de ses ex-bourreaux dans la rue ou dans un magasin ne soulevait nul émoi, nulle demande de pardon ou de réparation, nulle offre d’explication. Ce dernier témoignage jette l’ombre de l’oubli sur tous les visages aperçus dans le film : tous présentent le même anonymat, la même indifférence, la même capacité à masquer un passé, un présent ou un avenir de victime, de bourreau, ou de simple contemporain d’un drame invisible. C’est la terreur du film, derrière sa douceur : le scandale est aujourd’hui sans traces, il était hier invisible, malgré la procession des prisonniers descendant du fort vers le village en contrebas, pour la corvée d’eau. Invisible malgré l’évidence des corps suppliciés, de leurs chutes répétées. Et ces chameaux qui peuplent le premier plan et masquent en partie la silhouette du fort à l’arrière-plan, ces chameaux sont l’image sans âge de l’indifférence et de l’aveuglement volontaire de presque tous les hommes, et de l’impuissance des quelques autres qui ont bien voulu voir et parler.
Des chameaux, des camions, des bourrasques sableuses : ce n’est donc pas seulement ce qui reste, mais tout ce qui a toujours été. Un chant du monde laisse entendre sa plainte derrière le récit du désastre : chant de la tragique indifférence du monde, de la multitude de signes insignifiants avec lesquels il faut tenter, malgré tout, d’écrire un récit, d’imprimer un souvenir.
Si Le Cercle des noyés tire les limites du documentaire vers celles de la poésie, c’est parce que, luttant contre l’indifférence et l’insignifiance, il n’oublie pas d’en faire la matière de son art, et ainsi l’éloge autant que la critique. Comme si le politique ne pouvait venir qu’en second, comme l’effet d’une torsion, d’une hantise d’un poétique premier. Cette torsion, cette hantise, Pierre-Yves Vandeweerd l’accomplit par la somme de trois gestes. 1) Pour écrire, ou dessiner, il faut de l’encre, et le noir-et-blanc la donne, l’extraie des formes-mêmes du visible. 2) Puisque les hommes refusent de voir dans le fort un monument, le film l’érige et le montre pour eux : silhouette rectangulaire, de près ou de loin, de face ou de profil, qui tance le multiple éphémère de sa permanence solitaire dans le plan. Rectangle contre cercle. 3) Faire vibrer les signes, donner parole au monde muet, c’est faire serpenter une voix dans le maquis du visible, dans la poussière sonore : la voix de Fara Bâ, qui semble avoir survécu pour s’ériger en mesure de toutes choses dans les images qu’elle hante.
Le Cercle des noyés, c’est la forme de l’emprisonnement dans les profondeurs du fort, c’est aussi le pli rond de l’onde à la surface, la presque invisible déformation du monde qui se propage, trahit l’engloutissement et laisse subsister la chance de le réparer. Le cinéaste a su rendre sa pellicule –sa bande-vidéo – sensible à ce pli infime du visible, relever le signe et extraire les noyés de l’oubli profond, pour ériger leur mémoire à l’air libre. Un monument fait de sable, de vent, du passage des camions et des chameaux.
Le cinéma, un art de la séparation
Kiyé Simon Luang, Cinéaste et écrivain
S.A.C.R.E. et Filmflamme
L’homme qui raconte se nomme Fara Bâ. Il se tient immobile dans la pénombre, face à la caméra. Dans le silence de sa maison. En retrait du monde. Tandis que sa voix résonne de la splendeur de la langue peule, nous voyons que ses lèvres restent closes. Nous sommes dans le cheminement de ses pensées. A l’intérieur de son histoire. A l’intérieur de son corps. Pendant ce temps, la vie au-dehors suit son cours normal. Nous, spectateurs, venons de cet au-dehors.
Pierre-Yves Vandeweerd, en déployant à travers la voix de Ba Fara, le récit de la répression qui s’est abattue à partir de 1986 sur les opposants politiques négro-mauritaniens, n’omet pas d’en modeler les silences. Il pratique ce qu’en peinture on nomme la réserve, art particulier qui consiste à faire exister les pleins par les vides qui les entourent. Cette réserve n’a rien d’un renoncement à se confronter au monde. Elle est avant tout soucieuse, non pas de distanciation, mais de la distance juste.
Le cercle des noyés frappe l’esprit par la justesse des mots dans leur précision hallucinée, collant au plus près des souvenirs des hommes revenus de l’horreur, et trouble le regard du spectateur par la douce intemporalité de ses images. Et dans ce trouble semblable à celui des rêves éveillés, l’esprit est sans cesse sollicité pour exister en tant que jugement.
La prison de Oualata était un ancien fort colonial : angles droits posés en rupture sur la ligne sinueuse de l’horizon mauritanien. Abstraction géométrique ? Non, réalisme historique. Ou bien encore, ironie de l’histoire inscrite dans le paysage. Sa cruauté.
Les événements évoqués se sont déroulés entre 1986 et 1991. Les images en noir et blanc du film ont été tournées presque vingt ans plus tard. Et si l’essence du cinéma était dans cette non coïncidence des mots et des images, des images et des sons, de l’espace et du temps ? Et si le cinéma était un art de la séparation ? Il incomberait alors au spectateur d’occuper les espaces intermédiaires par son imagination et ses propres expériences.
Temps fort du film : le récit d’un homme qui travailla à la prison de Oualata. Il raconte en langue arabe et d’une voix tranquille cette expérience de pur exil existentiel : il est arrivé sans savoir quel travail il allait accomplir, avant même l’arrivée des premiers prisonniers ; il partageait son temps entre son travail à la prison et sa vie au village ; il ne savait pas ce qu’on faisait subir aux prisonniers à l’intérieur des cellules, mais il les voyait effectuer des travaux forcés à l’extérieur ; il avait pitié d’eux mais il devait obéir aux ordres ; sa responsabilité n’est pas engagée ; il n’était que gardien, il n’était pas bourreau.
De sa propre douleur, et l’on parle ici de la douleur d’un homme qui a enduré la torture, Ba Fara dit qu’elle peut toujours être relativisée a posteriori. En revanche, il désigne une douleur dont il sait qu’elle est absolue : la douleur des autres. L’esthétique du film accompagne ce mouvement vers l’absolu de la douleur. L’absolu de la douleur des autres : une définition possible de l’altérité.
Le texte dit par Fara Bâ a été écrit à deux mains par ce dernier et Pierre-Yves Vandeweerd d’après les récits des autres anciens détenus de la prison de Oualata. C’est-à-dire des autres survivants. Etrange chœur d'une tragédie interprétée par un seul, qui réussit à nous faire entendre les voix de ceux qui sont hors champs, y compris les voix de ceux qui sont morts.
Faire silence
Simone Vannier, Documentaire sur grand écran
Dans le tohu-bohu des commémorations criardes, dont nos sociétés malades sont friandes, soudain un cinéaste décide d’honorer la mémoire de prisonniers mauritaniens avec une manière de faire silence. Le silence du recueillement qu’on doit aux martyrs. Pour accompagner le récit de la détention des intellectuels fondateurs du F.L.A.M.( Forces de Libération Africaines de Mauritanie), Pierre-Yves Vandeweerd choisit une forme méditative qui soit métaphore de leur histoire : ce groupe politique non violent, militait contre la ségrégation des noirs sous le régime du président Ould Taya, et fut emmuré pendant de longues années. Quatre d’entre eux y périrent dont l’écrivain Tène Youssef Gueye.
Ce parti pris audacieux nous fait vivre pas à pas la vie douloureuse des détenus par la seule imprégnation des images. Telles des épures, grâce au choix du noir et blanc qui convoque l’imaginaire, grâce à la rigueur et la nudité de leur composition, elles évoquent l’énigme des lieux, l’angoisse des nuits, la monotonie des jours.
Tout s’ordonne autour de deux idées majeures : l’étirement du temps de la prison, traduit par la durée des plans, la longueur des silences, la fréquence des noirs, la lenteur des mouvements d’appareil qui nous font éprouver la tension de l’attente, le suspens des condamnés dans la totale incertitude de leur destin et le poids de l’obscurité : le film baigne de bout en bout dans un clair obscur inquiétant. Les trouées de jour des paysages extérieurs figurent une vie étrangère qui se déroule à côté, dans un lointain ailleurs perdu. Le plus souvent les plans partent de l’ombre pour se tourner vers la lumière ou bien organisent sa présence comme celle d’un souvenir halluciné : la chose essentielle, vitale dont ces hommes mis à l’ombre sont privés.
Toutes les figures de style au cadre et dans le montage sont convoquées pour nous faire partager, outre le besoin impérieux de revoir le jour, le sentiment d’irréalité qu’inspire la prison. Pour obtenir cette double sensation le cinéaste n’hésite pas à recourir à l’abstraction quand la conduite du récit l’impose. Il nous montre l’imprécision des images floues volées par les détenus dans le camion qui les emmène au fort de Oualata. Trajet ponctué par l’indication des kilomètres parcourus : Km 90, 451, 713, 933, 1283. Autres exemples de plans devenus signes : la danse égarée des phalènes dans la nuit noire, les apparitions purement graphiques de la lune, les découpes géométriques du fort sur le ciel, le sol rocheux devenu matière pure, hostile.
Tout dans la réalisation est imaginé pour nous faire ressentir l’interminable souffrance vécue par les Mauritaniens. Sans maniérisme et avec une tenue exemplaire.
Le rythme même du récitant dont la voix lente, sourde, comme effrayée par la lourdeur de telles révélations, nous raconte l’univers atroce de l’enfermement, de l’humiliation, de la torture, des maladies endémiques. Avec des noirs et de longues pauses comme s’il devait se mettre en apnée pour pouvoir continuer.
Plus diffuse mais perceptible dans la densité des images, le hiératisme des personnages, la gravité des voix, l’idée de la noblesse intrinsèque de vies sacrifiées pour un idéal.
Un film remarquable dont le positionnement est rare dans le documentaire, l’approche métaphysique d’une histoire exemplaire, une vision singulière du monde qui nous touche profondément.
Déjà dans un film antérieur intitulé Racines lointaines, l’auteur s’était essayé à l’appréhension poétique d’une expérience intime qui devenait ainsi universelle. Dans Le cercle des noyés, il atteint dans un exercice difficile une véritable maîtrise. Une fois encore, la surprise d’une écriture de l’indicible – à haut risque – nous vient du documentaire.
Livré au désert
Christine Seghezzi
Comment filmer le passé au présent ? On pourrait avancer que l’image du film de Pierre-Yves Vandeweerd prend en charge le présent, alors que le texte, en voix off, assume le passé. De leur confrontation naît un lien et le présent se place comme un calque sur le passé.
L’évocation d’un cauchemar fait par le narrateur la veille de son arrestation, alors qu’à l’image un chameau est tué en silence, met le film sur la voie du rêve – peut-être le seul moyen de faire face à l’horreur. La distance ainsi obtenue crée l’universalité qui peut relier le propos du film aux camps nazis ou encore à la torture sous la dictature argentine. Le film retrace la topographie d’une des pages les plus sombres de l’histoire de la Mauritanie – celle de l’internement, entre 1986 et 1991, des membres du FLAM (Front de libération africaine de Mauritanie), un groupe qui luttait pour que les noirs soient considérés comme des Mauritaniens à part entière, dans l’ancien fort français de Oualata, aux fins fonds du désert, près de la frontière avec le Mali.
Le texte raconte à la première personne, en langue peule, calmement, sobrement, étape par étape, l’enfer vécu par les prisonniers : arrestation, garde à vue, procès sommaire, transfert à Oualata ; faim, soif, maladies, travail forcé, isolement. « L’ouïe devient très fine », dit la voix – les battements d’ailes d’une chauve-souris, la radio d’un garde, deviennent les seuls moyens de prendre conscience d’une vie ailleurs, ce que le film traduit en alternant son direct et asynchrone, silence du désert, bruit du vent.
Le cinéaste a repris la route de Nouakchott jusqu’à Oualata : km 90, km 459, km 713, km 913, km 1283.
Et l’image montre en noir et blanc les lieux des exactions ; la route ensablée, les voitures et camions, une tente déchirée, quelques rares silhouettes, des arbres… Oualata : un bloc rectangulaire érigé en haut d’une colline en plein milieu du désert. Autour : des chameaux, des ânes, quelques nomades au loin et, toujours des tempêtes de sable. La caméra entre dans le fort, à la rencontre de son garde actuel, seul homme à être approché.
Composée de longs plans-séquences fixes, dépouillés, qui donnent à voir un décor âpre et hostile, l’image, tournée en HD, travaille la matière des paysages : rocs, sable, ombres et lumière. Le choix du noir et blanc place le réel à distance et l’installe dans le passé.
Les plans évoquent mais n’illustrent jamais. C’est un défi périlleux, tenu avec rigueur. On voit des oiseaux voler juste avant que le narrateur énonce l’impossibilité d’une évasion, sans vivre, de ce territoire hostile. L’image devient ainsi réminiscence, souvenir lointain du prisonnier. On plonge dans la mémoire au présent. L’horreur est inscrite dans chaque pierre, chaque grain de sable, sur la route.
Quelques éléments s’ajoutent en contrepoint à cette construction. Les témoignages de la femme d’un ancien prisonnier et celui d’un ancien garde de Oualata scandent le fil du récit. De même, les photographies des anciens détenus : ils rendent les visages aux victimes, les incarnent.
Le film se conclut sur l’image d’un homme, immobile, à contre jour. Le narrateur dit sa libération et son retour à la vie. Il lui arrive de croiser dans la rue un ancien bourreau ou garde. Alors ils se saluent sans jamais évoquer le passé. « On fait comme si, d’ailleurs, tout cela n’avait jamais existé ».
Un jour peut-être, ils pourront en parler. D’ici là, le sable, les pierres, le fort, les ânes et les chameaux témoignent pour eux.
in HORS CHAMP – Quotidien des Etats généraux du film documentaire de Lussas – 26 août 2006
Fragments d’une oeuvre
Serge Meurant, poète et critique de cinéma
Le Cercle des noyés est le nom donné aux prisonniers politiques noirs en Mauritanie, enfermés à partir de 1986 dans l’ancien fort colonial de Oualata. Ba Fara est l'un de ceux-ci. Il a co-écrit avec Pierre-Yves Vandeweerd le récit d'une des pages les plus sombres de l’histoire contemporaine de la Mauritanie. Ce récit, en langue peule, donne au film son intensité et sa dignité. Comme Abdellatif Laabi, le narrateur évoque avec une puissance visionnaire la vie de forçat qu'il partagea avec ses compagnons d'infortune. Aucune humiliation ne leur fut épargnée. Les travaux forcés, les tortures, la faim et la maladie leur furent infligés au cours des années passées sans aucun contact avec le monde extérieur. Les images filmées par Pierre-Yves Vandeweerd soutiennent ce texte sobre et émouvant et s'y superposent, l'épaulent, sans jamais le répéter. Tournées en 2006, elles en constituent l'écho, en restituent les menaces, en dressent le décor. Leur force évocatrice nous mène aux confins de la solitude humaine, au désert, à l'enfermement sans issue. Le travail sur le temps affine ce témoignage et lui confère une valeur universelle. Nulle impuissance à dénoncer le crime en toute lucidité, même si Fara Bâ conclut son récit en disant qu'aujourd'hui, les bourreaux d'hier croisent son chemin sans un regard, « comme si d'ailleurs, rien de tout cela n'avait existé ».
in HORS CHAMP – Quotidien des Etats généraux du film documentaire de Lussas – 26 août 2006
Tourné en Mauritanie, Le Cercle des noyés est d'une foudroyante beauté sur un des sujets les plus graves : l'enfermement arbitraire et la torture. Ces Noirs du Front de libération africaine de Mauritanie (FLAM) qui luttaient pour être considérés comme des citoyens à part entière auront connu entre 1986 et 1991 les pires souffrances dans le bagne édifiant de Oualata, bunker barrant le paysage désertique soumis aux vents. On pense aux ciels d'un John Ford qui envahissaient l'écran : le récit de Ba Fara, sobre, précis, calme et terrible, en peul, à la première personne, devient, comme le titre du film, quasi-mystique lorsque se superposent ces plans-séquences en noir et blanc et vidéo haute définition d'une sourde beauté plastique où les éléments, rocs, sable et vent, rythment le mouvement infigurable des êtres souffrants. Cette esthétique faite d'épure et d'impression n'est ni déplacée ni trahison : elle est au contraire dignité car elle contribue à l'expérience physique d'une mémoire essentielle là où l'oubli légitime encore la perpétuation de l'exclusion, en un lieu où les bourreaux d'hier croisent encore leurs victimes sans un regard, "comme si tout cela n'avait pas existé". Les photos des torturés suffisent à scander leur réalité.
Olivier Barlet
in Africultures « Lussas 2006, les enjeux d’AfricaDoc », 2006
(…) Enfin, ceux qui l’ont vu se souviendront longtemps du splendide film du Belge Pierre-Yves Vandeweerd, Le Cercle des noyés, du nom donné aux prisonniers politiques noirs en Mauritanie, enfermés dans l’ancien fort colonial de Oualata. Images d’une force exceptionnelle, portées par le texte sobre et la voix émouvante de l’un d’entre eux, Ba Fara, qui font éprouver la violence de cet enfermement et sont, à ce titre, un véritable document.
Françoise Arago
in Jeune Afrique – Documentaires polémiques - N° 2382
Fiche technique du film
Image et réalisation Pierre-Yves Vandeweerd
Ecriture du texte Bâ Fara & Pierre-Yves Vandeweerd
Traduction du texte N’Diaye Saïdou Ahmadou dit Galongal Futa
Lecture du texte Bâ Fara
Son Alain Cabaux
Régie Bâ Oumar
Montage image Philippe Boucq
Suivi traduction et sous-titrage N'Diaye Kane
Montage son et mixage Paul Delvoie & Alain Cabaux
Etalonnage Nicolas Perret et Hervé Vanderheyden
Conformation Fabrice Lintermans
Matériel de régie Guy Lacroix
Archives sonores Radio France Internationale (RFI), Catherine Sournin
Sous-titrage Roberto Ayllon et Tjomas Bouffioulx
Une production Cobra Films, Anne Deligne, Daniel De Valck - Zeugma Films, Michel David
En coproduction avec Images Plus, Dominique Renauld - Gsara, Katy Dekeyser, Annick Ghijzelings, Jean-Pierre Tilman, CBA, Kathleen de Béthune - Les Ateliers du Laziri, Marie-Cécile Jamart.
Avec l’aide du Centre du Cinéma de la Communauté française de Belgique et des télédistributeurs wallons, de la Loterie Nationale et de la Région Bruxelles-Capitale, du Centre National de la Cinématographie, de la Procirep-société des producteurs et de l’Angoa, du Programme Media de la Commission Européenne
Distribution France Zeugma films 7 rue Ganneron 75018 Paris
Contact : Marianne Geslin, Michel David +33 1 43 87 00 54
zeugma-films@noos.fr / mariannegeslin@yahoo.com
Belgique Disc 26 rue du Marteau 1210 Bruxelles
Contact : Annick Ghijzelings +32 2 250 13 14
info@disc.be
BIO-FILMOGRAPHIE DU REALISATEUR
Pierre-Yves Vandeweerd
Pierre-Yves Vandeweerd est un cinéaste belge. Ses films s’inscrivent dans le cinéma du réel et ont été, pour la plupart, tournés en Afrique : en Mauritanie (Némadis / Némadis, des années sans nouvelles / Racines lointaines / Le cercle des noyés), au Soudan (Closed district), au Congo (Sida d’ici et de là-bas).
Né de la rencontre, parfois aussi de la confrontation avec le réel, son cinéma tente de (re)tisser des liens entre les hommes et le monde, entre des histoires singulières et universelles. A la fois esthétiques, philosophiques et poétiques, ses documentaires sont autant de questionnements sur le monde et ses enjeux, sur l’existence ici et ailleurs.
Après des études en Information, Journalisme et Communication, ainsi qu’en Anthropologie et Civilisations africaines, Pierre-Yves Vandeweerd a enseigné, jusqu’en 2003, comme assistant à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles. Il devient ensuite, dès 2004, chargé de cours et de projet au Media Centre de Dakar, où il va développer, dans le cadre de la coopération bilatérale entre la Communauté française de Belgique, la Région wallonne et le Sénégal, une résidence annuelle d’écriture et de réalisation documentaire destinée à des jeunes cinéastes sénégalais.
Depuis 1998, il est également co-directeur des 8ème, 9ème, 10ème, 11ème et 12ème éditions du festival biennal du cinéma documentaire de la Communauté française de Belgique : Filmer à tout prix.
Le cercle des noyés
2007 – N&b - 71’ - Cobra films / Zeugma films
Closed districts
2004 – N&B – 55’ – Gsara
Festivals (entre autres): Etats généraux du documentaire à Lussas (France) / Festival international du Film francophone de Namur (Belgique) / Festival Argos (Belgique) / Escales Documentaires de La Rochelle (France) + décentralisations à La couarde sur Mer, à Tonnay Boutonne, à Jonzac / Festival International du Film d'Amiens (France) / Les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (Canada) / Songe d'une nuit DV (France) / Les Ecrans documentaires de Arcueil (France) / Festival du Film de Quartier (Sénégal) / Festival international du film de Ouidah - Quintessence (Bénin) / FIPA – Biaritz (France) / Festival international du Film de Fribourg (Suisse) / Sans canal fixe (France) / Rencontres Cinéma de Manosque (France) / Festival Le Fonds et la Forme (France) / Fespaco (Burkina-Faso) / Festival International des Droits Humains – Genève (France) / Vues d'Afrique (Montréal) / 3ème festival des Droits de l'Homme – Paris (France) / One World Festival (Prague) / Mon beau soucis à Orléan (France) / Festival Résistances (France) / Festival du film ethnographique de Caen (France), Festival international du Film de Milan (Italie), 15ème Quinzaine du Cinéma francophone (Paris),…
Prix :
1er Prix aux Escales Documentaires de La Rochelle (France)
1er Prix au Festival Quintessence à Ouidah (Bénin)
Prix du Meilleur Film pour la Mémoire des Droits de l'Homme au 4ème FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DES DROITS DE L'HOMME à Paris
Mention spéciale du jury au FIPA à Biarritz
Racines lointaines
2002 - couleur – 75’ – Cobra films
Festivals (entre autres) : Ouverture de la section documentaire au Festival International du Film francophone de Namur (Belgique) / Rencontres cinématographiques de Dakar - RECIDAK (Sénégal) / FESPACO (Burkina-Faso) / Festival international du Film de Milan (Italie) / Vues d’Afrique (Canada) / Doc Lisboa (Portugal) / Festival international du Film documentaire de Münich – Dok Fest. (Allemagne) / Médias Nord-Sud (Suisse) / Festival du Film documentaire de St Pétersbourg (Russie) / Etats généraux du documentaire de Lussas (France) / Les Ecrans documentaires de Gentilly (France) / Festival Songes d’une nuit DV (France) / Festival Jihlava (Tchéquie) / Festival du Cinéma des Utopies (France) / Objectif DOC 6ème édition – Paris (France), Rencontres cinématographiques de Cerbère (France),…
Prix :
1er Prix aux RECIDAK (Rencontres cinématographiques de Dakar)
Prix Long métrage aux Rencontres cinématographiques de Cerbère
Nemadis, des années sans nouvelles
co-réalisé avec Benoît Mariage – 2000 – couleur – 52’ – Les Ateliers du Laziri
Festivals (entre autres) : Festival Cinéma du Réel (France) / Festival International du Film Francophone de Namur (Belgique) / Festival International du Film de Bruxelles – Prix Henri Storck (Belgique) / Viewpoint Film Festival (Belgique) / Festival du Film de Cracovie (Pologne) / Rencontres cinématographiques de Gindou (France) / Festival du Film de Kalamata (Grèce) / Eco, Ethno, Folk Film Festival (Roumanie) / Prix Europa, Television (Allemagne) / Vues d’Afrique (Canada) / Festival International du Film d’Amiens (France) / Moviemiento de Documentalistas (Argentine) / ...
Sida, d’ici et de là-bas
1998 – couleur – 52’ – Gsara
Festivals (entre autres) : Festival International du Film Francophone de Namur (Belgique), Vues d’Afrique (Canada), Festival des Droits de l’Homme (Belgique), Festival International du Film d’Amiens (France), Festival Résistances (France), Media nord-sud Genève (Suisse), FESPACO (Burkina-Faso),…
Prix
1er Prix au FIFF (Festival International du Film Francophone de Namur)
1er Prix à Vues d’Afrique (Montréal)
Prix Bruno Mersch 1998
Nemadis (co-réalisé avec Benoît Mariage) – 1994 – couleur – 40’
in Jeune Afrique – Documentaires polémiques - N° 2382
1998 – couleur – 52’ – Gsara
co-réalisé avec Benoît Mariage – 2000 – couleur – 52’ – Les Ateliers du Laziri
2002 - couleur – 75’ – Cobra films
S.A.C.R.E. et Filmflamme
Note: Info source : Mamadou DIAGANA