Les faits
L’opération de recensement dite d’enrôlement des populations en cours actuellement en Mauritanie pose au moins une question, non celle de savoir combien d’âmes vivent sur le territoire de notre pays, objectif principal de toute opération de recensement, mais bien celle stupide de la « Mauritanité » de celles et ceux qui se présentent dans les bureaux citoyens pour se faire recenser. Les agents recenseurs, investis de on ne sait quels pouvoirs se sentent légitimes à juger que tel nom est typiquement mauritanien, tel autre aurait une consonance étrangère, donc son porteur ne mérite pas d’être recensé. C’est irréel, contraire à toutes les règles du droit et en déphasage total avec l’histoire de notre pays. Nous nous abstenons donc de faire comme eux. Nous sommes tous Mauritaniens et voulons vivre ensemble dans le respect et la dignité.
Les premiers et très nombreux témoignages qui nous parviennent, font état d’empêchements de toutes sortes faits à des Noirs mauritaniens de toutes conditions sociales, à Nouakchott comme à l’intérieur du pays : anciens ministres, anciens officiers supérieurs de l’armée, fonctionnaires en exercice, citoyens lambda.
On croyait cette époque révolue. Mais nous voilà brusquement réveillés de notre sommeil.
Notre analyse
L’objectif de cette opération politico-administrative est, on ne peut plus clairement, défini par le premier ministre : épurer l’état civil. Sur notre territoire, comme sur tout autre, vivent des nationaux et des étrangers. L’ensemble constituant la population de la Mauritanie à un temps T. Le recensement doit pouvoir distinguer les uns des autres sans discussion, sans contestation, sans équivoque. Soyons clairs : un Sénégalais n’est pas Mauritanien ; pas plus qu’un Marocain ne l’est. Mais un Mauritanien est un Mauritanien. Normalement. Hélas, à l’épreuve des faits, cela n’est cependant évident que s’il est maure (entendez Bidhani) ; systématiquement douteux dès qu’il est noir. Cette opération est aussi dangereuse pour la communauté haratine. Biram Dah ABEID estime que « 600 000 esclaves domestiques n’ont pas de papiers et l’Etat mauritanien refuse de les leur donner ». Leur enrôlement dépend donc du bon vouloir de leurs maîtres. Le noir mauritanien doit à tout moment expliquer, justifier, remonter le fil de son histoire familiale, villageoise et l’étayer par celle de ses voisins pour prouver qu’il est effectivement mauritanien. Il ne reste plus qu’à lui imposer des tests ADN.
Or, quand on commence à regarder plus sérieusement cette « Mauritanité », des difficultés surviennent. Etre mauritanien, est-ce exclusivement être né en Mauritanie, d’au moins un parent qui y est également né ? Ou faut-il avoir en plus le nom qui convienne. Qu’à cela ne tienne ! Mohamed Ould Abdel AZIZ n’était-il pas, à la lettre près, le nom d’un dirigeant historique du Polisario, au moment même où la Mauritanie livrait une guerre d’occupation au Sahara Occidental. Est-ce que pour autant cela fait peser un doute sur la « Mauritanité » de l’actuel président de la République ? Ni même le fait qu’il soit, qu’il serait, natif de Louga, qui comme chacun le sait se situe bien en territoire sénégalais.
Enfin, comment joue la « Mauritanité » dans le projet de la Mauritanie nouvelle que nous prépare le général. En vérité, avec l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel AZIZ, l’affirmation identitaire arabe exclusiviste de la Mauritanie refait surface avec force et violence. Le caractère excluant de la « Mauritanité » porte les germes de ce qui va déliter la cohésion et l’unité nationales. Il fait courir au pays qui porte encore les stigmates d’un conflit ethnique dont il peine à panser les plaies, le risque de nouveaux conflits aux conséquences incalculables. L’Etat procède à une modification de peuplement des villages et villes du Sud. Ce projet, pensé sous Maawiya Ould Sid’Ahmed TAYA, organisé et entrain d’être mis en place par Ould Abdel AIZIZ vise à permettre aux tenants du racisme de prendre le contrôle des municipalités du Sud : projet de ville nouvelle à Kaédi participe de cette entreprise.
Les soutiens d’hier du général Ould Abdel AZIZ n’hésitent plus désormais à reconnaître publiquement qu’il est coresponsable des exactions perpétrées entre 1986 et 1993 sous Maawiya Ould Sid’Ahmed TAYA et qui présentent toutes les caractéristiques d’un génocide. Avec cette opération d’enrôlement il en pose de l’acte de parachèvement, la solution finale.
Les agents recenseurs, minutieusement choisis, formés à l’école de la haine de l’autre, renvoient les candidats à l’enrôlement aux marqueurs identitaires du récit ethnique, la langue, le mythe des origines, censés servir à définir ceux qui peuvent « mériter » l’appartenance à la Mauritanie, ceux qui peuvent être reconnus dans le « Nous » et stigmatiser au contraire les « Autres ». Dans la construction de la nouvelle Mauritanie de Mouhamed Ould Abdel AZIZ, ce « Nous » doit être entendu comme maure, Bidhani, et distinctif des « Autres » entendu comme noirs.
En Mauritanie, ceux qui vendent au général les notions creuses de citoyenneté et de démocratie comme des remparts face aux idéologies de l’extrême le trompent. Ils valident au passage son projet politique de nationaliste arabe, inspiré d’une idéologie baathiste des plus extrêmes et précipitent notre peuple dans l’abîme. Ils doivent savoir que, avant eux et ailleurs, des intellectuels et/ou universitaires ont souvent mis leur talent au service d’idéologies abjectes. Hegel fut un piètre précurseur dans l’absolutisme du roi de Prusse. En Yougoslavie, le nationalisme est né dans l’esprit d’enseignants, de médecins, de psychanalystes, d’économistes, d’artistes, de poètes, de toute une intelligentsia qui a théorisé, enseigné les thèses du nationalisme Serbe que Milosevic s’est fait un plaisir d’appliquer. En Côte d’Ivoire, au Rwanda des intellectuels se sont prêtés au même jeu, pour les résultats que l’on connaît.
Appel
Devant le danger que constitue le projet fallacieux d’enrôlement qui procède par exclusion, Le Général fait diversion : il trompe son peuple, trahit les facilitateurs des accords de Dakar dont il tient son magister, mais qu’il a depuis foulé au pied, et ment à l’opinion internationale quand il joue le médiateur en chef dans le conflit ivoirien alors qu’il était ouvertement partisan du maintien de Gbagbo ou encore quand il se pose en négociateur dans le conflit libyen. Notre inquiétude est de voir Mohamed Ould Abdel AZIZ légitimé dans ses rôles nouveaux, alors qu’il est avant tout un usurpateur qui s’est emparé du pouvoir au mépris de la légalité constitutionnelle.
Notre devoir, dès lors, est d’appeler :
- nos compatriotes, de l’intérieur comme de l’étranger, membres de la société civile, syndicalistes, militants associatifs des droits humains ou militants des partis politiques à manifester par tous les moyens leur opposition à ce sinistre projet, tous les jours et sans discontinuer jusqu’à son abandon ou son retrait total et définitif.
- les partenaires de la Mauritanie, en premier lieu la France et l’Union Européenne que le Général a prises à témoin pour asseoir son pouvoir illégitime à ne pas se laisser berner par le rôle nouveau de Robin des bois qu’il s’est taillé sur mesure en leur promettant de lutter contre le terrorisme et l’intégrisme. L’enjeu est ailleurs : l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens dont une écrasante majorité est encore frappée par la faim, la maladie, le manque d’éducation et la pauvreté.
Boubacar DIAGANA & Ciré BA
Source: Boubacar Diagana
L’opération de recensement dite d’enrôlement des populations en cours actuellement en Mauritanie pose au moins une question, non celle de savoir combien d’âmes vivent sur le territoire de notre pays, objectif principal de toute opération de recensement, mais bien celle stupide de la « Mauritanité » de celles et ceux qui se présentent dans les bureaux citoyens pour se faire recenser. Les agents recenseurs, investis de on ne sait quels pouvoirs se sentent légitimes à juger que tel nom est typiquement mauritanien, tel autre aurait une consonance étrangère, donc son porteur ne mérite pas d’être recensé. C’est irréel, contraire à toutes les règles du droit et en déphasage total avec l’histoire de notre pays. Nous nous abstenons donc de faire comme eux. Nous sommes tous Mauritaniens et voulons vivre ensemble dans le respect et la dignité.
Les premiers et très nombreux témoignages qui nous parviennent, font état d’empêchements de toutes sortes faits à des Noirs mauritaniens de toutes conditions sociales, à Nouakchott comme à l’intérieur du pays : anciens ministres, anciens officiers supérieurs de l’armée, fonctionnaires en exercice, citoyens lambda.
On croyait cette époque révolue. Mais nous voilà brusquement réveillés de notre sommeil.
Notre analyse
L’objectif de cette opération politico-administrative est, on ne peut plus clairement, défini par le premier ministre : épurer l’état civil. Sur notre territoire, comme sur tout autre, vivent des nationaux et des étrangers. L’ensemble constituant la population de la Mauritanie à un temps T. Le recensement doit pouvoir distinguer les uns des autres sans discussion, sans contestation, sans équivoque. Soyons clairs : un Sénégalais n’est pas Mauritanien ; pas plus qu’un Marocain ne l’est. Mais un Mauritanien est un Mauritanien. Normalement. Hélas, à l’épreuve des faits, cela n’est cependant évident que s’il est maure (entendez Bidhani) ; systématiquement douteux dès qu’il est noir. Cette opération est aussi dangereuse pour la communauté haratine. Biram Dah ABEID estime que « 600 000 esclaves domestiques n’ont pas de papiers et l’Etat mauritanien refuse de les leur donner ». Leur enrôlement dépend donc du bon vouloir de leurs maîtres. Le noir mauritanien doit à tout moment expliquer, justifier, remonter le fil de son histoire familiale, villageoise et l’étayer par celle de ses voisins pour prouver qu’il est effectivement mauritanien. Il ne reste plus qu’à lui imposer des tests ADN.
Or, quand on commence à regarder plus sérieusement cette « Mauritanité », des difficultés surviennent. Etre mauritanien, est-ce exclusivement être né en Mauritanie, d’au moins un parent qui y est également né ? Ou faut-il avoir en plus le nom qui convienne. Qu’à cela ne tienne ! Mohamed Ould Abdel AZIZ n’était-il pas, à la lettre près, le nom d’un dirigeant historique du Polisario, au moment même où la Mauritanie livrait une guerre d’occupation au Sahara Occidental. Est-ce que pour autant cela fait peser un doute sur la « Mauritanité » de l’actuel président de la République ? Ni même le fait qu’il soit, qu’il serait, natif de Louga, qui comme chacun le sait se situe bien en territoire sénégalais.
Enfin, comment joue la « Mauritanité » dans le projet de la Mauritanie nouvelle que nous prépare le général. En vérité, avec l’arrivée au pouvoir de Mohamed Ould Abdel AZIZ, l’affirmation identitaire arabe exclusiviste de la Mauritanie refait surface avec force et violence. Le caractère excluant de la « Mauritanité » porte les germes de ce qui va déliter la cohésion et l’unité nationales. Il fait courir au pays qui porte encore les stigmates d’un conflit ethnique dont il peine à panser les plaies, le risque de nouveaux conflits aux conséquences incalculables. L’Etat procède à une modification de peuplement des villages et villes du Sud. Ce projet, pensé sous Maawiya Ould Sid’Ahmed TAYA, organisé et entrain d’être mis en place par Ould Abdel AIZIZ vise à permettre aux tenants du racisme de prendre le contrôle des municipalités du Sud : projet de ville nouvelle à Kaédi participe de cette entreprise.
Les soutiens d’hier du général Ould Abdel AZIZ n’hésitent plus désormais à reconnaître publiquement qu’il est coresponsable des exactions perpétrées entre 1986 et 1993 sous Maawiya Ould Sid’Ahmed TAYA et qui présentent toutes les caractéristiques d’un génocide. Avec cette opération d’enrôlement il en pose de l’acte de parachèvement, la solution finale.
Les agents recenseurs, minutieusement choisis, formés à l’école de la haine de l’autre, renvoient les candidats à l’enrôlement aux marqueurs identitaires du récit ethnique, la langue, le mythe des origines, censés servir à définir ceux qui peuvent « mériter » l’appartenance à la Mauritanie, ceux qui peuvent être reconnus dans le « Nous » et stigmatiser au contraire les « Autres ». Dans la construction de la nouvelle Mauritanie de Mouhamed Ould Abdel AZIZ, ce « Nous » doit être entendu comme maure, Bidhani, et distinctif des « Autres » entendu comme noirs.
En Mauritanie, ceux qui vendent au général les notions creuses de citoyenneté et de démocratie comme des remparts face aux idéologies de l’extrême le trompent. Ils valident au passage son projet politique de nationaliste arabe, inspiré d’une idéologie baathiste des plus extrêmes et précipitent notre peuple dans l’abîme. Ils doivent savoir que, avant eux et ailleurs, des intellectuels et/ou universitaires ont souvent mis leur talent au service d’idéologies abjectes. Hegel fut un piètre précurseur dans l’absolutisme du roi de Prusse. En Yougoslavie, le nationalisme est né dans l’esprit d’enseignants, de médecins, de psychanalystes, d’économistes, d’artistes, de poètes, de toute une intelligentsia qui a théorisé, enseigné les thèses du nationalisme Serbe que Milosevic s’est fait un plaisir d’appliquer. En Côte d’Ivoire, au Rwanda des intellectuels se sont prêtés au même jeu, pour les résultats que l’on connaît.
Appel
Devant le danger que constitue le projet fallacieux d’enrôlement qui procède par exclusion, Le Général fait diversion : il trompe son peuple, trahit les facilitateurs des accords de Dakar dont il tient son magister, mais qu’il a depuis foulé au pied, et ment à l’opinion internationale quand il joue le médiateur en chef dans le conflit ivoirien alors qu’il était ouvertement partisan du maintien de Gbagbo ou encore quand il se pose en négociateur dans le conflit libyen. Notre inquiétude est de voir Mohamed Ould Abdel AZIZ légitimé dans ses rôles nouveaux, alors qu’il est avant tout un usurpateur qui s’est emparé du pouvoir au mépris de la légalité constitutionnelle.
Notre devoir, dès lors, est d’appeler :
- nos compatriotes, de l’intérieur comme de l’étranger, membres de la société civile, syndicalistes, militants associatifs des droits humains ou militants des partis politiques à manifester par tous les moyens leur opposition à ce sinistre projet, tous les jours et sans discontinuer jusqu’à son abandon ou son retrait total et définitif.
- les partenaires de la Mauritanie, en premier lieu la France et l’Union Européenne que le Général a prises à témoin pour asseoir son pouvoir illégitime à ne pas se laisser berner par le rôle nouveau de Robin des bois qu’il s’est taillé sur mesure en leur promettant de lutter contre le terrorisme et l’intégrisme. L’enjeu est ailleurs : l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens dont une écrasante majorité est encore frappée par la faim, la maladie, le manque d’éducation et la pauvreté.
Boubacar DIAGANA & Ciré BA
Source: Boubacar Diagana