choix photo (avomm)
On a tout essayé dans ce bled! En quarante ans, le mauritanien a pratiqué tous les régimes possibles et imaginables. Mais, à vrai dire, jamais expérience politique n'a été aussi maigre ni évolution aussi peu fructueuse. Après le parti unique, né de l'Indépendance, le militaire s'est emparé du pouvoir comme on s'empare d'un trésor perdu au fond d'une grotte. Très vite, il montra un penchant féroce pour le denier public, déploya une ardeur martiale pour garder ce filon. Il échafauda, alors une grenouillère politique ou comités militaires qui, de rectification en sauvetage, de redressement en remodelage, de changement en continuité, de salut public en structure d'éducation des masses, de coup d'Etat en transition, de banqueroute en calamité, de tribulation en rafistolage, ont aboutit à la démocratie.
L'origine douteuse de notre démocratie, son état civil problématique, née brusquement dans un crâne militaire, pris soudain de miséricorde pour l'intérêt général, après avoir englouti le vert et le sec, après avoir arraché son pain à la veuve et à l'orphelin, l'origine de cette démocratie, dis-je, est équivoque. La démocratie peut-elle pousser dans le terreau du gangstérisme économique et de la délinquance politique ? Par quel miracle un malfaiteur peut-il devenir, en un laps de temps un bienfaiteur? Par quelle singulière alchimie une gangrène devienne-t-elle un bourrelet bienfaisant? Enfin, la démocratie peut-elle éclore sans germination? Trêve de polémique! Que nous importe l'origine puisque la démocratie est là!
On nous disait que la démocratie soignait le pestiféré, rendait la vue a l'aveugle, expulsait le chagrin et le spleen. On nous jurait que sous un régime démocratique, la Mauritanie deviendra un eldorado; le riz et le blé pousseront comme des haricots magiques, l'eau jaillira de partout, les arbres fruitiers chasseront la Tourja, les papillons les moustiques, la verdure le désert, la brise marine l'harmattan, l'obésité le rachitisme, l'esprit scientifique le maraboutisme, l'élection le tribalisme, la compétence la médiocrité, le travail laborieux le désœuvrement, la civilisation la frilosité et l'obscurantisme. En peu de temps, la démocratie aura bâti des écoles, des hôpitaux, des autoroutes, des ponts, des barrages , des aéroports, des chemins de fer, des parcs de loisir. Les villes seront tracées au compas et les kebbas changées en quartiers somptueux. Ah ! Le paradis démocratique !
On ne verra plus des ministres boutiquiers, des militaires milliardaires, des marabouts politiciens. La démocratie assainira l'administration, corrigera tous ces dysfonctionnements accumulés. Elle vaccinera le fonctionnaire contre le bacille de la malhonnêteté, immunisera la classe politique contre la concupiscence et le virus de l'opportunisme et enfin elle infusera au Mauritanien le respect des lois, l'amour du travail, l'ordre et la discipline. Le développement des libertés politiques déclenchera mathématiquement la croissance. La démocratie, par les pressions qu'elle crée, par les forces qu'elle libère, par les évolutions qu'elle impose, diluera le tribalisme, l'ethnisme et l'inégalité dans une Mauritanie où fleurissent le patriotisme, le dévouement et la compétence. Le citoyen mauritanien, gorgé de lois, engraissé de principes, prêchera la bonne parole démocratique partout dans le monde. On dira partout: heureux comme un démocritanien!
Malheureusement, il est des rêves qui se tournent en cauchemars. L'enthousiasme, l'espoir, le rêve nés de la Transition se sont très vite écroulés dans un bruit de ruine! Sans aller jusqu'à dire avec Aristote que la démocratie est le règne de la canaille, je dirais que notre jeune démocratie nous arrache jusqu'à nos illusions et nos chimères. Ce bébé d'un an apparaît, déjà comme un hideux spectre. C'est vrai, il y'a, peut être aujourd'hui moins de contraintes, plus de liberté. L'esclavage a été criminalisé et le retour des réfugiés se fait dans la normalité. Mais, à cela répond une formidable croissance des inégalités, un chômage de masse, la violence, l'insécurité, une pauvreté insoutenable et la misère semble se glisser sous tous les toits(non décorés). Il y'a comme un mariage secret entre une démocratie en trompe l'œil et une économie aux abois.
Le président ne disait-il pas : << il me semble que la démocratie et la misère ne font pas bon ménage >>? D'abord, tout président doit dire et doit faire, autrement il n'en sera pas un. Mais, est-ce- qu'un président doit dire ce qu'il fait ou doit faire ce qu'il dit ? Mieux, un président doit-il dire ce qu'il ne fait pas ou ce qu'il aura fait si le Destin avait favorisé la faisabilité ? De quelle nature est la relation entre dire et agir? Les raisons de dire sont-elles les causes de l'action? Doit-on penser ce qu'on dit, sans se contenter de dire ce qu'on pense et sans interroger la notion du possible? Là, on entre dans les trous noirs et les nébuleuses de notre voix lactée politico philosophique...
Toujours est-il qu'un président préfère souvent dire ce qu'il fera et ce qu'il réalisera. Aussi affectionne-t-il l'usage du futur et du présent tout autant qu'il abhorre le passé simple ou composé…Ecoutons le président: << Et ma foi, nous nous engageons résolument à faire de la Mauritanie un pays réellement démocrate qui cherche à se développer et à améliorer les conditions de vie de ses populations. Ce que je voudrais dire ici c'est que nous découvrons, de façon forte que la démocratie est liée à la situation réelle des gens. Je crois, très franchement que ce qui peut menacer la démocratie dans notre pays et dans d'autres c'est le fait qu'on n'arriverait pas à améliorer, et de façon sensible, dans un délai pas très long, les conditions de vie des populations. Alors, nous nous employons à faire ce que nous pouvons faire pour essayer de faire connaître à ce pays des taux de croissance, dans un avenir proche, qui permettraient de faire des progrès dans ce domaine. >>
Mon propos ici n'est pas de réconcilier notre homme politique avec le passé, je cherche tout simplement a dire qu'une démocratie qui ne conduit pas au progrès économique est pire qu'une dictature. Si le développement des libertés politiques s'accompagne, chez nous de régression économique, si la démocratie ne favorise pas la cohésion sociale et l'efficacité économique, si elle ne crée pas un système qui préside à la dévolution des revenus, des emplois et des richesses, si elle n'arrête pas l'hémorragie des deniers publics et amène la justice à dire son mot sur l'incroyable gâchis de ces vingt dernières années, alors où va-t-on ?
Le mauritanien ordinaire se demande : à quoi bon la liberté et la démocratie si je suis prêt a vendre mes os contre un morceau de pain? La démocratie va t-elle m'accompagner au tombeau, va-t-elle me secourir au Barzakh ? Cette démocratie ne me donne ni voix, ni droit, elle donne tout aux riches et à la charogne politique! Toutes ces lois, ces parlements, ces élections sont autant de clous qu'on me plante dans la chair! Oui, je suis libre, mais libre de mourir de faim, libre de voir mes enfants jetés en pâture à l'ignorance, à la délinquance, libre d'être assassiné sans miséricorde a l'hôpital national, si j'ai le malheur de tomber malade, libre de boire l'eau de mer, libre de sentir l'odeur des Marbats et du Guedj, libre de vivre dans cette vie inflammatoire de nos cités anarchiques, libre, enfin dans cette démocratie d'outre-tombe qui n'a rien à donner à ses citoyens, à part la baraka, des professions de foi, des promesses, des discours d'autosatisfaction et des statistiques invérifiables. La vraie prison, c'est une démocratie vidée de la substance économique!
Il est vrai que chaque démocratie reflète ses propres démocrates. Mal conçue ou médiocrement conduite, cette forme supérieure du contrat social peut, néanmoins dégénérer en une rampante tyrannie. J'espère qu’on n’en est pas là. Il est, cependant légitime de s'inquiéter à l'endroit du personnel politique qui se meut aujourd'hui dans l'arène Nouakchottoise. La démocratie a besoin d’hommes (ou de femmes, n'oublions pas les 20%) intègres, compétents et sans tâches, non d'un personnel politique discrédité, responsable de tous les ratages politiques et des échecs économiques du pays. La classe politique est infestée, aujourd'hui, par ces ouvriers du gâchis, devenus, par une mystérieuse transmutation, chantre de la démocratie, anti-esclavagistes, jouant avec brio cette tragi-comédie, reproduisant les mêmes tares, transmettant avec la médiocrité cette culture du gâchis à une jeunesse qui ne sait plus faire la différence entre saint et diable.
Quelle contribution peut apporter à cette balbutiante démocratie un homme politique qui a été, à la fois, révolutionnaire, courtier, pharmacien, guérisseur, éleveur de porc-épic, dresseur de dromadaires, boxeur, danseur de corde, chasseur de requins, commerçant, dentiste, lutteur traditionnel, marabout, trafiquant de peaux de caïmans, philosophe mystique, chercheur de trésors, chef de tribu, ministre ? Avec un gaillard pareil, on culbute des armées de loups, on soulève des montagnes, on avale des crapauds vivants, on charme des gorilles mais, mon Dieu, on ne construit pas une démocratie…
Mohamed Lemine Ould Lehraitani
Mlh31@hotmail.com
Source: mauritanieweb
(M)
L'origine douteuse de notre démocratie, son état civil problématique, née brusquement dans un crâne militaire, pris soudain de miséricorde pour l'intérêt général, après avoir englouti le vert et le sec, après avoir arraché son pain à la veuve et à l'orphelin, l'origine de cette démocratie, dis-je, est équivoque. La démocratie peut-elle pousser dans le terreau du gangstérisme économique et de la délinquance politique ? Par quel miracle un malfaiteur peut-il devenir, en un laps de temps un bienfaiteur? Par quelle singulière alchimie une gangrène devienne-t-elle un bourrelet bienfaisant? Enfin, la démocratie peut-elle éclore sans germination? Trêve de polémique! Que nous importe l'origine puisque la démocratie est là!
On nous disait que la démocratie soignait le pestiféré, rendait la vue a l'aveugle, expulsait le chagrin et le spleen. On nous jurait que sous un régime démocratique, la Mauritanie deviendra un eldorado; le riz et le blé pousseront comme des haricots magiques, l'eau jaillira de partout, les arbres fruitiers chasseront la Tourja, les papillons les moustiques, la verdure le désert, la brise marine l'harmattan, l'obésité le rachitisme, l'esprit scientifique le maraboutisme, l'élection le tribalisme, la compétence la médiocrité, le travail laborieux le désœuvrement, la civilisation la frilosité et l'obscurantisme. En peu de temps, la démocratie aura bâti des écoles, des hôpitaux, des autoroutes, des ponts, des barrages , des aéroports, des chemins de fer, des parcs de loisir. Les villes seront tracées au compas et les kebbas changées en quartiers somptueux. Ah ! Le paradis démocratique !
On ne verra plus des ministres boutiquiers, des militaires milliardaires, des marabouts politiciens. La démocratie assainira l'administration, corrigera tous ces dysfonctionnements accumulés. Elle vaccinera le fonctionnaire contre le bacille de la malhonnêteté, immunisera la classe politique contre la concupiscence et le virus de l'opportunisme et enfin elle infusera au Mauritanien le respect des lois, l'amour du travail, l'ordre et la discipline. Le développement des libertés politiques déclenchera mathématiquement la croissance. La démocratie, par les pressions qu'elle crée, par les forces qu'elle libère, par les évolutions qu'elle impose, diluera le tribalisme, l'ethnisme et l'inégalité dans une Mauritanie où fleurissent le patriotisme, le dévouement et la compétence. Le citoyen mauritanien, gorgé de lois, engraissé de principes, prêchera la bonne parole démocratique partout dans le monde. On dira partout: heureux comme un démocritanien!
Malheureusement, il est des rêves qui se tournent en cauchemars. L'enthousiasme, l'espoir, le rêve nés de la Transition se sont très vite écroulés dans un bruit de ruine! Sans aller jusqu'à dire avec Aristote que la démocratie est le règne de la canaille, je dirais que notre jeune démocratie nous arrache jusqu'à nos illusions et nos chimères. Ce bébé d'un an apparaît, déjà comme un hideux spectre. C'est vrai, il y'a, peut être aujourd'hui moins de contraintes, plus de liberté. L'esclavage a été criminalisé et le retour des réfugiés se fait dans la normalité. Mais, à cela répond une formidable croissance des inégalités, un chômage de masse, la violence, l'insécurité, une pauvreté insoutenable et la misère semble se glisser sous tous les toits(non décorés). Il y'a comme un mariage secret entre une démocratie en trompe l'œil et une économie aux abois.
Le président ne disait-il pas : << il me semble que la démocratie et la misère ne font pas bon ménage >>? D'abord, tout président doit dire et doit faire, autrement il n'en sera pas un. Mais, est-ce- qu'un président doit dire ce qu'il fait ou doit faire ce qu'il dit ? Mieux, un président doit-il dire ce qu'il ne fait pas ou ce qu'il aura fait si le Destin avait favorisé la faisabilité ? De quelle nature est la relation entre dire et agir? Les raisons de dire sont-elles les causes de l'action? Doit-on penser ce qu'on dit, sans se contenter de dire ce qu'on pense et sans interroger la notion du possible? Là, on entre dans les trous noirs et les nébuleuses de notre voix lactée politico philosophique...
Toujours est-il qu'un président préfère souvent dire ce qu'il fera et ce qu'il réalisera. Aussi affectionne-t-il l'usage du futur et du présent tout autant qu'il abhorre le passé simple ou composé…Ecoutons le président: << Et ma foi, nous nous engageons résolument à faire de la Mauritanie un pays réellement démocrate qui cherche à se développer et à améliorer les conditions de vie de ses populations. Ce que je voudrais dire ici c'est que nous découvrons, de façon forte que la démocratie est liée à la situation réelle des gens. Je crois, très franchement que ce qui peut menacer la démocratie dans notre pays et dans d'autres c'est le fait qu'on n'arriverait pas à améliorer, et de façon sensible, dans un délai pas très long, les conditions de vie des populations. Alors, nous nous employons à faire ce que nous pouvons faire pour essayer de faire connaître à ce pays des taux de croissance, dans un avenir proche, qui permettraient de faire des progrès dans ce domaine. >>
Mon propos ici n'est pas de réconcilier notre homme politique avec le passé, je cherche tout simplement a dire qu'une démocratie qui ne conduit pas au progrès économique est pire qu'une dictature. Si le développement des libertés politiques s'accompagne, chez nous de régression économique, si la démocratie ne favorise pas la cohésion sociale et l'efficacité économique, si elle ne crée pas un système qui préside à la dévolution des revenus, des emplois et des richesses, si elle n'arrête pas l'hémorragie des deniers publics et amène la justice à dire son mot sur l'incroyable gâchis de ces vingt dernières années, alors où va-t-on ?
Le mauritanien ordinaire se demande : à quoi bon la liberté et la démocratie si je suis prêt a vendre mes os contre un morceau de pain? La démocratie va t-elle m'accompagner au tombeau, va-t-elle me secourir au Barzakh ? Cette démocratie ne me donne ni voix, ni droit, elle donne tout aux riches et à la charogne politique! Toutes ces lois, ces parlements, ces élections sont autant de clous qu'on me plante dans la chair! Oui, je suis libre, mais libre de mourir de faim, libre de voir mes enfants jetés en pâture à l'ignorance, à la délinquance, libre d'être assassiné sans miséricorde a l'hôpital national, si j'ai le malheur de tomber malade, libre de boire l'eau de mer, libre de sentir l'odeur des Marbats et du Guedj, libre de vivre dans cette vie inflammatoire de nos cités anarchiques, libre, enfin dans cette démocratie d'outre-tombe qui n'a rien à donner à ses citoyens, à part la baraka, des professions de foi, des promesses, des discours d'autosatisfaction et des statistiques invérifiables. La vraie prison, c'est une démocratie vidée de la substance économique!
Il est vrai que chaque démocratie reflète ses propres démocrates. Mal conçue ou médiocrement conduite, cette forme supérieure du contrat social peut, néanmoins dégénérer en une rampante tyrannie. J'espère qu’on n’en est pas là. Il est, cependant légitime de s'inquiéter à l'endroit du personnel politique qui se meut aujourd'hui dans l'arène Nouakchottoise. La démocratie a besoin d’hommes (ou de femmes, n'oublions pas les 20%) intègres, compétents et sans tâches, non d'un personnel politique discrédité, responsable de tous les ratages politiques et des échecs économiques du pays. La classe politique est infestée, aujourd'hui, par ces ouvriers du gâchis, devenus, par une mystérieuse transmutation, chantre de la démocratie, anti-esclavagistes, jouant avec brio cette tragi-comédie, reproduisant les mêmes tares, transmettant avec la médiocrité cette culture du gâchis à une jeunesse qui ne sait plus faire la différence entre saint et diable.
Quelle contribution peut apporter à cette balbutiante démocratie un homme politique qui a été, à la fois, révolutionnaire, courtier, pharmacien, guérisseur, éleveur de porc-épic, dresseur de dromadaires, boxeur, danseur de corde, chasseur de requins, commerçant, dentiste, lutteur traditionnel, marabout, trafiquant de peaux de caïmans, philosophe mystique, chercheur de trésors, chef de tribu, ministre ? Avec un gaillard pareil, on culbute des armées de loups, on soulève des montagnes, on avale des crapauds vivants, on charme des gorilles mais, mon Dieu, on ne construit pas une démocratie…
Mohamed Lemine Ould Lehraitani
Mlh31@hotmail.com
Source: mauritanieweb
(M)