Une « année perdue » pour les droits des populations autochtones partout dans le monde : le Canada doit cesser de bloquer la Déclaration vitale des Nations Unies.
Des populations autochtones, des organismes de justice sociale et des spécialistes indépendants pressent le gouvernement du Canada de cesser de faire obstruction à un instrument important adopté il y a un an par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Le 29 juin 2006, le Conseil des droits de l’homme a adopté la Déclaration sur les droits des populations autochtones, attendue de longue date. Cependant, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a toujours pas donné son autorisation finale car un petit nombre d’États, dont le Canada, insiste pour que des consultations additionnelles aient lieu.
Le gouvernement canadien a récemment soutenu une proposition de renégociation de la majeure partie de la Déclaration, un processus qui pourrait ne jamais arriver à terme.
« Ces tactiques dilatoires sont tout simplement inacceptables », a dit Ed John, Grand chef du groupe de travail sur le sommet des Premières Nations de la Colombie-Britannique. « Partout dans le monde, des populations autochtones sont menacées tous les jours, leur survie même étant en jeu. Nous devons absolument aller de l’avant et appliquer la Déclaration telle qu’elle a été adoptée par le Conseil des droits de l’homme. Les populations autochtones ne peuvent se permettre de perdre une année de plus. »
Le texte approuvé en juin dernier est le fruit de plus de vingt années de travail à l’ONU, notamment onze ans de négociations dans lesquelles le Canada a joué un rôle clé.
Bien des responsables canadiens hauts placés encouragent le gouvernement à soutenir la Déclaration, le gouvernement Harper soutient que certaines dispositions sont incompatibles avec la Constitution canadienne et la Charte des droits et libertés. Cette affirmation n’a jamais été justifiée.
« Des instruments internationaux visant à défendre les droits de la personne sont requis afin d’aider les États à remédier aux lacunes et aux déficiences de leurs lois et politiques qui entraînent des abus », a dit Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Aussi, quand le gouvernement canadien dit que le libellé actuel de la Déclaration pourrait entraîner l’examen de lois et de politiques canadiennes, il critique la Déclaration, qui fait exactement ce que les instruments internationaux de défense des droits de la personne sont censés faire. »
Quand la Déclaration a été soumise au Conseil en juin de l’année dernière, le Canada a dit qu’il fallait plus de temps pour l’améliorer et gagner un plus grand soutien de la part des différents États.
« Le Canada joue un rôle de rabat-joie », a dit Sherry Lewis, directrice exécutive de l’association des femmes autochtones du Canada. « Des ministres réclament la reformulation d’articles que leur personnel a aidé à rédiger initialement. Ils veulent rouvrir les négociations sur des articles pour lesquels il existait un consensus au sein du groupe de travail qui a finalisé le texte. Et ils réclament des changements selon lesquels la Déclaration serait bien en deçà de la norme du droit international actuel. »
Le Canada a récemment soutenu la proposition d’un groupe d’États africains qui veulent modifier la Déclaration de façon que toutes ses dispositions soient sujettes aux lois nationales et à la discrétion des gouvernements nationaux.
« Les instruments internationaux de défense des droits de la personne visent à encourager tous les États à imposer une norme plus élevée, et non pas à soutenir leurs pratiques actuelles, qui sont déplorables, a dit Mary Simon, présidente Inuit Tapiriit Kanatami. « Ce type d’opposition à la Déclaration, qui n’est fondé sur aucun principe, mine la réputation du Canada en tant que défenseur mondial des droits de la personne. »
Aujourd’hui, un grand nombre d’organismes et d’individus qui ont suivi le processus ont de nouveau demandé au gouvernement du Canada de retirer son opposition à la Déclaration telle qu’adoptée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cet appel est soutenu par Amnistie internationale Canada, l’Assemblée des Premières Nations, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Canadian Friands Service Committee, Inuit Circumpolar Conference (Canada), Inuit Tapiriit Kanatami, Kairos initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice, Association des Femmes Autochtones du Canada, Femmes Autochtones du Québec, Droits et Démocratie, la Ligue des droits et libertés, Peter Leuprecht et Kenneth Deer, Mohawk.
Source: Amnistie Internationale
(M)
____________________________________________________________________
La secrétaire générale d’Amnistie internationale, Irène Khan adresse une lettre au gouvernement canadien concernant le projet de Déclaration des droits des populations autochtones.
M. Stephen Harper, Premier ministre
Bureau du Premier ministre
80 Wellington Street
Ottawa
K1A 0A2
Canada
Monsieur le Premier ministre,
Je vous écris pour demander au gouvernement canadien de cesser de s’opposer à l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations unies. Ce texte est d’une importance vitale et son adoption ne peut plus attendre.
Le Canada a longtemps été à l’avant-garde de la défense des droits humains. Ces dernières années, son influence sur les négociations concernant la Déclaration a été très positive. Ce sont notamment les représentants canadiens qui ont su rassembler les États et les peuples autochtones autour d’une vision commune de la protection des droits fondamentaux.
Malheureusement, le récent changement de position du Canada a eu des répercussions fâcheuses sur les perspectives d’adoption de cette Déclaration. Bien que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies ait adopté le projet de déclaration le 29 juin, l’Assemblée générale a demandé qu’une « consultation » supplémentaire ait lieu. À l’heure actuelle, on ignore si la Déclaration sera de nouveau soumise à l’Assemblée générale plus tard dans l’année afin d'être définitivement adoptée, ou si elle fera l'objet d'un cycle interminable de renégociations.
Aujourd’hui, Monsieur le Premier ministre, je crains que nous ne perdions une occasion unique de faire avancer la cause des droits humains au niveau international.
Selon des documents d’information du gouvernement canadien obtenus sur demande spéciale, de hauts responsables ont recommandé que le Canada soutienne l’adoption immédiate de la Déclaration après avoir examiné le texte final. Ces documents indiquent en outre que, à un certain moment, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont tous les deux été favorables à l’adoption du texte.
J’ai également constaté que la Déclaration avait reçu le soutien public des trois partis d'opposition au Parlement canadien, et que le Comité parlementaire des affaires autochtones avait appelé par deux fois votre gouvernement à soutenir son adoption.
Au vu de tous ces éléments, l’opposition persistante de votre gouvernement à cette Déclaration est peu compréhensible.
Les déclarations portant sur les droits humains représentent à la fois une source d’inspiration et une référence pour les gouvernements, les institutions comme les tribunaux et le public dans son ensemble. Toutefois, elles n’imposent pas aux États des actions spécifiques. Rédigées pour être applicables à un large éventail de situations dans le monde, ces déclarations ne sauraient être interprétées indépendamment des autres instruments relatifs aux droits humains, ou séparément de leur contexte d’application.
Dans la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, les articles auxquels le gouvernement canadien s’est opposé, notamment ceux qui ont trait aux droits à la terre, ne décrivent pas des droits absolus ou inconditionnels. Ces dispositions, lorsqu’elles seront appliquées, devront nécessairement être interprétées en tenant compte de tous les droits et obligations existant par ailleurs. Des responsables canadiens l'ont d'ailleurs souligné lorsqu’ils défendaient la Déclaration.
Les arguments selon lesquels ce texte serait incompatible avec les dispositions canadiennes existantes en matière de protection des droits humains déforment la réalité. Ils ne tiennent pas compte de la manière dont la Déclaration peut être raisonnablement interprétée. Par ailleurs, suggérer que les demandes en faveur d'une reconnaissance élémentaire des droits des peuples autochtones sont excessives, menacent l'intérêt public ou représentent une source potentielle de conflit revient à exploiter ou à promouvoir les préjudices et les discriminations que la Déclaration est censée combattre.
Les autochtones font partie des catégories les plus pauvres, les plus marginalisées et le plus souvent victimes d’abus au sein de la société mondiale. Leurs droits sont régulièrement bafoués au profit de populations plus riches ou plus puissantes. Cette discrimination s’inscrit dans un dénigrement raciste des cultures autochtones, mais relève également d’une affirmation paternaliste selon laquelle les élites non autochtones savent ce qui est bon pour les peuples autochtones.
La Déclaration offre une autre voie : celle d'une collaboration et d’une réconciliation entre les peuples non autochtones et autochtones, œuvrant ensemble au progrès des droits de tous. S’engager sur cette voie n’est pas facile. Il s’agit en effet de battre en brèche des siècles de préjugés et de discriminations dans le monde entier. Mais tel est bien l'objectif du long processus qui s’est amorcé il y a plus de vingt ans, dès les premières phases de la rédaction du texte.
J’espère qu’après délibération, votre gouvernement soutiendra la Déclaration adoptée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération.
Irene Khan
Secrétaire générale
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(M)
Des populations autochtones, des organismes de justice sociale et des spécialistes indépendants pressent le gouvernement du Canada de cesser de faire obstruction à un instrument important adopté il y a un an par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Le 29 juin 2006, le Conseil des droits de l’homme a adopté la Déclaration sur les droits des populations autochtones, attendue de longue date. Cependant, l’Assemblée générale des Nations Unies n’a toujours pas donné son autorisation finale car un petit nombre d’États, dont le Canada, insiste pour que des consultations additionnelles aient lieu.
Le gouvernement canadien a récemment soutenu une proposition de renégociation de la majeure partie de la Déclaration, un processus qui pourrait ne jamais arriver à terme.
« Ces tactiques dilatoires sont tout simplement inacceptables », a dit Ed John, Grand chef du groupe de travail sur le sommet des Premières Nations de la Colombie-Britannique. « Partout dans le monde, des populations autochtones sont menacées tous les jours, leur survie même étant en jeu. Nous devons absolument aller de l’avant et appliquer la Déclaration telle qu’elle a été adoptée par le Conseil des droits de l’homme. Les populations autochtones ne peuvent se permettre de perdre une année de plus. »
Le texte approuvé en juin dernier est le fruit de plus de vingt années de travail à l’ONU, notamment onze ans de négociations dans lesquelles le Canada a joué un rôle clé.
Bien des responsables canadiens hauts placés encouragent le gouvernement à soutenir la Déclaration, le gouvernement Harper soutient que certaines dispositions sont incompatibles avec la Constitution canadienne et la Charte des droits et libertés. Cette affirmation n’a jamais été justifiée.
« Des instruments internationaux visant à défendre les droits de la personne sont requis afin d’aider les États à remédier aux lacunes et aux déficiences de leurs lois et politiques qui entraînent des abus », a dit Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone. « Aussi, quand le gouvernement canadien dit que le libellé actuel de la Déclaration pourrait entraîner l’examen de lois et de politiques canadiennes, il critique la Déclaration, qui fait exactement ce que les instruments internationaux de défense des droits de la personne sont censés faire. »
Quand la Déclaration a été soumise au Conseil en juin de l’année dernière, le Canada a dit qu’il fallait plus de temps pour l’améliorer et gagner un plus grand soutien de la part des différents États.
« Le Canada joue un rôle de rabat-joie », a dit Sherry Lewis, directrice exécutive de l’association des femmes autochtones du Canada. « Des ministres réclament la reformulation d’articles que leur personnel a aidé à rédiger initialement. Ils veulent rouvrir les négociations sur des articles pour lesquels il existait un consensus au sein du groupe de travail qui a finalisé le texte. Et ils réclament des changements selon lesquels la Déclaration serait bien en deçà de la norme du droit international actuel. »
Le Canada a récemment soutenu la proposition d’un groupe d’États africains qui veulent modifier la Déclaration de façon que toutes ses dispositions soient sujettes aux lois nationales et à la discrétion des gouvernements nationaux.
« Les instruments internationaux de défense des droits de la personne visent à encourager tous les États à imposer une norme plus élevée, et non pas à soutenir leurs pratiques actuelles, qui sont déplorables, a dit Mary Simon, présidente Inuit Tapiriit Kanatami. « Ce type d’opposition à la Déclaration, qui n’est fondé sur aucun principe, mine la réputation du Canada en tant que défenseur mondial des droits de la personne. »
Aujourd’hui, un grand nombre d’organismes et d’individus qui ont suivi le processus ont de nouveau demandé au gouvernement du Canada de retirer son opposition à la Déclaration telle qu’adoptée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Cet appel est soutenu par Amnistie internationale Canada, l’Assemblée des Premières Nations, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, Canadian Friands Service Committee, Inuit Circumpolar Conference (Canada), Inuit Tapiriit Kanatami, Kairos initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice, Association des Femmes Autochtones du Canada, Femmes Autochtones du Québec, Droits et Démocratie, la Ligue des droits et libertés, Peter Leuprecht et Kenneth Deer, Mohawk.
Source: Amnistie Internationale
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La secrétaire générale d’Amnistie internationale, Irène Khan adresse une lettre au gouvernement canadien concernant le projet de Déclaration des droits des populations autochtones.
M. Stephen Harper, Premier ministre
Bureau du Premier ministre
80 Wellington Street
Ottawa
K1A 0A2
Canada
Monsieur le Premier ministre,
Je vous écris pour demander au gouvernement canadien de cesser de s’opposer à l’adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale des Nations unies. Ce texte est d’une importance vitale et son adoption ne peut plus attendre.
Le Canada a longtemps été à l’avant-garde de la défense des droits humains. Ces dernières années, son influence sur les négociations concernant la Déclaration a été très positive. Ce sont notamment les représentants canadiens qui ont su rassembler les États et les peuples autochtones autour d’une vision commune de la protection des droits fondamentaux.
Malheureusement, le récent changement de position du Canada a eu des répercussions fâcheuses sur les perspectives d’adoption de cette Déclaration. Bien que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies ait adopté le projet de déclaration le 29 juin, l’Assemblée générale a demandé qu’une « consultation » supplémentaire ait lieu. À l’heure actuelle, on ignore si la Déclaration sera de nouveau soumise à l’Assemblée générale plus tard dans l’année afin d'être définitivement adoptée, ou si elle fera l'objet d'un cycle interminable de renégociations.
Aujourd’hui, Monsieur le Premier ministre, je crains que nous ne perdions une occasion unique de faire avancer la cause des droits humains au niveau international.
Selon des documents d’information du gouvernement canadien obtenus sur demande spéciale, de hauts responsables ont recommandé que le Canada soutienne l’adoption immédiate de la Déclaration après avoir examiné le texte final. Ces documents indiquent en outre que, à un certain moment, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ont tous les deux été favorables à l’adoption du texte.
J’ai également constaté que la Déclaration avait reçu le soutien public des trois partis d'opposition au Parlement canadien, et que le Comité parlementaire des affaires autochtones avait appelé par deux fois votre gouvernement à soutenir son adoption.
Au vu de tous ces éléments, l’opposition persistante de votre gouvernement à cette Déclaration est peu compréhensible.
Les déclarations portant sur les droits humains représentent à la fois une source d’inspiration et une référence pour les gouvernements, les institutions comme les tribunaux et le public dans son ensemble. Toutefois, elles n’imposent pas aux États des actions spécifiques. Rédigées pour être applicables à un large éventail de situations dans le monde, ces déclarations ne sauraient être interprétées indépendamment des autres instruments relatifs aux droits humains, ou séparément de leur contexte d’application.
Dans la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, les articles auxquels le gouvernement canadien s’est opposé, notamment ceux qui ont trait aux droits à la terre, ne décrivent pas des droits absolus ou inconditionnels. Ces dispositions, lorsqu’elles seront appliquées, devront nécessairement être interprétées en tenant compte de tous les droits et obligations existant par ailleurs. Des responsables canadiens l'ont d'ailleurs souligné lorsqu’ils défendaient la Déclaration.
Les arguments selon lesquels ce texte serait incompatible avec les dispositions canadiennes existantes en matière de protection des droits humains déforment la réalité. Ils ne tiennent pas compte de la manière dont la Déclaration peut être raisonnablement interprétée. Par ailleurs, suggérer que les demandes en faveur d'une reconnaissance élémentaire des droits des peuples autochtones sont excessives, menacent l'intérêt public ou représentent une source potentielle de conflit revient à exploiter ou à promouvoir les préjudices et les discriminations que la Déclaration est censée combattre.
Les autochtones font partie des catégories les plus pauvres, les plus marginalisées et le plus souvent victimes d’abus au sein de la société mondiale. Leurs droits sont régulièrement bafoués au profit de populations plus riches ou plus puissantes. Cette discrimination s’inscrit dans un dénigrement raciste des cultures autochtones, mais relève également d’une affirmation paternaliste selon laquelle les élites non autochtones savent ce qui est bon pour les peuples autochtones.
La Déclaration offre une autre voie : celle d'une collaboration et d’une réconciliation entre les peuples non autochtones et autochtones, œuvrant ensemble au progrès des droits de tous. S’engager sur cette voie n’est pas facile. Il s’agit en effet de battre en brèche des siècles de préjugés et de discriminations dans le monde entier. Mais tel est bien l'objectif du long processus qui s’est amorcé il y a plus de vingt ans, dès les premières phases de la rédaction du texte.
J’espère qu’après délibération, votre gouvernement soutiendra la Déclaration adoptée par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l'expression de ma haute considération.
Irene Khan
Secrétaire générale
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