Applaudie par un grand nombre d’Africains et surtout des Maliens, l’intervention française au Sahel rassure. Après le ciel, c’est au tour du sol de voir s’intensifier les combats : des blindés cherchent à contrer les infiltrations islamistes. Tout cela réveille la conscience critique du citoyen, désormais convaincu d’une triste réalité : les pays africains ne sont pas gouvernés et leurs armées sont une coquille vide !
Difficile de s’objecter à cette assertion lorsque, face à l’ennemi, les éléments des armées nationales fuient. L’offensive militaire consécutive à la crise du Mali instruit beaucoup. Certes, la direction des opérations incombe à la France qui en a les moyens. Mais, force est aussi de reconnaître qu’elle a su prendre les devants. Pourquoi avoir attendu la vivacité d’esprit et la détermination du président français, François Hollande, pour qu’enfin on sente le soulagement émerger des peuples africains naguère angoissés et aujourd’hui rassurés ? La lenteur de la mobilisation des troupes africaines contraste très sérieusement avec la rapidité dans la prise de décisions et la mobilisation des troupes françaises. Le nombre, de plus en plus élevé, de soldats français mobilisés, la rapidité dans les actions et la progression des éléments sur le terrain tranchent avec l’inertie qui caractérise la partie africaine.
Trop longtemps, les états- majors ouest-africains sont demeurés silencieux voire apathiques. En dépit des rencontres enregistrées tout au long de l’année, on sent l’impréparation, beaucoup d’hésitations et un manque patent d’empressement à aller sur le terrain. La faiblesse des moyens ne peut tout justifier ! Depuis l’occupation du Nord-Mali, que de réunions des états-majors et des experts en stratégie ! Mais suite au récent déclenchement des hostilités, qu’a-t-on fait ? Le problème, dit-on, est moins celui des hommes que du commandement lui-même.
Le sentiment dominant dans l’opinion est qu’on n’a pas su donner l’importance qui convient aux actions préventives, suivies, au besoin, de ripostes proportionnelles. Même en cas de partage des rôles au plan stratégique, la partie africaine se singularise trop par son inertie, comparativement à la partie française. Cela inquiète, d’autant que tôt ou tard, il faudra assurer la relève des troupes étrangères amies. Dans les jours à venir, il sera bien difficile aux états- majors concernés de convaincre les opinions africaines qu’elles n’ont pas failli. A eux de persuader qu’ils disposent de troupes vraiment opérationnelles, capables de mettre effectivement en pièces les groupuscules islamistes et les bandes de narcotrafiquants que les Français ont débusqués. Avec les nombreuses crises survenues ces dernières années sur le continent, il est pourtant acquis que, pour la plupart, les armées nationales africaines sont le reflet des autres institutions de l’Etat : budgétivores, infiltrées de clans mafieux et religieux, gangrénées par l’affairisme, le clientélisme et la corruption sous diverses formes.
De quelles armées nationales dispose-t-on donc ? Véritable Etat dans l’Etat, l’armée africaine coûte cher, et il est pratiquement impossible d’exercer un contrôle quelconque sur sa gestion. On accuse généralement les armées africaines d’être fortes dans l’organisation des coups d’Etat, la répression des populations, ou le brigandage lorsque leur est confiée la gestion des biens publics. La presse, le plus souvent, est muselée, et les journalistes réduits en bouillie tout comme le simple contribuable, si jamais l’opinion est saisie des hauts faits d’un officier félon, ou des abus d’un soldat qui n’a rien compris de la mission attendue de lui. L’armée d’aujourd’hui aurait pourtant beaucoup à gagner en s’ouvrant à la critique. Pour s’être emmurée et avoir contraint le citoyen lambda à la craindre sinon à la fuir, elle se trouve aujourd’hui confrontée à un vrai dilemme : poursuivre le cours de l’armée néocoloniale dont les intérêts sont cruellement aux antipodes de ceux du peuple qu’elle est censée servir, ou oser se métamorphoser véritablement en un corps de métier efficace, performant et rentable.
Une armée moderne et modèle qui accepte la critique fait son autocritique d’une manière ou d’une autre, joue le jeu de la transparence, et se conforme aux exigences d’une nation démocratique, reposant sur des institutions réellement républicaines. Reste que l’audace et la sérénité avec lesquelles les « djihadistes » ont installé leurs pénates au Nord-Mali, montrent que jamais ils n’ont eu peur des armées africaines. Les terroristes savent que plusieurs de ces armées manquent de repères, de dirigeants respectables et respectés, mais sont remplies de délinquants recrutés on ne sait comment et pourquoi ? Des armées qui se sont enlisées dans la bureaucratie, pour avoir tissé des liens de complicité avec une élite civile corrompue, laquelle a gangréné l’appareil d’Etat. Avec des états-majors truffés d’affairistes, la base, longtemps abandonnée à elle-même, ne peut que tourner dos à sa cible. Qui n’a point appris à identifier l’ennemi et à s’ajuster, aura toujours du mal à le combattre. Faut-il d’ailleurs se risquer à l’affronter, puisqu’on le dit redoutable ? Il faut tirer des leçons de la situation, et chercher à y remédier au plus vite car, l’Afrique d’hier et d’avant-hier a connu des combattants fiers de porter l’uniforme et le drapeau que de servir sans calculs la nation et de protéger le peuple.
Certes, au lendemain des indépendances, la plupart des armées africaines se sont vite spécialisées dans les insurrections et les coups d’Etat. Déstabiliser, prendre, monopoliser et défendre le pouvoir ont ainsi rapidement pris le dessus. Au nom du clan ou de l’appartenance à une région, à un groupe politique, idéologique ou religieux, la nécessaire défense de l’intégrité du territoire et la protection des populations sont passées au second plan. Selon toute vraisemblance, il n’y a pas eu passage de témoin entre générations de soldats. A preuve, l’armée malienne dont les capacités ont été renforcées ces dernières années par la puissance américaine, a amèrement déçu par son refus de lutter ! Certains, parmi ses éléments touaregs, ont même changé de camp avec armes et bagages. De quoi irriter les partenaires ! Constat amer donc : la construction d’une armée républicaine vraie, basée sur la défense de la patrie, et la sauvegarde des institutions démocratiques, est loin d’être achevée en Afrique.
Au moment où le danger se présente à nos portes, on sent réellement un grand vide. Les moyens faisant cruellement défaut, qu’attend-on, au nom de l’idéal panafricain, pour composer de véritables armées sous-régionales, dépendant exclusivement de l’Union africaine, avec des démembrements régionaux ? Au moins, aura-t-on fait un pas dans la bonne direction. Dans les pays développés, l’armée est à la base du progrès technologique. En Afrique, on la voit à peine sur le chantier du développement. Bien plus sur le chemin des intrigues. A cet égard, la conduite de certaines armées nationales est lamentable. Les humiliations qu’elles subissent ou font subir au quotidien devraient faire réfléchir davantage les autorités nationales à tous les niveaux, civils ou militaires. Les Africains peuvent et doivent se ressaisir. Il faut réhabiliter l’armée !
" Le Pays " (Burkina Faso)
Source : ajd/mr
Difficile de s’objecter à cette assertion lorsque, face à l’ennemi, les éléments des armées nationales fuient. L’offensive militaire consécutive à la crise du Mali instruit beaucoup. Certes, la direction des opérations incombe à la France qui en a les moyens. Mais, force est aussi de reconnaître qu’elle a su prendre les devants. Pourquoi avoir attendu la vivacité d’esprit et la détermination du président français, François Hollande, pour qu’enfin on sente le soulagement émerger des peuples africains naguère angoissés et aujourd’hui rassurés ? La lenteur de la mobilisation des troupes africaines contraste très sérieusement avec la rapidité dans la prise de décisions et la mobilisation des troupes françaises. Le nombre, de plus en plus élevé, de soldats français mobilisés, la rapidité dans les actions et la progression des éléments sur le terrain tranchent avec l’inertie qui caractérise la partie africaine.
Trop longtemps, les états- majors ouest-africains sont demeurés silencieux voire apathiques. En dépit des rencontres enregistrées tout au long de l’année, on sent l’impréparation, beaucoup d’hésitations et un manque patent d’empressement à aller sur le terrain. La faiblesse des moyens ne peut tout justifier ! Depuis l’occupation du Nord-Mali, que de réunions des états-majors et des experts en stratégie ! Mais suite au récent déclenchement des hostilités, qu’a-t-on fait ? Le problème, dit-on, est moins celui des hommes que du commandement lui-même.
Le sentiment dominant dans l’opinion est qu’on n’a pas su donner l’importance qui convient aux actions préventives, suivies, au besoin, de ripostes proportionnelles. Même en cas de partage des rôles au plan stratégique, la partie africaine se singularise trop par son inertie, comparativement à la partie française. Cela inquiète, d’autant que tôt ou tard, il faudra assurer la relève des troupes étrangères amies. Dans les jours à venir, il sera bien difficile aux états- majors concernés de convaincre les opinions africaines qu’elles n’ont pas failli. A eux de persuader qu’ils disposent de troupes vraiment opérationnelles, capables de mettre effectivement en pièces les groupuscules islamistes et les bandes de narcotrafiquants que les Français ont débusqués. Avec les nombreuses crises survenues ces dernières années sur le continent, il est pourtant acquis que, pour la plupart, les armées nationales africaines sont le reflet des autres institutions de l’Etat : budgétivores, infiltrées de clans mafieux et religieux, gangrénées par l’affairisme, le clientélisme et la corruption sous diverses formes.
De quelles armées nationales dispose-t-on donc ? Véritable Etat dans l’Etat, l’armée africaine coûte cher, et il est pratiquement impossible d’exercer un contrôle quelconque sur sa gestion. On accuse généralement les armées africaines d’être fortes dans l’organisation des coups d’Etat, la répression des populations, ou le brigandage lorsque leur est confiée la gestion des biens publics. La presse, le plus souvent, est muselée, et les journalistes réduits en bouillie tout comme le simple contribuable, si jamais l’opinion est saisie des hauts faits d’un officier félon, ou des abus d’un soldat qui n’a rien compris de la mission attendue de lui. L’armée d’aujourd’hui aurait pourtant beaucoup à gagner en s’ouvrant à la critique. Pour s’être emmurée et avoir contraint le citoyen lambda à la craindre sinon à la fuir, elle se trouve aujourd’hui confrontée à un vrai dilemme : poursuivre le cours de l’armée néocoloniale dont les intérêts sont cruellement aux antipodes de ceux du peuple qu’elle est censée servir, ou oser se métamorphoser véritablement en un corps de métier efficace, performant et rentable.
Une armée moderne et modèle qui accepte la critique fait son autocritique d’une manière ou d’une autre, joue le jeu de la transparence, et se conforme aux exigences d’une nation démocratique, reposant sur des institutions réellement républicaines. Reste que l’audace et la sérénité avec lesquelles les « djihadistes » ont installé leurs pénates au Nord-Mali, montrent que jamais ils n’ont eu peur des armées africaines. Les terroristes savent que plusieurs de ces armées manquent de repères, de dirigeants respectables et respectés, mais sont remplies de délinquants recrutés on ne sait comment et pourquoi ? Des armées qui se sont enlisées dans la bureaucratie, pour avoir tissé des liens de complicité avec une élite civile corrompue, laquelle a gangréné l’appareil d’Etat. Avec des états-majors truffés d’affairistes, la base, longtemps abandonnée à elle-même, ne peut que tourner dos à sa cible. Qui n’a point appris à identifier l’ennemi et à s’ajuster, aura toujours du mal à le combattre. Faut-il d’ailleurs se risquer à l’affronter, puisqu’on le dit redoutable ? Il faut tirer des leçons de la situation, et chercher à y remédier au plus vite car, l’Afrique d’hier et d’avant-hier a connu des combattants fiers de porter l’uniforme et le drapeau que de servir sans calculs la nation et de protéger le peuple.
Certes, au lendemain des indépendances, la plupart des armées africaines se sont vite spécialisées dans les insurrections et les coups d’Etat. Déstabiliser, prendre, monopoliser et défendre le pouvoir ont ainsi rapidement pris le dessus. Au nom du clan ou de l’appartenance à une région, à un groupe politique, idéologique ou religieux, la nécessaire défense de l’intégrité du territoire et la protection des populations sont passées au second plan. Selon toute vraisemblance, il n’y a pas eu passage de témoin entre générations de soldats. A preuve, l’armée malienne dont les capacités ont été renforcées ces dernières années par la puissance américaine, a amèrement déçu par son refus de lutter ! Certains, parmi ses éléments touaregs, ont même changé de camp avec armes et bagages. De quoi irriter les partenaires ! Constat amer donc : la construction d’une armée républicaine vraie, basée sur la défense de la patrie, et la sauvegarde des institutions démocratiques, est loin d’être achevée en Afrique.
Au moment où le danger se présente à nos portes, on sent réellement un grand vide. Les moyens faisant cruellement défaut, qu’attend-on, au nom de l’idéal panafricain, pour composer de véritables armées sous-régionales, dépendant exclusivement de l’Union africaine, avec des démembrements régionaux ? Au moins, aura-t-on fait un pas dans la bonne direction. Dans les pays développés, l’armée est à la base du progrès technologique. En Afrique, on la voit à peine sur le chantier du développement. Bien plus sur le chemin des intrigues. A cet égard, la conduite de certaines armées nationales est lamentable. Les humiliations qu’elles subissent ou font subir au quotidien devraient faire réfléchir davantage les autorités nationales à tous les niveaux, civils ou militaires. Les Africains peuvent et doivent se ressaisir. Il faut réhabiliter l’armée !
" Le Pays " (Burkina Faso)
Source : ajd/mr