Les anciens esclaves connaissent des situations économiques difficiles, souvent liées à une dépendance financière envers leurs anciens maîtres
La Mauritanie a pénalisé l'esclavage en 2007, mais les effets de cette pratique continuent de se faire sentir. De nombreux anciens esclaves se retrouvent souvent sans biens propres, et sans aucune source de revenu.
L'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a annoncé le 4 août qu'une nouvelle affaire d'esclavage avait été mise à jour dans la capitale. Une jeune fille était détenue alors même que le pays avait aboli l'esclavage en 1981. Son propriétaire a été convoqué devant une commission de la police, mais a été libéré, ainsi que la jeune fille, après 24 heures de détention.
Cette décision a incité le président de l'IRA Biram Ould Dah Ould Abeid et des dizaines de ses partisans à organiser un rassemblement devant le siège de la commission de la police, ce qui a conduit à des affrontements avec la police, qui a fait usage de gaz lacrymogènes et de matraques pour les disperser. Au moins onze personnes, y compris le président de l'IRA lui-même, ont été blessées. Neuf militants ont été par la suite condamnés par un tribunal mauritanien pour rassemblement non autorisé.
"Depuis mon enfance, je vivais avec mes maîtres dans l'une des villes de l'est du pays, où je travaillais comme bonne", a expliqué Mbarke Mint Mahmoud, 50 ans et mère de cinq enfants, qui vit dans la pauvreté absolue dans un bidonville de Nouakchott. "Mais début 2007, la famille de mes maîtres m'a abandonnée sous le prétexte que l'Etat n'acceptait plus la possession d'esclaves et qu'ils risquaient d'être punis aux termes de la loi."
Mint Mahmoud se rappelle les tristes souvenirs des différents quartiers pauvres de Nouakchott. "J'ai accepté différents emplois manuels pour gagner ma vie, ni plus ni moins. Actuellement, je ne possède aucun terrain où vivre, et je n'ai ni salaire ni rien d'autre", explique-t-elle.
"Je n'ai aucun avenir devant moi", conclut-elle, assise à la porte d'un logement délabré témoin d'années de privation et de désespoir. "La vie est difficile, et je m'attends à ce qu'elle le devienne encore plus dans les jours à venir du fait des prix élevés et du fort chômage."
Le sociologue Mohamed Ould Salek explique que le cas de Mint Mahmoud n'était que l'un des "centaines d'anciens esclaves mauritaniens qui se retrouvent coincés entre le marteau de l'ancien esclavage et l'enclume de l'indifférence de la part de l'Etat et de la société".
Mohamed Lemine Ould Mahmoudi a été emprisonné dans le passé pour avoir écrit sur le droit à l'émancipation d'un ancien esclave. Il a passé plus d'un mois à la prison de Rosso, mais continue de parler d'une pratique qui, dit-il, "persiste en Mauritanie".
"Cependant, la situation n'est plus aussi critique que par le passé, avant que les groupes de défense des droits ne coordonnent leurs efforts pour combattre cette pratique", ajoute-t-il. Pour lui, il est important de dépasser la généralisation d'ethnies entières.
"Par exemple, nous ne pouvons nous contenter de parler de l'ethnie de ceux que l'on appelle les Bedyanes et de dire que tous les membres de cette ethnie pratiquent l'esclavage", explique-t-il.
Il ne reste que des résidus de l'esclavage, selon Mohamed Ould Louli, chercheur social, qui affirme que les cas d'esclavage sont rares, accusant certains d'exagération.
L'esclavage n'existe plus sous ses formes traditionnelles dans les villes et les autres régions sensibilisées au problème, selon Sidi Ould Mohamed Ould Younes, chercheur en économie et écrivain. Il explique qu'au lieu de cela, "l'esclavagisme est passé de la propriété directe à la dépendance économique".
"J'estime donc que la solution à ce problème ne peut intervenir en isolant les raisons qui lui permettent essentiellement de perdurer, c'est-à-dire l'absence de l'Etat, de la sensibilisation, de l'éducation, la non-application de la loi, l'absence d'un enseignement généralisé, et le traitement des conséquences de cette situation économique", conclut-il. "Toutes ces choses sont des facteurs qui permettront d'y mettre fin."
Par Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud et Jemal Oumar pour Magharebia
Source: Magharebia