La Mauritanie a du mal à avancer vers la démocratie. S’il en est ainsi, c’est qu’elle n’a pas une élite élargie qui ait intégré la notion de l’être humain à laquelle sont attachés des droits humains naturels.
Plus j’observe le mode de fonctionnement des militants mauritaniens, plus cette idée devient pour moi criante. Leur attitude est d’autant plus risible qu’elle s’accompagne du sentiment d’être rusé, cultivé et intelligent.
Etrangement, de nombreux Mauritaniens se croient futés ou éclairés même dans la plus grande imbécillité. Ceci s’explique par leur culture et ouverture d’esprit au monde peu vastes qui sont loin d’avoir intégré la notion de la complexité chèrement défendue par notre ami Edgar Morin et l’épistémologie anglaise.
La conséquence est que c’est en s’alignant dans la pensée dominante du groupe que l’on croit dire quelque chose de valable. Ce que le groupe pense à un moment T devient la pensée de toute une communauté qui marche comme un troupeau au fil du changement de berger et de pâturages.
Pour mieux faire comprendre ma pensée, Je dirai qu’il m’est très difficile de faire passer dans le milieu mauritanien l’idée d’une lutte contre des injustices sans la nécessité de s’identifier à une communauté. Cela se traduit par : ou tu es avec nous ou nous te rejetons.
La plupart des militants ne comprenne pas qu’on puisse s’inscrire dans l’universalité humaine. Nombreux sont parmi les mauritaniens lettrés (y compris ceux qui ont poursuivi les plus longues études qui ont du mal à comprendre cette idée et à la vivre. On parle souvent de démocratie alors que l’on croit aux castes, à l’infériorité des femmes, au droit d’aînesse absolu.
La conséquence est la segmentation de la lutte pour la justice. Les Négro-mauritaniens vont refuser de voir que leur société est inégalitaire et est fondée sur un système de castes anachronique et incompatible avec l’Etat moderne et à l’origine d’injustices sociales. Certaines franges de leur population sont exclues, de fait, du pouvoir, marginalisées sur le plan économique.
Les Harratine ne verront que leur unité face aux autres communautés (si elle existait), masque des clivages et des inégalités à l’intérieur de leur propre communauté. Certains Harratine ont des esclaves, les maltraitent. Certains Harratines sont des propriétaires terriens.
Les Maures taisent les inégalités qu’il y a entre eux face aux autres Noirs. Pourtant, il existe dans la société maure un système de castes comme il en est des sociétés négro-mauritaniennes. Certaines couches de cette population comme les forgerons et d’autres sont méprisées, perçues comme des sous-hommes
La femme harratine comme toutes les femmes mauritaniennes est dominée. Certaines questions essentielles comme la liberté de conscience, la laïcité ne sont abordées par personne par peur de déplaire à sa propre communauté.
Consciemment ou inconsciemment, chaque communauté veut avoir les pouvoir. Elle tait ses propres injustices. Tant que l’on continuera à fonctionner comme cela, les luttes seront fractionnées et les lettrés des communautés seront les seuls bénéficiaires des maigres changements. Cela se voit d’ailleurs dans les faits. Certains Harratine ou Négro-mauritaniens, que l’on pensait être de grandes figures, se sont tuent dès qu’ils ont eu des postes ou amassé des sous.
Si la société mauritanienne a du mal à se démocratiser, c’est parce qu’elle a toujours fonctionné sur la base des appartenances particulières. Les lettrés mauritaniens ont pour la plupart défendu l’intérêt de leur seule communauté au détriment des idéaux de justice. Ainsi les lettrés maures, et particulièrement ceux issus des classes dominantes ont privilégié les arabo-berbères par rapport aux Noirs mais, ils ont continué à considérer les Maures issus des basses classes comme de méprisables individus, marginalisés dans tous les domaines, bien que la solidarité ethnique ait continué à être opérationnelle.
L’élite négro-mauritanienne qui a contesté la domination maure ne s’est guère souciée de la situation des Harratine et des classes inférieures de sa propre communauté.
On reproche aux Harratine de ne pas avoir soutenu les Négro-mauritaniens en 1989. Ils ont même participé aux massacres de ces derniers. Là aussi, la logique d’appartenance a fonctionné. En dehors de quelques voix qui se sont élevées pour dire non à ce massacre, il y avait un silence harratine. On peut accorder à la majorité des Harratine l’excuse de l’ignorance car il s'agit d’une population peu éduquée et comparable à une bête dressée par son maître pour se jeter sur ses proies. Il reste que certains Harratine lettrés n’ont bougé aucun doigt et d’autres ont composé avec le pouvoir.
Pour sortir de cette situation, il faudrait que l’esprit critique, d’indépendance et de justice prenne le dessus sur l’esprit de groupe. De nombreux mauritaniens n’acceptent guère un débat intellectuel honnête. Les passions, les mesquineries, les manipulations, la duplicité sont au cœur des relations sociales et politiques mauritaniennes. Chacun cherche à t’amener sur son terrain oubliant que des chemins différents mènent à Rome. Ce qui compte est l’attachement à la justice humaine.
Aucune société n’a évolué sans esprit critique, sans autonomisation des individus et des esprits. Aucune démocratie, aucun développement humain n’est possible sans affranchissement de l’individu par rapport aux pesanteurs du groupe, à la libération de la pensée.
Les lettrés mauritaniens, quelle que soit leur supposée appartenance, traînent les chaînes identitaires et les tares de leur communauté.
Supposons que les Négro-mauritaniens où les Harratine arrivent au pouvoir, cela va-t-il changer grand-chose, c'est-à-dire permettre le développement du pays, l’instauration d’une démocratie éclairée, la libération des femmes, la fin de la corruption, la fin des inégalités sociales. La compétence sera-t-elle au cœur des l’organisation collective ? Ce qui, fort probablement, risque de se passer est que les uns remplacent les autres mais continuent les mêmes pratiques.
Pour conclure, nous pouvons dire que toutes les luttes justes doivent être l’affaire de tous les mauritaniens attachés à la justice et mieux, de tout être humain.
Il est peut être temps de mettre fin à toutes ces supercheries de l’élite qui profite de l’ignorance des masses. Il est temps de rompre avec le communautarisme. Ce qui ne veut dire que les communautés ne doivent pas lutter pour leurs droits mais elles doivent aussi lutter pour le droit de tous. Plus l’idéal humain sera partagé en Mauritanie, mieux sera ce pays.
Le fondement de la République c’est la citoyenneté, c’est dire les mêmes droits pour tous pas seulement pour soi ou pour son groupe. Aussi, la libération de la femme est aussi importante que l’éradication de l’esclavage ou du racisme, etc.
« Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Oumar Diagne
Ecrivain
Source: Oumar Diagne
Plus j’observe le mode de fonctionnement des militants mauritaniens, plus cette idée devient pour moi criante. Leur attitude est d’autant plus risible qu’elle s’accompagne du sentiment d’être rusé, cultivé et intelligent.
Etrangement, de nombreux Mauritaniens se croient futés ou éclairés même dans la plus grande imbécillité. Ceci s’explique par leur culture et ouverture d’esprit au monde peu vastes qui sont loin d’avoir intégré la notion de la complexité chèrement défendue par notre ami Edgar Morin et l’épistémologie anglaise.
La conséquence est que c’est en s’alignant dans la pensée dominante du groupe que l’on croit dire quelque chose de valable. Ce que le groupe pense à un moment T devient la pensée de toute une communauté qui marche comme un troupeau au fil du changement de berger et de pâturages.
Pour mieux faire comprendre ma pensée, Je dirai qu’il m’est très difficile de faire passer dans le milieu mauritanien l’idée d’une lutte contre des injustices sans la nécessité de s’identifier à une communauté. Cela se traduit par : ou tu es avec nous ou nous te rejetons.
La plupart des militants ne comprenne pas qu’on puisse s’inscrire dans l’universalité humaine. Nombreux sont parmi les mauritaniens lettrés (y compris ceux qui ont poursuivi les plus longues études qui ont du mal à comprendre cette idée et à la vivre. On parle souvent de démocratie alors que l’on croit aux castes, à l’infériorité des femmes, au droit d’aînesse absolu.
La conséquence est la segmentation de la lutte pour la justice. Les Négro-mauritaniens vont refuser de voir que leur société est inégalitaire et est fondée sur un système de castes anachronique et incompatible avec l’Etat moderne et à l’origine d’injustices sociales. Certaines franges de leur population sont exclues, de fait, du pouvoir, marginalisées sur le plan économique.
Les Harratine ne verront que leur unité face aux autres communautés (si elle existait), masque des clivages et des inégalités à l’intérieur de leur propre communauté. Certains Harratine ont des esclaves, les maltraitent. Certains Harratines sont des propriétaires terriens.
Les Maures taisent les inégalités qu’il y a entre eux face aux autres Noirs. Pourtant, il existe dans la société maure un système de castes comme il en est des sociétés négro-mauritaniennes. Certaines couches de cette population comme les forgerons et d’autres sont méprisées, perçues comme des sous-hommes
La femme harratine comme toutes les femmes mauritaniennes est dominée. Certaines questions essentielles comme la liberté de conscience, la laïcité ne sont abordées par personne par peur de déplaire à sa propre communauté.
Consciemment ou inconsciemment, chaque communauté veut avoir les pouvoir. Elle tait ses propres injustices. Tant que l’on continuera à fonctionner comme cela, les luttes seront fractionnées et les lettrés des communautés seront les seuls bénéficiaires des maigres changements. Cela se voit d’ailleurs dans les faits. Certains Harratine ou Négro-mauritaniens, que l’on pensait être de grandes figures, se sont tuent dès qu’ils ont eu des postes ou amassé des sous.
Si la société mauritanienne a du mal à se démocratiser, c’est parce qu’elle a toujours fonctionné sur la base des appartenances particulières. Les lettrés mauritaniens ont pour la plupart défendu l’intérêt de leur seule communauté au détriment des idéaux de justice. Ainsi les lettrés maures, et particulièrement ceux issus des classes dominantes ont privilégié les arabo-berbères par rapport aux Noirs mais, ils ont continué à considérer les Maures issus des basses classes comme de méprisables individus, marginalisés dans tous les domaines, bien que la solidarité ethnique ait continué à être opérationnelle.
L’élite négro-mauritanienne qui a contesté la domination maure ne s’est guère souciée de la situation des Harratine et des classes inférieures de sa propre communauté.
On reproche aux Harratine de ne pas avoir soutenu les Négro-mauritaniens en 1989. Ils ont même participé aux massacres de ces derniers. Là aussi, la logique d’appartenance a fonctionné. En dehors de quelques voix qui se sont élevées pour dire non à ce massacre, il y avait un silence harratine. On peut accorder à la majorité des Harratine l’excuse de l’ignorance car il s'agit d’une population peu éduquée et comparable à une bête dressée par son maître pour se jeter sur ses proies. Il reste que certains Harratine lettrés n’ont bougé aucun doigt et d’autres ont composé avec le pouvoir.
Pour sortir de cette situation, il faudrait que l’esprit critique, d’indépendance et de justice prenne le dessus sur l’esprit de groupe. De nombreux mauritaniens n’acceptent guère un débat intellectuel honnête. Les passions, les mesquineries, les manipulations, la duplicité sont au cœur des relations sociales et politiques mauritaniennes. Chacun cherche à t’amener sur son terrain oubliant que des chemins différents mènent à Rome. Ce qui compte est l’attachement à la justice humaine.
Aucune société n’a évolué sans esprit critique, sans autonomisation des individus et des esprits. Aucune démocratie, aucun développement humain n’est possible sans affranchissement de l’individu par rapport aux pesanteurs du groupe, à la libération de la pensée.
Les lettrés mauritaniens, quelle que soit leur supposée appartenance, traînent les chaînes identitaires et les tares de leur communauté.
Supposons que les Négro-mauritaniens où les Harratine arrivent au pouvoir, cela va-t-il changer grand-chose, c'est-à-dire permettre le développement du pays, l’instauration d’une démocratie éclairée, la libération des femmes, la fin de la corruption, la fin des inégalités sociales. La compétence sera-t-elle au cœur des l’organisation collective ? Ce qui, fort probablement, risque de se passer est que les uns remplacent les autres mais continuent les mêmes pratiques.
Pour conclure, nous pouvons dire que toutes les luttes justes doivent être l’affaire de tous les mauritaniens attachés à la justice et mieux, de tout être humain.
Il est peut être temps de mettre fin à toutes ces supercheries de l’élite qui profite de l’ignorance des masses. Il est temps de rompre avec le communautarisme. Ce qui ne veut dire que les communautés ne doivent pas lutter pour leurs droits mais elles doivent aussi lutter pour le droit de tous. Plus l’idéal humain sera partagé en Mauritanie, mieux sera ce pays.
Le fondement de la République c’est la citoyenneté, c’est dire les mêmes droits pour tous pas seulement pour soi ou pour son groupe. Aussi, la libération de la femme est aussi importante que l’éradication de l’esclavage ou du racisme, etc.
« Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
Oumar Diagne
Ecrivain
Source: Oumar Diagne